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Nos propositions

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Date : 18-01-2012

Loi de programmation exécution des peines - Construire « 30 000 » nouvelles places de prison est un non sens humain, économique et juridique

Mise en ligne : 14 janvier 2012

Dernière modification : 18 janvier 2012

Texte de l'article :

 

 

Le projet de loi dit « de l’exécution des peines », en cours de discussion au Parlement, prévoit entre autre de porter à 80 000 places le nombre de places de prison.

D’horizons très divers, nous, organisations de la société civile et professionnels du monde judiciaire, nous opposons fermement à cette perspective.

Construire 24 397 nouvelles places de prison n’est pas la solution miracle pour lutter ni contre l’insalubrité réelle de certains anciens établissements ni contre la surpopulation de nos prisons. Au-delà de ce paravent l’objectif réel aujourd’hui est d’incarcérer davantage, faisant de la prison la peine de référence, en contradiction frontale avec les évolutions de la loi pénitentiaire et les modalités d’aménagement qu’elle a introduites.

Car incarcérer massivement, y compris des personnes condamnées à de courtes peines c’est favoriser la récidive en rompant les liens sociaux !

Car incarcérer davantage représente un coût que les gouvernants ne peuvent ignorer !

 La logique du programme de construction prévu par le projet de loi constitue un véritable traitement industriel en termes de gestion de stock et de flux, appliqué à des êtres humains. A l’opposé de la rationalisation affirmée par le projet, cette politique pénale couterait très cher au budget de l’Etat, et pour longtemps au vu des contrats de partenariat public-privé prévus.

 A rebours de cette politique sécuritaire, prétendument gestionnaire, et au nom des valeurs qui nous sont chères, nous appelons les parlementaires à porter ces propositions.

 Nos propositions

1. Se doter de prisons à taille humaine et favorisant la réinsertion

La prison ne doit pas exclure, au contraire elle doit donner à la personne condamnée la motivation pour sortir de la spirale de la délinquance. Le projet de loi permettrait de construire des établissements pouvant atteindre 900 places ; or, dès qu’ils dépassent 200 places, ils ont tendance à générer davantage de tensions, et donc des échecs comme a pu le constater le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans ses nombreuses visites de terrain. Les prisons actuellement construites provoquent des échecs dont la gestion est coûteuse tant humainement que financièrement.

Les constructions qui seraient décidées, dans le cadre de la rénovation du parc pénitentiaire, doivent l’être en considération des règles pénitentiaires européennes, tant en matière de taille, de conception des espaces, de lieux géographiques d’implantation. L’économie réalisée par la non extension du nombre de places de prison permettra un tel respect.

2. Pour une politique pénale véritablement efficace, orienter ou accompagner le plus en amont possible

Parce que l’incarcération, notamment des courtes peines, ne fait pas baisser la délinquance, parce qu’elle creuse les exclusions, et parce que la plupart des études montrent qu’une peine aménagée est une meilleure garantie contre la récidive qu’une peine exécutée en détention jusqu’à son terme, il faut assurer une prise en charge effective, le plus en amont possible, de toutes les mesures par les personnels d’insertion et de probation. Ceci passe par un renforcement conséquent de leurs effectifs ainsi que par un plan d’envergure de partenariat avec les intervenants et professionnels locaux, notamment en matière d’accompagnement social, afin de développer les propositions d’aménagement de peine et de sortie.

Seules 18 % des personnes condamnées bénéficient d’un aménagement de peine. Jean-René Lecerf, sénateur UMP, déclarait « l’annonce de 30 000 places de prison supplémentaires est électoraliste et contradictoire avec les aménagements de peine. Lorsqu’il faudra financer l’investissement de ces places - une place en cellule coûte environ 100 000 euros - et des personnels de surveillance indispensables pour permettre le fonctionnement de ces prisons nouvelles, restera-t-il des moyens financiers disponibles pour recruter des personnels d’insertion et de probation supplémentaires qui permettraient la réussite des alternatives à l’incarcération et des aménagements de peine ? » [1].

3. Réaliser des études comparatives indépendantes sur les coûts des nouvelles places de prison

Le prix moyen d’une journée de détention est estimé par la Cour des comptes à 71,10 €. Les aménagements de peine, socialement plus efficaces, coûtent, à l’administration pénitentiaire, bien moins cher ; la semi-liberté : 47,81 € ; le placement extérieur : 40 € ; le bracelet électronique n’étant qu’à 5,40 € de coût journalier, soit plus de 60 € d’économie par rapport au prix d’une journée de détention. Quant au TIG, il ne coûte quasiment rien à la puissance publique…

L’impact sur le budget de l’Etat de l’incarcération de courtes peines, dont le projet de loi fait un axe majeur, est particulièrement frappant : plus de 90 % des peines soit disant « non exécutées » sont des peines inférieures ou égales à 2 ans, donc aménageables (art. 723-15 CPP), l’aménagement étant un mode d’exécution et non une faveur. D’ailleurs, si la majorité des condamnations à des courtes peines étaient exécutées en milieu ouvert, le parc carcéral actuel de 57 268 places suffirait.

Le projet prévoit la construction de 24 397 places pour un investissement (sous)-évalué à 3,08 milliards d’euros. Or, il a été calculé « hors acquisition foncière » et hors coûts de fonctionnement. Bien plus, la Cour des comptes pointe que rien, ni à court ni à long terme ne permet d’affirmer que le partenariat public privé permette de dégager des économies pour l’Etat. Le modèle de partenariat public-privé va donc grever le budget pour les années à venir, et rendre la puissance publique prisonnière de loyers, indexations, surcoûts et pénalités.

A l’heure de voter des budgets conséquents, nous estimons qu’ils contribueraient davantage à lutter contre la récidive s’ils étaient investis dans l’application de dispositifs de prévention et d’accompagnement que vous avez déjà votés. 

▶ Lire le texte intégral en pièce jointe

▶ Premières organisations signataires

l’ANJAP / Ban Public / la Cimade / la CGT des chancelleries & services judiciaires / la CGT justice PJJ / la CGT pénitenciaire / Citoyens et Justice / la Croix Rouge / Droit d’Urgence / Emmaüs France / FARAPEJ / la Fédération Protestante de France / la FNARS / le Genepi / l’Observatoire International des Prisons / le Secours Catholique / le SNEPAP-FSU / le SNEPES-PJJ-FSU / le Syndicat de la Magistrature 

Notes:

[1dépêche AISG du 04/11/2011