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> Edito

Le droit de vote en prison

Mise en ligne : 11 septembre 2008

Texte de l'article :

Depuis le référendum de mai 2005 (relatif à la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe), plusieurs élections ont eu lieu avec, à chaque fois, un nombre de personnes incarcérées inscrites sur les listes électorales relativement faible. Ce nombre a atteint son maximum, soit 2 697, pour les élections présidentielles de 2007. Parmi les 63 783 personnes détenues écrouées au 1er août 2008 (source : statistique mensuelle de la population écrouée et détenue, ministère de la Justice), beaucoup disposent de leurs droits civiques, ne serait-ce que les 17 495 en détention provisoire, dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet, lors d’une précédente condamnation, d’une privation de leurs droits civiques.

 Avant 1994, la déchéance des droits civiques était automatique pour les crimes ou pour les condamnations à une peine d’emprisonnement supérieure à un mois prononcée avec sursis pour certains délits comme le vol, l’attentat aux mœurs ou l’escroquerie et pour les condamnations à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou plus de six mois avec sursis. Le nouveau code pénal fixe à 10 ans maximum la privation des droits civiques en cas de condamnation pour crime et à 5 ans maximum en cas de condamnation pour délit. Cette privation de droits civiques doit désormais être explicitement prononcée au moment du jugement. Il existe cependant deux exceptions : la suppression du droit de vote est automatique en cas de condamnation pour manquement au devoir de probité ou atteinte à l’administration publique (corruption, soustraction et détournement de biens...). En prison, il y a donc de plus en plus de personnes disposant de leurs droits civiques. Mais il y a un gouffre entre la détention théorique d’un droit et son expression.

 En effet, l’expression de leur droit de vote par les personnes incarcérées est un parcours semé d’embûches. Il faut commencer par s’inscrire sur les listes électorales de son lieu de domicile, lequel peut être le domicile antérieur à l’incarcération, s’il a été conservé, ou la prison elle-même, au-delà de 6 mois d’incarcération. Avec l’avant-projet de loi pénitentiaire, tel que présenté au conseil des ministres le 28 juillet dernier, la domiciliation à la prison pourrait être possible, sans délai. Quoi qu’il en soit, l’inscription sur les listes nécessite des démarches qui ne sont pas simples. En effet, pas moins de 3 services, à l’intérieur de la prison, sont concernés : le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), précisément en charge de la question de l’inscription sur les listes électorales, le greffe, qui délivre le certificat de présence, la fouille où sont conservés les papiers d’identité de la personne. Une fois l’inscription faite, reste à trouver un mandataire, ce qui s’avère souvent complexe, en particulier lorsque le domicile est la prison. Certes, le décret du 16 novembre 2007, introduisant dans l’article D143 du code de procédure pénale la possibilité de demander une permission de sortir à la seule fin d’exercer son droit de vote, marque une avancée. Mais, toutes les personnes en détention provisoire sont exclues de cette possibilité et, pour les autres, combien ont effectivement effectué la démarche lors des municipales de mars 2008 ? Sur l’ensemble des démarches effectuées, combien ont abouti ?

 Dans l’immédiat, en vue des élections européennes de juin 2009, Ban Public souhaite que toutes les informations nécessaires soient communiquées aux personnes incarcérées afin de leur permettre de s’inscrire si elles le souhaitent. De manière plus globale, Ban Public continue d’affirmer que l’ouverture de bureaux de vote en prison serait le signe d’une politique volontaire de développement de la démocratie auprès des personnes privées de leur liberté d’aller et venir... et seulement de cela !
L’avant projet de loi pénitentiaire aurait été une belle occasion de marquer cette volonté. Malheureusement, sur cette question, le texte rappelle seulement ce qui existe déjà, tout en insistant sur la facilité liée à la domiciliation sans délai à la prison, facilité toute relative cependant. Pour une loi qualifiée à maintes reprises de "grande", Ban Public pourrait espérer bien plus.

 

La rédaction
Ban Public
Septembre 2008