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> Edito

Le droit de vote des personnes incarcérées

Mise en ligne : 1er mars 2008

Texte de l'article :

Les 9 et 16 mars prochains auront lieu les élections municipales. Lors des élections présidentielles, qui se sont déroulées en avril et mai 2007, le nombre de personnes incarcérées ayant voté était de 2 697, d’après l’administration pénitentiaire. Ce nombre peut paraître satisfaisant au regard des chiffres annoncés pour les précédentes élections (500 votants environ), mais il peut également paraître dérisoire au regard du nombre de personnes incarcérées susceptibles de disposer de leurs droits civiques.

 L’association Ban Public, en partenariat avec la ligue des droits de l’Homme (LDH) a adressé, en septembre 2007, un dossier sur le droit de vote et d’éligibilité pendant et après l’incarcération à nombre d’acteurs concernés : le ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, le ministère de la Justice, la direction de l’Administration pénitentiaire, le médiateur de la République, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), la Commission nationale consultatives des droits de l’Homme (CNCDH), le Conseil économique et social (CES), l’Association des Maires de France (AMF), les directeurs interrégionaux de l’Administration pénitentiaires (DISP), les directeurs d’établissement pénitentiaire, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), les maires de toutes les communes ayant un établissement pénitentiaire sur leur territoire, les principaux partis politiques.
Plusieurs questions étaient abordées :
- l’effectivité de l’exercice du droit de vote par les personnes incarcérées non déchues de leurs droits civiques,
- l’alignement des pratiques en matière de privation des droits civiques entre les personnes condamnées avant 1994 (date d’entrée en vigueur du nouveau code pénal) et les personnes condamnées après cette date,
- la révision du mode de calcul de la durée de la privation des droits ; actuellement, les personnes sont privées de leurs droits civiques durant le temps d’incarcération, mais cette durée n’est pas comptabilisée dans le calcul.
Ces dernières semaines, Ban Public et la LDH ont mis l’accent sur l’effectivité de l’exercice du droit de vote pour les personnes incarcérées potentiellement concernées. En effet, les freins sont nombreux, allant du regard que porte la société, aux pratiques elles-mêmes. Pourtant, l’exercice des droits civiques est une voie privilégiée d’apprentissage de la citoyenneté, étape vers une réintégration pleine et entière dans la communauté.

 Ban Public approuve la mesure résultant du décret de 16 novembre 2007, introduisant dans l’article D143 du code de procédure pénale la possibilité de demander une permission de sortir à la seule fin d’exercer son droit de vote. Par ailleurs, Ban Public ne cesse de demander l’ouverture de bureaux de vote en prison. La lutte contre toutes les formes d’exclusion, quelles qu’en soient les causes, est un enjeu majeur de société. Les personnes incarcérées sont, à la fois de fait et de part leur origine sociale le plus souvent, laissées à la marge de nombreuses activités, comme les activités citoyennes ou culturelles. Installer des bureaux de vote en prison serait le signe d’une politique volontaire de développement de la démocratie auprès des personnes privées de leur liberté d’aller et venir... et seulement de cela ! Ce serait également une façon de donner du sens à l’ambition affichée à l’occasion de l’élaboration de la "grande" loi pénitentiaire.

 Ban Public n’ignore pas les difficultés pratiques que pourrait poser l’ouverture massive de bureaux de vote en prison, mais de telles difficultés ne doivent pas conduire à renoncer à cette perspective. Cela pourrait, le cas échant, revêtir la forme d’une expérimentation, suivie d’une généralisation.

 

La rédaction
Ban Public
Mars 2008