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Neuf heures de tension à la prison de Moulins-Yzeure (Allier)

Mise en ligne : 28 novembre 2003

Geneviève Colonna d’Istria avec Jean-Marc Ducos - Le Parisien, mardi 25 novembre 2003

Texte de l'article :

Neuf heures de tension à la prison de Moulins-Yzeure (Allier) 
 
LA PRISE D’OTAGES qui a débuté, hier à 10 heures, à la prison de Moulins-Yzeure s’est terminée, sans heurts, hier vers 19 heures. Les quatre membres de l’administration pénitentiaire qui étaient retenus ont été libérés sains et saufs, et les mutins se sont rendus. Tout a commencé hier, en milieu de matinée, quand trente-trois détenus, qui se trouvaient dans les ateliers au rez-de-chaussée de la centrale, ont pris en otages cinq personnes, dont quatre surveillants et un formateur en marqueterie chargé d’animer l’un des ateliers de la prison. D’après l’administration pénitentiaire, une dizaine de détenus auraient mené la fronde. Parmi eux, deux hommes dangereux et très motivés, qui ont utilisé des outils comme armes blanches : André Alex, 27 ans, condamné pour braquage et qui devait être libéré en mai prochain, et Cyril Bastard, 28 ans, condamné pour trafic de stupéfiants et vols avec violence. Il devait purger sa peine jusqu’en août 2011. Ces deux hommes ont été placés au quartier disciplinaire, et risquent jusqu’à 45 jours d’isolement en plus d’une autre condamnation pénale pour la prise d’otages.
La deuxième en dix mois Dès l’alerte donnée, les forces de l’ordre se sont déployées aux abords de la centrale : une centaine de gendarmes, quarante hommes du GIGN roulant dans de superbes Chevrolet, ainsi que les toutes nouvelles brigades de l’Eris (équipe régionale d’intervention et de sécurité), créées récemment par le garde des Sceaux, dans la foulée de la précédente prise d’otages à la centrale d’Yzeure en février dernier ! Très vite, les mutins ont libéré deux personnes, ne conservant que trois otages. Ils découvriront plus tard un quatrième membre de l’administration pénitentiaire, caché dans un recoin de l’atelier, qui sera à son tour pris en otage. Ce n’est qu’au terme de près de neuf heures de négociations que la situation a pu être dénouée sans incident. Reste que cet établissement, qui compte cent dix-sept détenus réputés pour leur casier chargé, donne beaucoup de fil à retordre à l’administration pénitentiaire. En dix mois, c’est la deuxième prise d’otages, dont une avec tentative d’évasion. En juin 2000, trois détenus particulièrement dangereux s’étaient également fait la belle par les airs, et la mutinerie de 1995 est restée gravée dans les mémoires. « Ça commence à faire beaucoup », enrageaient les surveillants, hier. « Ici, les problèmes ne viennent pas d’une surpopulation carcérale. Mais on ne garde pas des enfants de coeur ! Nous sommes confrontés à des détenus de plus en plus dangereux, souvent des psychopathes qui n’ont rien à perdre en menaçant la vie des autres puisqu’ils sont ici pour des peines très lourdes, sans aucun espoir de sortie parfois avant trente ans », précisait Michel Cherruault, délégué FO. « Si on prive ces gens de travail pénal, ils deviennent des fauves en cage, impossibles à réinsérer », nuance Brenard Houlesse, délégué syndical Ufap. Selon un officier de gendarmerie, la tension était palpable, à tel point que l’accès au quartier de détention avait été interdit hier matin aux femmes surveillantes. L’origine de la mutinerie et de la prise d’otages ? « Depuis quelques semaines, la colère monte chez les détenus, reconnaît James Vergnaud, secrétaire local FO. Nous sommes la seule prison de France où l’on applique le principe de la porte fermée et les prisonniers le vivent très mal. » Autrement dit, depuis quelques mois, l’administration a préféré renforcer la sécurité, en refusant aux détenus le droit de sortir de leurs cellules pour déambuler dans les couloirs, comme c’était le cas avant les nouvelles directives du garde des Sceaux. La goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase. Une fois de plus... Le prochain établissement concerné par la fermeture des portes des cellules après 17 heures sera la maison centrale de Saint-Maur (Indre).