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> Edito

Le suicide en prison

Mise en ligne : 25 août 2008

Texte de l'article :

Chaque année, l’association internationale pour la prévention du suicide, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, organise, le 10 septembre, la journée mondiale de prévention du suicide. L’objectif de cette journée est de sensibiliser les communautés à la gravité du phénomène en tant que cause de décès prématurés et évitables. En France, près de 11 000 personnes se suicident chaque année (chiffre sous estimé d’environ 20 % en raison des modes de codification des décès, selon le centre d’épidémiologie sur les causes médicales du décès -CépiDc-). Cela représente globalement un taux de suicide de 2 pour 10 000. En prison, ce taux est environ 7 fois plus élevé.

 Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et Jean-François Mattei, ministre de la Santé, avaient demandé au Professeur Jean-Louis Terra, psychiatre, de leur faire des recommandations en matière de prévention des suicides en milieu carcéral, dans le but de réduire de 20 % en 5 ans le nombre de suicides. Le rapport Terra a été remis le 10 décembre 2003. Un fléchissement a été observé à partir de 2006 (93 suicides en 2003, source Chiffres clés de l’administration pénitentiaire), avec une baisse d’environ 20 % par rapport à 2003 (120 suicides en 2003). Ce fléchissement s’est confirmé en 2007.

 La dégradation des conditions de détention de ces derniers mois est-elle de nature à pérenniser cette évolution favorable ? La surpopulation en maison d’arrêt engendre naturellement une forte promiscuité, mais aussi une oisiveté importante. En outre, le personnel tant de surveillance que médical, n’augmente pas proportionnellement à la population détenue ; de fait, la prise en charge des personnes, en particulier des personnes les plus fragiles, ne peut se faire dans de bonnes conditions. On est plus souvent dans la gestion de situations d’urgence que dans une véritable prévention.
Pour les personnes en établissement pour peine, les difficultés croissantes pour obtenir une libération conditionnelle et la perspective d’un enfermement après la peine dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté (instauré par loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental) rendent les longues peines particulièrement difficiles à vivre.

 L’objectif de 20 % de diminution du nombre de suicides en prison est-il suffisamment ambitieux ? Avec un tel objectif, le taux de suicide en prison restera encore bien supérieur à ce qu’il est dans la population générale. On peut arguer du fait que la population incarcérée est une population a priori fragilisée et qu’atteindre le même taux de suicide qu’à l’extérieur serait un leurre. Il y a peut-être une part de vrai dans une telle assertion, mais cela devrait au contraire inciter à déployer des efforts encore plus importants en matière de prévention. La question du coût de la mise en place de mesures ne peut en aucun cas être un argument pour renoncer. La valeur de la vie ne dépend pas de la situation pénale et du passé de la personne.

La rédaction
Ban Public
Août 2008