15410 articles - 12266 brèves
> Edito

Les personnes incarcérées en situation de handicap

Mise en ligne : 31 mars 2008

Texte de l'article :

Il y a quelques jours à peine, plusieurs grandes associations de défense des droits des personnes atteintes de handicap manifestaient devant l’Elysée, pour demander, d’une part, la revalorisation de l’allocation adulte handicapé (toujours inférieure au seuil de pauvreté) et, d’autre part, la parution au plus vite des décrets d’application relatifs à l’accessibilité prévue par la loi du 11 février 2005 "pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées". La situation des personnes incarcérées atteintes de handicap est particulièrement préoccupante ; en prison, viennent s’ajouter des difficultés qui aggravent celles intrinsèquement liées à l’état de santé des personnes.

 Les situations de déficience, d’invalidité, de handicap et de perte d’autonomie sont plus nombreuses en prison qu’à l’extérieur. Tout d’abord, les durées d’incarcération de plus en plus longues entraînent un vieillissement de la population, ce qui majore les phénomènes. Ensuite, les personnes, souvent en situation précaire et ayant peu accès aux soins avant leur incarcération, ont un état de santé globalement inférieur à celui de la population générale ; un tel état est propice à la survenue prématurée de déficiences. Enfin, l’enfermement prolongé a pour conséquence l’apparition de déficiences sensorielles, à l’exception de l’ouïe (seul sens qui se développe).

 Les situations d’incapacité sont vécues avec une particulière acuité, compte tenu des altérités du milieu carcéral. L’accès aux soins, notamment dans le domaine de la rééducation motrice, est difficile en prison s’agissant tant de la présence de personnel spécialisé en kinésithérapie que de matériel adapté parfois nécessaire. Au second semestre 2007, le tribunal administratif d’Orléans a annulé la décision du directeur du centre de détention de Châteaudun qui avait interdit à une personne incarcérée de disposer, dans sa cellule, d’un appareil de rééducation motrice (solution pourtant préconisée par le médecin de l’unité de consultation et de soins ambulatoire).
Les maisons d’arrêt, accueillant en général une population plutôt jeune, sont rarement confrontées à de telles situations et n’y sont, de ce fait, absolument pas préparées. Quand s’y retrouve une personne touchée par un handicap, les conditions d’hébergement sont très loin de satisfaire aux besoins, tant du point de vue de l’accessibilité que du point de vue du suivi socio sanitaire. Dans certains établissements, une personne détenue est "classée" pour aider les personnes en situation de handicap, notamment pour leurs déplacements. Dans tous les autres établissements, soit les personnes dépendantes en sont réduites à rester en permanence recluses en cellule, soit elles sont contraintes à troquer une aide contre un avantage quelconque.

 La Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt rendu fin 2006, "estime que la détention d’une personne handicapée dans un établissement où elle ne peut se déplacer et en particulier quitter sa cellule par ses propres moyens constitue un « traitement dégradant » au sens de l’article 3" de la Convention européenne des Droits de l’Homme (interdisant les traitements inhumains ou dégradants). Au-delà de la simple question de sortir de sa cellule, qu’en est-il de l’accessibilité aux différents lieux de la détention ? Par ailleurs, un effort est-il fait pour permettre à des personnes handicapées incarcérées d’accéder à un travail ? Le cumul des difficultés, liées au handicap d’une part et à l’incarcération d’autre part, doit être une raison de redoubler d’efforts en direction de ces publics empêchés à double titre.

La rédaction
Ban Public
Avril 2008