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> Edito

Le travail en prison

Mise en ligne : 22 avril 2008

Texte de l'article :

Dans quelques jours, le 1er mai, la fête du travail sera célébrée dans de nombreux pays. A cette occasion, est commémorée la grève sanglante du 3 mai 1886 aux usines McCormick de Chicago, pour l’instauration de la journée de huit heures. Au fil des décennies, différents acquis sociaux ont été obtenus, comme le repos hebdomadaire. Mais, le code du travail qui reprend toutes ces dispositions ne s’applique pas en prison.

 Le travail était obligatoire en prison jusqu’en 1987. Depuis, il incombe à l’administration pénitentiaire, ou au groupe privé concerné s’agissant des prisons à gestion mixte, de permettre au plus grand nombre de travailler, en passant des accords avec des entreprises qui sous-traitent ainsi des tâches à faible niveau de qualification. Force est de constater que le taux de chômage en prison augmente de façon régulière (atteignant près de 100 % dans certaines maisons d’arrêt). Travailler en prison, même pour un bas salaire, est indispensable, car beaucoup de choses s’achètent et ceux qui ont une famille font parfois le choix de participer aux frais qu’occasionnent les visites. En outre, le travail en prison permet d’obtenir plus facilement des remises de peine supplémentaires. En effet l’article 721-1 du code de procédure pénale stipule que : "une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment (...) en s’efforçant d’indemniser leurs victimes".

 Parmi les dispositions du code du travail qui ne s’appliquent pas en prison, l’une est pourtant fondamentale : la signature d’un contrat de travail. L’article D103 du code de procédure pénale stipule en effet que "les relations entre l’organisme employeur et le détenu sont exclusives de tout contrat de travail". L’absence de contrat de travail entraîne notamment l’incompétence de la juridiction prud’homale pour se prononcer si elle est saisie. Outre les inconvénients pratiques liés au défaut de contrat de travail, il y a une valeur symbolique extrêmement forte associée à cette absence. Quelle image a-t-on des personnes à qui l’on propose de travailler dans de telles conditions ? Ces citoyens, même s’ils ont commis une infraction, ne devraient-ils pas bénéficier des mêmes garanties vis-à-vis de leur employeur que n’importe quel autre citoyen ?
Pour palier cette insuffisance, le comité d’orientation restreint pour la "grande" loi pénitentiaire préconise, dans ses conclusions remises le 19 novembre 2007, "l’instauration d’un contrat de travail aménagé". Cette préconisation paraît bien insuffisante. Pourquoi ne pas simplement demander l’application du droit du travail, en prison comme ailleurs ?

 Tant que la prison restera une zone dérogatoire, quel objectif peut prétendre poursuivre la société en enfermant les personnes, sinon les reléguer ? Tant que les personnes ayant commis une infraction ne seront pas protégées, en tant que travailleur, au même titre que les autres, comment la prison peut-elle prétendre être un outil de réintégration sociale ? Appliquer le droit, dans toutes ses déclinaisons, et notamment celui du travail, est également une manière de montrer les bénéfices qu’il y a à tirer de l’application des lois.

La rédaction
Ban Public
Avril 2008