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Le respect de soi, prendre soin de toi, c’est éviter le passage à l’acte

Mise en ligne : 7 May 2012

Dernière modification : 8 May 2012

Texte de l'article :

LE RESPECT DE SOI, PRENDRE SOIN DE SOI, C’EST EVITER AUSSI LE PASSAGE A L’ACTE EN DISANT « VOTRE VIE EST PRECIEUSE, ET L’INVERSE EST AUTANT VRAI ».

LA FICHE DE SUIVI

Une personne incarcérée devrait avoir une fiche de suivi dès les premiers instants où elle a affaire à la justice : les policiers souvent remarquent un état psychologique instable, le médecin traitant signalerait des antécédents, lors de l’audience au tribunal, le juge devrait inscrire aussi sur cette fiche ses questionnements s’il sent une fragilité, de l’incohérence, avant l’incarcération, les proches devraient pouvoir inscrire leurs remarques sur la santé psychologique de la personne incarcérée. Tout au long de l’incarcération toute personne en contact avec la personne incarcérée doit avoir accès à cette fiche, et les proches sollicités d’y inscrire des éléments s’ils ont eu un courrier ou un parloir qui leur a fait éveiller des soupçons. Nous déplorons que bien des morts en prison n’aient pas été repérés.

INTERROGATION SUR LA VERACITE DE LA COMMISSION PREVENTION SUICIDE

Il apparaît clairement que les personnes incarcérées signalées par cette commission ne font l’objet d’aucune surveillance particulière.

Exemple parmi tant d’autres  : Le huit décembre 2000, la maison d’arrêt Saint Joseph de Lyon, Orlando DE ABREU RODRIGUES se pendait dans sa cellule, laissé seul pendant la promenade et sans surveillance particulière malgré la surveillance spéciale ordonné par la commission prévention suicide. Karine BERGNES qui est l’ancienne compagne de monsieur DE ABREU RODRIGUES, a enquêté, sur ce point. Certains acteurs de la pénitentiaire lui ont confirmé qu’aujourd’hui encore, cette mesure ne peut pas être appliquée correctement. En juin 2008, madame BERGNES, visite la prison St Paul (de par sa fonction au CLRD : Conseil Lyonnais du Respect des Droits) et soulève des interrogations en donnant l’exemple d’Orlando, sans dire au surveillant qu’il s’agissait de son histoire. Il exposa le mode d’emploi, avec un discours officiel bien lisse et propre, rappela comme il est de coutume de se méfier du discours des familles. Elle lui avoua qu’elle était la famille en question. Elle lui montra la déclaration de son collègue monsieur Aymeric BIZET qui a précisé, concernant les détenus même signalés, que “Nous n’exerçons pas de surveillance particulière sur les détenus, nous n’intervenons qu’à leur demande”. Le surveillant fini par avouer que les surveillants faisaient ce qu’ils pouvaient, avec les moyens qu’ils avaient, le manque d’effectif et la coordination ne permettant pas toujours de mettre en place correctement ses surveillances. Il ajouta nous faisons ’’de notre mieux’’.

Certaines fois, ça peut fonctionner mais la majeure partie du temps, il y a des gros problèmes dans ces commissions et les mesures proposées. D’ailleurs on ne comprend pas comment on peut faire porter la responsabilité à un codétenu de la surveillance, car cela arrive souvent, et en plus avec menaces si quelque chose devait arriver. Quelles tensions crée-t-on là ? Et la culpabilité après ? Et comment va-t-on faire avec l’encellulement individuel ? Une personne suicidaire va-t-elle appeler à l’interphone ? Comment la vidéo pourrait elle jouer un rôle sans accroître un sentiment de viol permanent et déni de soi ?

Dans le même temps ces surveillances particulières auraient-elle un impact réel sur la prévention, il suffirait juste à la personne incarcérée de mettre en œuvre son passage à l’acte entre deux rondes qui sont très espacées. En plus, on est quand même amené à s’interroger sur l’effet de rondes trop nombreuses qui empêchent le sommeil. N’utilise-t-on pas ce genre de tactique pour briser les gens psychologiquement dans les méthodes de tortures organisées ?

Pourquoi les personnes incarcérées détectées à risque ne sont pas transférées dans un hôpital adéquat, le temps de gérer la crise et ne pas demander aux proches ou à des associations d’intervenir pour tenter d’insuffler la vie à celui qui n’arrive plus à conjuguer son avenir au futur. Karine BERGNES a posé la question au Docteur LAMOTHE, le 29 novembre 2008 et celui-ci lui a répondu,” mais vous ne connaissez pas les hôpitaux psychiatriques, c’est encore pire”. Nous ne sommes pas de cet avis, l’hôpital psychiatrique est un contenant, moins agressif, beaucoup plus rassurant. Les professionnels de la santé sont plus à même de gérer un état de crise suicidaire que le personnel pénitentiaire. Laisser une personne incarcérée suicidaire en prison c’est un acte criminel.

Nous attirons votre attention sur les soins psychiatriques :

Les rendez-vous avec le médecin psychiatre sont beaucoup trop espacés dans le temps (sans compter les périodes de vacances, de maladies, de formation, de réunions....). Les suivis psychiatriques ne sont donc d’aucun effet positif dans la construction interne du patient emprisonné. Il est même dangereux de pratiquer une thérapie avec des espaces aussi longs. Là aussi nous pouvons constater toute la difficulté pour les familles d’être informée, très souvent les familles ne connaissent rien de l’état psychologique inquiétant de leur proche incarcéré. Les médecins se retranchent derrière le fameux secret médical, et ne laissent aucune chance aux familles, d’aider celui qui souffre en silence. Pourquoi les familles ne serait-elles pas invitées à rencontrer le médecin et le patient incarcéré, comme cela se passe dans les hôpitaux psychiatriques ?

