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> Edito

Le projet de loi pénitentiaire

Mise en ligne : 23 juin 2008

Dernière modification : 11 juillet 2008

Texte de l'article :

La loi pénitentiaire, initialement promise pour l’automne 2007, a été repoussée à maintes reprises et serait peut-être votée à l’automne 2008. Curieusement, l’échéance de l’automne 2007 a pourtant été prétexte à précipiter les travaux du comité d’orientation restreint (COR). Le COR aurait-il été ainsi manipulé ?
Dans l’exposé des motifs du projet, il est affirmé que "la personne détenue conserve l’intégralité de ses droits fondamentaux, sous réserve des restrictions que commandent les impératifs de sécurité des personnes et des établissements pénitentiaires". Autrement dit, d’emblée, il est question de restriction des droits fondamentaux.
Le projet s’organise autour de 5 chapitres : clarifier les missions du service public pénitentiaire, régir la condition juridique de la personne détenue, améliorer la condition des personnels, renforcer la sécurité juridique en élevant au niveau législatif les principes fondamentaux relatifs aux régimes de détention et prévenir la récidive des personnes placées sous main de Justice.

 Les missions du service public pénitentiaire sont rappelées. Quelques modifications sont proposées dans le fonctionnement de certains modes de contrôle ou d’intervention extérieure. Les commissions de surveillance seraient supprimées et remplacées, d’une part, au niveau de chaque établissement, par le conseil d’évaluation, censé être plus efficace, et, d’autre part, au niveau départemental, par une commission de suivi des politiques pénitentiaires. La convention signée le 25 janvier 2007 entre le Médiateur de la république et l’administration pénitentiaire, ayant pour objectif la tenue de permanences de délégués du médiateur, dans tous les établissements, serait renforcée par la voie législative.

 Le chapitre consacré aux conditions juridiques de la personne détenue est l’occasion d’affirmer que les personnes conservent leurs droits aux prestations sociales, ce qui passe notamment par la possibilité d’être domicilié à l’adresse de l’établissement pénitentiaire. Cette domiciliation est censée favoriser l’inscription sur les listes électorales de la commune où se trouve la prison. Autrement dit, rien de très nouveau : les personnes ne pourront pas plus qu’actuellement voter de façon directe, sauf à bénéficier des dispositions du décret du 16 novembre 2007, permettant de solliciter une permission de sortir à la seule fin d’exercer son droit de vote.
Concernant le travail, il est écrit : "les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail", ce qui est déjà inscrit dans l’article 717-3 du code de procédure pénal (CPP). Un "acte d’engagement professionnel" tiendra lieu de pseudo contrat, mais "il n’autorise pas à se prévaloir des dispositions du code du travail, à l’exception des mesures d’hygiène et de sécurité". Alors même qu’il est clairement dit que la personne détenue conserve l’intégralité de ses droits fondamentaux, elle est traitée, du point de vue de ses relations de travail, selon un régime totalement différent de ce qui se pratique à l’extérieur.
Les propositions en matière de droit au maintien des liens familiaux ne présentent pas davantage d’avancées notoires. Il est rappelé que les parloirs ont lieu sous surveillance et qu’il est possible d’accéder à une unité de visite familiale (UVF) pour les personnes qui ne sont pas éligibles à une permission de sortir. Mais, à ce jour, seulement 7 établissements sur 192 sont dotés d’UVF...
L’accès au téléphone serait certes étendu aux personnes en détention provisoire, mais selon des modalités qui seront définies ultérieurement par décret en conseil d’Etat.
La personne incarcérée a désormais le droit à sa propre image, sur la base d’un consentement éclairé, avec toutefois d’importantes restrictions. L’administration pénitentiaire peut en effet s’opposer à la diffusion de l’image en question.

 Le personnel pénitentiaire serait désormais guidé dans sa pratique quotidienne par un code de déontologie, comportant notamment l’obligation du respect des droits fondamentaux de la personne. Un agent devrait signaler tout manquement à ces règles. L’agent pourra-t-il signaler le non respect par l’administration de la dignité et de l’intimité de la personne faute de pouvoir placer celle-ci en cellule individuelle ? La loi devrait en outre porter création d’une réserve civile volontaire pénitentiaire.

 Le principe de l’encellulement individuel n’est plus posé nettement, puisque l’article 716 du CPP serait ainsi rédigé :"les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés au régime de l’emprisonnement de jour et de nuit, soit en cellule individuelle, soit en cellule collective [...]. Les personnes mises en examen, prévenus ou accusés qui en font la demande sont placés en cellule individuelle".

 Il est proposé un certain nombre de dispositions pour favoriser le recours aux alternatives à la détention provisoire et aux aménagements des peines privatives de liberté. L’assignation à résidence avec surveillance électronique serait possible lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement d’au moins 2 ans. Des mesures de ce type existent déjà (le contrôle judiciaire sous le régime du placement sous surveillance électronique fixe, instauré par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice) mais sont sous utilisées, faute de moyens. Les alternatives à l’incarcération et les aménagements de peine prononcés au moment du jugement seraient possibles pour des peines allant jusqu’à 2 ans, au lieu d’1 an actuellement. Si cette disposition n’est pas elle aussi accompagnée de moyens, elle risque de rester lettre morte.

 Ban Public estime très insuffisantes les avancées proposées dans le cadre du projet de loi pénitentiaire. En outre, le texte est un véritable recul sur certains points, comme le droit à l’encellulement individuel. Il ne peut y avoir deux types de normes, selon que les personnes sont des citoyens incarcérés ou des citoyens libres. Les citoyens de la "société libre" eux-mêmes subissent des limitations à leur liberté, des "ingérences" selon la terminologie de la Convention européenne des droits de l’homme, fondées sur les nécessités de l’ordre public. Ces ingérences doivent être identiques pour les personnes incarcérées et pour les personnes libres. Le droit commun doit être appliqué dans toutes ses déclinaisons (droit du travail, droit de la famille par exemple), à tous.

La rédaction
Ban Public
Juin 2008

Lire le texte du projet de loi pénitentiaire au lien suivant

http://prison.eu.org/article.php3?id_article=10897