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> Edito

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Mise en ligne : 22 octobre 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 Le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été déposé au sénat le 11 juillet 2007, par Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et définitivement adopté en 2e lecture par le sénat le 18 octobre. Le précédent gouvernement avait confié au médiateur de la République une mission d’évaluation de cette fonction dont il était question qu’elle lui soit confiée. L’orientation prise par le texte adopté est autre ; le contrôleur général sera nommé par décret du Président de la République, après avis de la commission compétente de chaque assemblée. Cette disposition est-elle suffisante pour assurer l’indépendance et l’effectivité du contrôle ?

 Concernant les établissements pénitentiaires, des contrôles existent déjà avec le service de l’inspection, les commissions de surveillance, les parlementaires qui ont un droit de visite depuis juin 2000 (loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes), les magistrats qui ont également un droit de visite, la commission nationale de déontologie de la sécurité, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants. Pourtant, en février 2006, deux rapports, celui du Commissaire européen aux droits de l’Homme de l’époque (Alvaro Gil-Robles) et celui du Conseil économique et social, ont établi un constat alarmant de l’état des prisons françaises.

 Le nouveau contrôleur général des lieux de privation de liberté disposerait d’une vingtaine collaborateurs pour visiter 5 788 lieux, dont 219 relèvent du ministère de la Justice (chiffres donnés par Rachida Dati lors de son discours au sénat le 31 juillet dernier). En Grande-Bretagne, où la fonction existe depuis 1981, l’inspecteur en chef des prisons (qui a également des responsabilités statutaires pour effectuer des visites dans des centres d’immigration ou de rétention) dispose de 41 inspecteurs. Dans le projet initial, Rachida Dati prévoyait que les visites soient programmées et que le contrôleur général soit nommé par décret du président de la République. Les députés et les sénateurs prévoit des visites inopinées et, seules des raisons exceptionnelles, pourront permettre de différer cette visite. En outre, le contrôleur sera nommé par décret du Président de la République, après avis de la commission compétente de chaque assemblée.
Avec aussi peu de moyens humains et un projet initial timoré, comment croire à une volonté réelle de créer un contrôle indépendant et effectif ? Comment ne pas penser que la mise en place de ce contrôle n’est pas seulement une réponse, a minima, face aux engagements internationaux pris par la France, comme le protocole contre la torture de l’ONU ?

 Un vrai contrôle des lieux de privation de liberté supposerait sans doute d’autres moyens et des objectifs ambitieux : s’assurer par exemple que "la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison" (règle n°5 des règles pénitentiaires européennes, adoptée à l’unanimité du comité des ministres du conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006), ce qui englobe par exemple le maintien des liens familiaux ou le respect du code du travail. A négliger ces différents aspects, le contrôle se bornera à la vérification de conditions matérielles, telles la superficie par personne, la qualité de l’aération des cellules, leur luminosité, l’accès à des installations sanitaires dignes de ce nom... Les prisons récentes, qui le plus souvent répondent à des normes relativement strictes, ne sont pas pour autant respectueuses de l’humanité des personnes. Les conditions de placement au quartier disciplinaire ou au quartier d’isolement sont loin d’être satisfaisantes, même si le décret de mars 2006 a constitué une avancée sur certains points. Enfin, contrôler les prisons, pour éviter les dérives, ne doit pas éluder la question même du sens qu’il y a à priver quelqu’un de sa liberté.

 

la rédaction
Ban Public
Octobre 2007