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Au cœur de la sanction, l’enfermement

Les Etats-Unis malades de leurs prisons

Selon les statistiques rendues publiques le 8 avril 2003 par le ministère de la justice, la France n’a jamais connu autant de détenus : 59 155 personnes sont incarcérées - pour 48 603 places ! - dans 185 établissements pénitentiaires. Caractéristique d’époques de crise économique, l’exigence sécuritaire se renforce, alimentée par les politiciens en quête de voix. L’année électorale 2002 a ainsi été marquée par une forte croissance de la population carcérale : du 1er septembre 2001 au 1er septembre 2002, le nombre de détenus a augmenté de 14 %. Accroissement de la durée d’emprisonnement, moindre recours aux réductions de peine et aux libérations conditionnelles, allongement de la détention provisoire, l’institution judiciaire évite la réflexion sur sa mission de réinsertion et les moyens d’éviter l’incarcération des personnes pour lesquelles elle est inutile ou nuisible (Lire « Le sens de la peine » et « Petites et grandes réformes »). Le gouvernement de droite a annoncé la création de 28 prisons d’ici à 2007 pour porter la capacité du parc pénitentiaire à 60 000 détenus. A ce rythme effréné, entendrait-on égaler le « modèle » américain ? On compte, aux Etats-Unis, près de deux millions de personnes incarcérées — 700 détenus pour 100 000 habitants. Mais cet emprisonnement de masse des pauvres pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

A leur sortie de prison ou de maison d’arrêt, les repris de justice américains reçoivent entre 2 et 200 dollars de « gate money » (argent de sortie) pour les aider à redémarrer, leurs vêtements et un billet d’autocar pour rallier la ville où ils sont tenus de résider. Mais bon nombre d’entre eux sortent de détention avec un tout autre bagage : sur les quelque 9 millions de détenus libérés au cours de l’année 2002, plus de 1,3 million étaient porteurs du virus de l’hépatite C, 137 000 étaient contaminés par le virus du sida (VIH) et 12 000 avaient la tuberculose. Ces chiffres — fournis par la Commission nationale sur la santé pénitentiaire — représentent respectivement 29 %, 13 % à 17 % et 35 % du nombre total d’Américains touchés par ces maladies. Depuis des années, les chercheurs en santé publique sonnent l’alarme : l’épidémie d’incarcération qui balaye le pays s’accompagne d’une « incubation massive » de maladies infectieuses dans les centres de détention.

Ces chiffres, impressionnants, n’ont rien de surprenant. Nombre de comportements qui valent d’être jeté en prison — l’injection de drogues, la prostitution ou la violence contre les personnes — sont également des vecteurs de ces maladies à transmission sexuelle ou sanguine. Il s’ensuit qu’un banal coup de filet policier se traduit par l’arrestation de personnes gravement malades ou en passe de le devenir. Une fois celles-ci jetées derrière les barreaux, les comportements à risques perdurent, mais sans le minimum de protections éventuellement prises à l’extérieur : puisque les rapports homosexuels, les drogues et la violence contreviennent à la loi dans les prisons, tout matériel lié à ces pratiques — seringues, aiguilles, eau de Javel, préservatifs ou protections de latex — relève de la contrebande (même de l’eau propre pour le rinçage du matériel est difficile à obtenir).

Résultat, un système de débrouille de la part des détenus, qui entraîne une pénurie de matériel d’injection et, partant, le partage généralisé des « seringues » de fortune (...)

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Megan Comfort

Sociologue, London School of Economics.

Dossier Au cœur de la sanction, l’enfermement

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