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Philosophies et politiques pénales et pénitentiaires

Le nouveau profil des prisonniers politiques

Mise en ligne : 20 août 2003

Dernière modification : 23 janvier 2011

Texte de l'article :

Le nouveau profil des prisonniers politiques
Extrait de l’Atlas 2002 du monde Diplomatique

La question des prisonniers pose deux problèmes : la difficulté de définir cette catégorie du fait de la diversité des formes de coercition et l’impossibilité de saisir son ampleur réelle. Après un recul de la répression politique dans le monde depuis les années 1980, un nouveau tournant répressif s’est amorcé vers la fin des années 1990, et surtout après le 11 septembre 2001.

Certains Etats refusent souvent de reconnaître l’existence d’une opposition politique qu’ils n’arrivent pas à gérer autrement que par la coercition, d’où les dénégations systématiques de toute qualité « politique » aux prisonniers. Aussi la criminalisation des oppositions, plus facile quand celles-ci sont armées, contribue-t-elle à la légitimation de l’ordre dominant. La reconnaissance du statut de prisonnier politique est, dès lors, tributaire du rapport de force national et international.

Amnesty International établit une distinction entre « prisonnier d’opinion » et « prisonnier politique ». La première catégorie s’applique, selon l’organisation, à toutes les personnes détenues du fait « de leurs convictions politiques ou religieuses ou pour toute autre raison de conscience (…) et qui n’ont pas usé de violence ni préconisé son usage ».

L’organisation demande la libéralisation immédiate de ces prisonniers. Quant aux prisonniers politiques, l’organisation revendique leur droit à un procès équitable. Deux raisons fondamentales empêchent de chiffrer avec précision le nombre des prisonniers politiques dans le monde : d’une part, le secret qui entoure la question, quasi-total dans certains pays ; d’autres part, le recours à des formes diverses d’exclusion politique. Détention prolongée sans procès, enlèvements, exactions ou exécutions extrajudiciaires, recours là la torture et aux traitements cruels, sont fréquemment employés de par le monde pour sanctionner le délit d’opinion et éradiquer les oppositions.

Après la vague de tolérance des années 1980-1990, les rapports des organisations spécialisées suggèrent un nouveau tournant à la fin des années 1990, qui coïncide avec l’application du volet sécuritaire des politiques néo-libérales.

Le prix du 11 septembre

Trois sous-ensembles peuvent être distingués à cet égard :

- Les pays développés, où le recours au délit d’opinion est resté exceptionnel depuis 1945. la détention liée aux tensions d’ordre national ( questions basque et irlandaise) ou ethnique ( les Black Panthers aux Etats-Unis) a reculé à partir des années 1980. Néanmoins, à partir des années 1990, avec le durcissement des législations relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, des populations vulnérables de demandeurs d’asile politique sont confinées dans des zones de rétention, menacées d’être expulsées vers leur pays d’origine. En outre, la « guerre contre le terrorisme », proclamée dans la foulée du 11 septembre 2001, a été l’occasion d’introduire une série de limitations des droits et libertés politiques dans les pays occidentaux, et notamment une promulgation de la garde à vue, visant les populations immigrées en premier lieu ;

- le tiers-monde, où la situation es différentiée. En Amérique latine, la fin des dictatures militaires et l’ouverture politique, au début des années 1980, ont fait reculer le délit d’opinion. Néanmoins, les tensions sociales amènent à une réhabilitation de la coercition en matière de gestion des conflits, voire à des tentatives de criminalisation des mouvements sociaux. En atteste le traitement infligé aux « zapalistes » mexicains (EZLN), ou au Mouvement des sans terre (MST) au Brésil. En Afrique subsaharienne, l’ethnicisation de la conflictualité politique et sociale marque souvent l’échec des transitions à peine amorcées. Enfin au Maghreb et au Proche-Orient, la répression politique ne recule pas, la seule évolution notable sur la période étant le changement de profil du prisonnier politique : de moins en moins nationaliste ou marxiste, de plus en plus « islamiste » ;

- en Europe de l’Est, dans m’ex-URSS, le délit d’opinion n’a pas disparu avec la chute du mur de Berlin en 1989. En Chine, la répression de la révolte de la place Tiananmen traduisait, la même année, un tournant répressif. La crise économique et sociale, la corruption, la criminalité organisée, conjuguées avec l’exacerbation de conflits nationaux et ethniques, brouillent les enjeux politiques et modifient les termes des conflits sociaux, sans faire disparaître la figure du prisonnier politique. Là aussi, les oppositions « islamistes » sont souvent la cible privilégiée de la répression politique.

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