Nous déplorons une tendance à distribuer des médicaments trop fréquente et qui cherche plus à être dans la facilité du moment pour avoir de la tranquillité que d’être dans le vrai soin. Assommer les personnes incarcérées d’anxiolytiques, de neuroleptiques et de somnifères, c’est prendre le risque de fabriquer des personnes additives et violentes. Beaucoup de gens qui sortent de prison sont devenus dépendants et cela est anormal, et engendre un coût à la société qui devra subir cette dépendance et ce qu’elle va impliquer. Le regard du médecin traitant dans ce genre de situation pourrait pousser à travailler autrement. Les psychotropes en prison doivent être limités et surtout être donnés par solution buvable aux heures de prises. Continuer à remettre des médicaments en vrac sans vérification de leur absorption, c’est prendre le risque de voir une personne incarcérée les stocker en vu d’un passage à l’acte et cautionner le trafic gigantesque dans toutes les prisons françaises. Le trafic ne peut qu’attiser la violence, les vols, les rackets, et nous savons que ce terrain miné pousse des personnes incarcérées apeurées à mettre un terme à leur vie.

Nous insistons sur le fait que le corps médical et l’Administration pénitentiaire ne prennent pas les mesures qui s’imposent lors des appels au secours des personnes incarcérées souffrantes, ou les alertes de leurs familles. On a alors affaire à des professionnels de la pénitentiaire ou du corps médical qui se retranchent avec trop de facilité derrière le mot « chantage du détenu », ou alors sur le règlement interne. Nous rappelons qu’un acte d’automutilation est un passage à l’acte qui signifie que la souffrance, la crise, ne peut être mise en mots par la personne souffrante. Le symbole de l’automutilation est une fabrication d’une bouche ensanglantée. Toute personne qui passerait à des actes autodestructeurs devrait être prise en charge dans l’immédiat par le corps médical en psychiatrie. Un suivi s’impose, les soins psychiatriques doivent être obligatoires dans certains cas, comme pour les personnes qui se retrouvent placées à l’extérieur en hospitalisation à la demande d’un tiers [HDT] ou en placement d’office.

L’ambiance morbide en prison

Un facteur aggravant qui mine le moral est d’être confronté à la maladie, la sienne, comme nous l’avons abordé mais aussi à celle des autres. Nous savons que les familles tremblent de savoir que leur proche part dans certaines prisons (Clairvaux, Les Baumettes, Fresnes entre autres) car déjà que bien des choses sont difficiles, on va encore au bout de ce qui est possible humainement de gérer. La confrontation à des personnes incarcérées gravement malades, en stade final, s’ajoute au choc de la détention. On meurt aussi de maladies et psychologiquement côtoyer cela dans les pires conditions possibles ne pousse pas à insuffler de l’étincelle de vie, de l’espoir.

 Le quartier disciplinaire

Nous demandons son abolition pure et simple. C’est d’une absurdité et d’une inhumanité totale. Tout ce qu’on a décrit sur la prison en général montre son impact suicidogène mais alors comment ne pas en finir avec cette aberration de vouloir l’enfermement dans l’enfermement ? Le laisser est, malgré toutes les améliorations possibles, garder une part de lieu de la mort, la voie à emprunter pour celui qui voudra passer à l’acte, son arbitraire fera toujours que le plus faible y sera, combien de gens fragiles se retrouvent au mitard ! Il faut savoir aussi qu’on en arrive à des situations absurdes telles que d’être sanctionné pour avoir refusé de se soumettre à un ordre qui était justement d’y être amené sans motif valable !

L’Étude sur les droits de l’homme en prison de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendue publique en mars 2004, rappela que « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention » et que la « sur-suicidité au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction », nous souhaitons que la médiation soit favorisée, que les moyens donnés au médiateur de la République soit augmentés.
Le 16 octobre 2008, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à l’unanimité, pour :
• violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme, du fait du manquement des autorités françaises à leur obligation de protéger le droit à la vie de Joselito Renolde ;
• violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention, le placement de Joselito Renolde en cellule disciplinaire n’étant pas approprié à ses troubles mentaux.
Affaire Renolde c. France, n° 5608/05

Proposition 10 Les voies de recours et protéger le droit

Il doit y avoir une représentation de personnes incarcérées et une des familles au sein des établissements dans le cadre de son fonctionnement. Toutes les commissions doivent avoir un représentant de toutes les parties pour que chacune puisse faire entendre sa voix. Les personnes incarcérées et familles élus doivent obtenir des garanties pour assurer qu’elles ne soient en rien pénalisées par cette fonction. Elles prendraient alors une place pour montrer que la prison garantie le respect de chacun et ira dans le sens de rendre sa dignité à tous. Nous sommes sures que cela amènerait un changement profond dans la gestion du quotidien et changerait la donne au niveau des rapports entre tous, pour apprendre à travailler ensemble et cesser d’être dans la méfiance, la critique, et obligerait l’administration pénitentiaire à s’humaniser et à plus de transparence.

La commission de discipline doit faire l’objet d’une refonte totale de sa structure. Il n’est plus concevable qu’on maintienne ce déni de justice avec des acteurs juges et parties. La réponse « sanction », étant déjà entendu que le quartier disciplinaire est aboli, et si elle apparait justifiée, doit être réfléchie dans un parcours de responsabilisation et de réparation et ne pas influer sur la durée de détention, car là c’est de la triple peine.