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Lettre 167 Prison de Turi, 3 avril 1933

Mise en ligne : 6 mai 2005

Texte de l'article :

Prison de Turi, 3 avril 1933

Très chère Tania,

Mes conditions de santé n’ont pas changé, avec toujours des oscillations conti¬nuelles. Je suis toujours très faible. La seule donnée objective que je puis te donner est celle de la température. La nuit dernière, je me suis senti plus mal que d’habitude ; aussi ai-je fait des observations. Je sentais vers deux heures du matin une certaine insuffisance cardiaque avec oppression (non des palpitations ni des pincements intermittents, mais comme si le cœur avait été serré dans la main) et des ondées de froid ; la température était de 35 ?6. Vers six heures du matin, la tempé¬rature était de 36°3. Je ne me suis levé qu’à onze heures et demie parce que je me sentais faible et que j’avais une espèce de tremblement aux bras, aux mains, aux jambes. Après une demi-heure, la température s’éleva à 37°2. Comme je te l’ai déjà écrit, ces symptômes sont les mêmes que ceux qui se manifestaient en 1922, avec cette différence qu’alors le mal se constata en été : c’est pourquoi, à l’heure où la température s’élevait, j’étais dans des bains de sueur qui m’affaiblissaient beaucoup, ce qui n’arrive pas aujourd’hui. Il est vrai cependant qu’alors j’avais dix ans de moins et une réserve d’énergie nerveuse qui est désormais épuisée ou presque, c’est pourquoi j’avais des colères presque féroces (et ce n’est pas là une simple métaphore, parce que je me souviens que plusieurs bonnes personnes qui venaient m’assister et me tenir compagnie me dirent plus tard qu’elles avaient eu peur, me sachant Sarde, que je ne veuille frapper quelqu’un à coups de couteau !!!) ; aujourd’hui, au contraire, J’ai l’impression d’être devenu une marmelade.

Je t’embrasse affectueusement.

ANTOINE