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Lettre 155 Prison de Turi, 31 octobre 1932

Mise en ligne : 30 avril 2005

Texte de l'article :

Prison de Turi, 31 octobre 1932

Très chère Gracieuse,

J’ai reçu ta lettre du 19 avec la nouvelle rassurante sur la santé de maman. Je comprends quel a été ton état d’âme lorsque tu m’as écrit la lettre précédente et tu n’as pas à t’excuser. Je suis resté certes atterré par ces premières nouvelles, d’autant que je ne me sentais pas fort bien moi-même et que j’étais porté à tout voir catastrophiquement. Je suis d’autant plus heureux aujourd’hui des bonnes et rassurantes nouvelles. Tu dois toi aussi te soigner parce que tu auras beaucoup à travailler ; c’est pourquoi je te prie de te soigner et de faire attention. C’est sûr, nous aussi, nous sommes une branche des Corrias [1] et, par conséquent, assez coriaces, mais il me semble que nous avons un peu dégénéré ; et puis notre génération a traversé des temps très durs, pour nous plus particulièrement. Serions-nous incapables de faire ce qu’a fait notre mère il y a trente-cinq ans ? De se placer elle seule, pauvre femme, contre une terrible bourrasque et de sauver sept enfants ? Oui, sa vie a été exemplaire pour nous et elle nous a démontré combien vaut l’obstination pour surmonter les difficultés qui semblaient insurmontables, même à des hommes de forte trempe. Je t’embrasse fraternellement avec tous et plus particulièrement maman.

ANTOINE

Notes:

[1Nom de famille de la mère de Gramsci