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> Edito

Mineurs en prison : un paradoxe

Mise en ligne : 17 mai 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 Début mars 2007, Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, inaugurait le 1er établissement pour mineurs (EPM) à Lyon. Cet établissement, qui prendra en charge des mineurs dès le mois de juin, est le premier d’un programme de construction de 7 EPM, qui doivent ouvrir d’ici 2008, correspondant à la création de 420 places dans toute la France. Les EPM accueilleronnt les mineurs jusque-là incarcérés dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Le fonctionnement de ces nouveaux établissements devrait être axé sur l’éducatif. Il convient de s’interroger, d’une part, sur le principe même de la construction de nouvelles places de prison et, d’autre part, sur la spécificité de la prise en charge des mineurs ayant commis des infractions.

 En terme de construction de nouveaux établissements, la construction de la maison d’arrêt (MA) de Fleury-Mérogis et celle du centre pénitentiaire (CP) de Marseille sont les seules qui sont intervenues entre 1900 et la fin des années 1980. Ensuite, le programme d’Albin Chalandon, en 1986, portait sur 13 000 places, celui de Pierre Méhaignerie, en 1994, sur 4 500 places, et le programme de Dominique Perben, en 2002, sur 13 200 places. Il est souvent argué que ces constructions ont pour objectif, d’une part, de permettre la rénovation du parc pénitentiaire et, d’autre part, de résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Toutefois, le taux d’incarcération pour la France n’a cessé d’augmenter depuis les années 1970 (avec certes une baisse passagère entre 1997 et 2001), sous l’effet non seulement de la banalisation de la détention provisoire, mais aussi de l’allongement des peines. Construire plus de prisons incite à incarcérer davantage et incarcérer davantage incite à construire plus de prison. Il existe pourtant de nombreuses alternatives à l’incarcération, mais elles sont trop peu utilisées.

 S’agissant de l’incarcération des mineurs, l’ordonnance du 2 février 1945 consacre la primauté de l’éducatif sur le répressif ; les mineurs délinquants sont ainsi justiciables, avant tout, de "mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation". Cette ordonnance a subi de nombreux aménagements depuis 1945. Les choix politiques se sont succédés, oscillant entre enfermement et éducation. En 1958, est décidée la création des centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée qui fermeront en 1979 ; en 1970, est engagé un programme de construction de centres d’observation de sécurité qui fermeront en 1976 ; en janvier 1996, Jacques Toubon, alors garde des Sceaux, décide l’ouverture des unités éducatives à encadrement renforcé, qui deviennent des centres éducatifs renforcés. Parallèlement, en 2003, les centres éducatifs fermés sont créés ; il en existe actuellement 25 et ce nombre sera porté à 46, fin 2007. Les EPM tentent, semble-t-il d’apporter une réponse qui allierait éducation et enfermement. Mais ces 2 notions sont pourtant tellement contradictoires.

 Il faut sortir du processus inflationniste de construction de places de prison et revenir à une vision cohérente du traitement des infractions pénales, alliant la nécessité de la protection de la société, le respect des libertés individuelles et la devoir d’accorder à chacune et à chacun une place à part entière dans la communauté. S’agissant des mineurs, ne faut-il pas revenir à l’esprit de l’ordonnance de 1945 ? L’éducation à la vie en société, dans le respect des règles et la socialisation sont profondément paradoxales avec l’enfermement, souvent vécu comme arbitraire et injuste par les plus jeunes. La mise en place de repères nécessite du temps ; les mineurs doivent avant tout être protégés. Leurs incivilités et leurs actes délictueux ne sont-ils pas plus sûrement un signe d’une carence éducative que la société a le devoir de combler, sans les priver de leur liberté ?

La rédaction

Ban Public
Mai 2007