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Lettre 074 Prison de Turi, 9 mars 1931

Mise en ligne : 16 mars 2005

Dernière modification : 16 mars 2005

Texte de l'article :

Prison de Turi, 9 mars 1931

Très chère Tatiana,

Il n’est pas vrai ainsi que tu l’écris que j’ai perdu confiance dans les médicaments. Ce serait un enfantillage. Je me suis aperçu que, dans les conditions générales où je me trouve, les médicaments sont non seulement de nul effet, mais qu’ils provoquent une aggravation des troubles. J’observe une diète très sévère et cependant les troubles viscéraux augmentent et deviennent toujours plus douloureux. Lorsque je suis arrivé à Turi, je souffrais surtout de l’estomac, et j’étais sujet à de fréquents vomissements, etc. Mais je ne souffrais pas des intestins. Depuis un an environ les troubles de l’estomac sont presque complètement passés, mais les complications intestinales sont survenues. Selon moi, elles sont en relation étroite avec l’insomnie ; j’observe que si je me réveille à l’improviste, une demi-heure après surviennent les douleurs viscérales aiguës, ce qui voudrait dire, il me semble, que le réveil interrompt la digestion et provoque par conséquent des troubles. Si, quelque nuit, je dors tranquille, ces troubles s’atténuent. J’ai arrêté de prendre le Benzofosfan parce que je me suis aperçu qu’il me menait vers d’autres complications, etc., etc. Ne crois pas que je n’aie rien fait pour m’assurer la possibilité d’un sommeil plus tranquille, mais je ne suis arrivé à aucun résultat. A présent, j’ai une gastrite chronique (mais gastrite n’a-t-il pas uniquement le sens d’inflammation stomacale ? et ne faut-il pas user de quelque autre terme ?) et tout traitement nouveau me fait hésiter, je préfère plutôt ne rien faire. Je ne suis pas fataliste ; je pense que l’oxygène peut raviver les poumons, mais je suis persuadé qu’insuffler de l’oxygène à quelqu’un qui a la cage thoracique enserrée dans un corset de fer sert à peu de chose et pourrait faire plus de mal que de bien...

ANTOINE