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Les parents d’un jeune homme trouvent suspecte la mort de leur fils en cellule

Mise en ligne : 7 mai 2006

Texte de l'article :

Troisième enfant d’une famille de cinq garçons, Eric Blaise, 28 ans, marinier sur le canal Saint-Denis, près de Paris, est mort en prison, en décembre 2005, dans des conditions que le parquet d’Evry (Essonne) qualifie d’"énigmatiques". Une information judiciaire a été ouverte et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a été saisie.

 "Ils l’ont laissé mourir comme un chien", affirmait sa mère, fin avril. "Au final, on ne sait rien du tout", soulignait son père. Les parents du jeune homme, Jean et Brésilienne Blaise, éclusiers à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), n’ont obtenu que des bribes d’information. Ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort : "Pour savoir."

"Il y a un problème. Ce dossier devrait permettre de revoir les conditions d’accueil dans les maisons d’arrêt", souligne leur avocate, Nathalie Barbier. Eric Blaise est arrivé à Fleury-Mérogis dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 décembre 2005. Interpellé pour avoir tiré sur des canettes avec un pistolet à billes, il avait été condamné en comparution immédiate à quatre mois de prison, dont deux ferme, et à une obligation de soin de dix-huit mois pour alcoolisme. C’était sa première incarcération. Le dimanche, à 6 h 55, il a été retrouvé sans vie dans sa cellule du quartier disciplinaire.

Les Blaise n’ont été avertis qu’à 17 heures. Ils pensaient que leur fils avait été écroué à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Selon l’administration pénitentiaire, les parents n’avaient pu être joints plus tôt car Eric Blaise n’avait pas donné de numéro de téléphone lors de sa mise sous écrou et avait fourni une adresse erronée.

SEVRAGE À L’ALCOOL

Selon le parquet d’Evry, le rapport d’autopsie ne constate ni fracture ni ecchymose. Il indique que le décès est dû à un oedème cérébral et à une congestion pulmonaire. L’autopsie ne permet pas de dire si le détenu a tenté de se suicider. "Nous demandons une contre-autopsie", a indiqué la tante du jeune homme.

Le jour de son arrivée, celui-ci a, selon des sources pénitentiaires, été vu par un médecin qui a commencé un traitement de sevrage à l’alcool mais n’aurait fait aucun signalement particulier. A partir du milieu de journée, Eric Blaise se serait mis à tenir des propos incohérents. Vers 16 heures, le médecin lui aurait donné du Valium et aurait demandé une surveillance rapprochée. Le détenu aurait ensuite saccagé sa cellule et se serait cogné la tête contre les murs.

Placé au quartier disciplinaire à 17 heures, Eric Blaise aurait alors alterné des moments de calme et d’agitation mêlée d’hallucinations. Quand le médecin est passé, vers 20 heures, il aurait vu un détenu calmé. Les surveillants auraient alors effectué des contrôles toutes les heures, puis toutes les demi-heures à partir de 5 heures du matin, après avoir constaté que la violence de son comportement s’était aggravée. Lors des deux derniers contrôles de la nuit, au travers de l’oeilleton de la cellule, ils ont vu un détenu recroquevillé "en position de prière", qui semblait dormir.

Dans un petit dossier de presse, la famille a placé une photo prise à la morgue. Le visage d’Eric Blaise est couvert de bleus. Une lettre adressée à sa mère l’accompagne. "Passe le bonjour à tout le monde. Appelle Hélène (son amie), tu lui dis que tout va bien et qu’elle m’attende." Selon M. Blaise, "on ne laisse pas quelqu’un comme ça quand on sait qu’il est malade. Surtout un môme de 28 ans, qui, peu de temps avant, écrit une lettre".

Nathalie Guibert
Article paru dans l’édition du 06.05.06
Source Le Monde