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Etre surveillant(e) de prison

Les échelles de la discorde...

Mise en ligne : 27 janvier 2005

Texte de l'article :

Est républicain du 9/12/2004
Les échelles de la discorde

Que s’est-il vraiment passé le 2 novembre à la prison de Metz Queuleu ? Une entreprise a posé trois échelles. Selon les syndicats « on a frôlé la catastrophe ».

METZ. - La scène se passe le lendemain de la Toussaint dans la matinée. Elle est restée secrète pendant des semaines. Pourtant, selon une demi douzaine de surveillants pénitentiaires qui confirment un par un, ils auraient pu être débordés par une évasion collective « en 15 à 20 secondes ». La direction de l’établissement et son autorité de tutelle régionale à Strasbourg démentent. Un certain nombre d’éléments tangibles ne sont cependant pas contestés.

En début de matinée, une entreprise extérieure entre dans l’établissement. Une campagne de travaux, modernisation et sécurisation, a été programmée. Il s’agit ce matin-là d’installer un système de télésurveillance dans les miradors. Les ouvriers déballent leur matériel. Il faut notamment poser des câbles pour relier les caméras au PC de la détention. Les prestataires de service s’installent donc. Ils dressent trois échelles le long du mur d’enceinte de la prison. Un surveillant de permanence ce matin-là raconte la suite : « Il y avait des ouvriers et un seul collègue notamment au pied de l’échelle du mirador 2. Le programme habituel des détenus n’a pas été modifié. Une vingtaine de prisonniers ont donc quitté leurs cellules pour rejoindre le terrain de sport, et une cinquantaine sont sortis en promenade.
Ils n’avaient qu’un grillage à escalader pour se retrouver au pied des échelles ». Et derrière, un second mur d’enceinte ? « Non, la liberté ! » précise Emmanuel Maire, de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP).

Appel de détresse

Prévenu par des collègues inquiets par le flottement et les hésitations des détenus, ce délégué syndical a constaté la situation sur place et immédiatement prévenu son délégué régional, Gilles Menniccucci à la prison de Toul Ecrouves. Ce dernier, ébahi par l’information, a appelé sur le champ le directeur régional sur son portable. « Il est vrai que j’ai senti une certaine inquiétude des surveillants messins. Les détenus n’avaient plus qu’à escalader. Le directeur régional m’a indiqué que les Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) étaient sur les lieux ». M. Laurent Ridel, directeur régional de l’administration pénitentiaire à Strasbourg, confirme ce scénario : « Nous avions annoncé les travaux par une note de service à l’ensemble du personnel, et toutes les précautions ont été prises.
Les surveillants dans les miradors disposaient même de consignes particulières, notamment d’être particulièrement vigilants et de signaler la moindre anomalie. De plus, les détenus étaient séparés des échelles non pas par du grillage à poules, mais par un grillage refait à neuf voici à peine quelques semaines ». L’autorité régionale confirme aussi le pré-positionnement des ERIS, ce véritable GIGN des prisons, formé voici un an pour prévenir les mutineries.

Provocation

Echelles certes, travaux donc, consignes aussi... Pourquoi un tel malaise
persiste-t-il à Metz Queuleu où Laurent Ridel admet avoir observé un « 
climat particulier ». Pour autant, « ou les gens ne savent pas lire les
consignes, ou ils sont de mauvaise foi ». Les syndicats n’ont pas rédigé de
tracs, d’évidence troublés par cet événement que certains assimilent à un
manque de professionnalisme. La CGT, interrogée, confirme ce malaise. « Les surveillants sont indignés par ce qui s’est passé pendant une heure ce matin-là et n’en sont pas très fiers, car franchement, on passe pour des guignols », commente le délégué cégétiste Carlo Di Egidio. « Même les détenus nous ont demandé si nous n’étions pas cinglés de les provoquer Je me demande comment nos collègues auraient fait si des dizaines de détenus s’étaient rués en même temps sur les échelles... »

Les détenus n’ont pas bronché. On ne saura donc jamais. En revanche, les surveillants n’ont pas digéré la suite. « Un collègue du mirador a demandé des consignes par radio », reprend Emmanuel Maire de l’Ufap. « De longues minutes se sont écoulées et c’est là que j’ai appelé d’urgence le directeur régional ». Or, une réponse aurait grésillé dans la radio interne des miradors : « Ouvrez le feu en visant bien. Faites un exemple, un tir dissuasif quoi ! » rapporte un surveillant à la lisière de la retraite. Le directeur de Metz Queuleu absent ce matin-là, dément formellement. Michel Schwindenhammer : « Les consignes étaient écrites et nous avions les ERIS en réserve. On ne peut pas parler d’un incident donc je n’ai pas connaissance et encore moins de cet ordre de tir ».

Syndicalistes comme surveillants de base ont une autre interprétation. Un
mois après le retour mouvementé du condamné à perpétuité Stéphane Krauth, un climat délétère a fait son lit au coeur de la prison de Queuleu.

Alain DUSART

Les Equipes régionales d’intervention et de sécurité auraient été
pré-positionnées à Metz Queuleu.