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Lettre 036 Prison de Turi, 20 juillet 1928

Mise en ligne : 2 février 2005

Dernière modification : 10 avril 2005

Texte de l'article :

Prison de Turi, 20 juillet 1928

Très chère Tania,

Je suis arrivé à destination hier matin. J’ai trouvé ta lettre du 14 et une lettre de Charles avec 250 lires. Je te prie d’écrire toi-même à ma mère pour lui dire les choses qui peuvent l’intéresser. Désormais j’écrirai une lettre seulement tous les quinze jours, ce qui me placera en face de vrais cas de conscience. J’essaierai d’être ordonné et d’utiliser au maximum le papier disponible.

1. Le voyage Rome-Turi a été horrible. Je me rends compte que les douleurs que j’ai éprouvées à Rome et qui me paraissaient provenir du foie n’étaient que le début de l’inflammation qui se manifesta par la suite. Je souffris de manière incroyable. A Bénevent je passai deux jours et deux nuits infernales : je me tordais comme un ver, je ne pouvais rester ni assis, ni debout, ni couché. Le médecin me dit que c’était le feu de Saint-Antoine et qu’il n’y avait rien à faire. Durant le voyage Bénevent-Foggia le mal se calma et les cloques dont j’étais couvert sur le côté séchèrent. Je demeurai cinq jours à Foggia et dans les derniers trois jours j’étais remis, je pouvais dormir quelques heures et je pouvais me coucher sans être transpercé de souffrances. Il m’est resté encore quelques cloques à moitié séchées et une certaine douleur dans les reins, mais j’ai l’impression qu’il ne s’agit pas là de choses graves. Je n’arrive pas à m’expliquer l’incubation romaine qui dura environ huit jours et qui se manifesta par de très violents points au côté droit antérieur.

2. Je ne peux encore rien t’écrire sur ma nouvelle vie. Je fais les premiers jours de la quarantaine imposée avant d’être affecté définitivement à un quartier. Je crois, par conséquent, que tu ne peux rien m’envoyer en plus des livres et du linge ; on ne, peut rien recevoir en fait de ravitaillement. C’est pourquoi ne m’envoie jamais rien [1] sans que je te l’aie d’abord demandé.

3. Les livres de Milan (Librairie) fais-les expédier directement : il est inutile que tu fasses des dépenses pour transmettre ce qui doit être déjà affranchi.

4. L’aide-mémoire n’y était plus : j’ai dû le prendre avec moi.

Les cerises m’ont été très utiles, bien que je ne les aie même pas goûtées : elles m’ont facilité le voyage.

... Je t’embrasse affectueusement.

ANTOINE

Notes:

[1Souligné par le directeur de la prison