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> Edito

Le contrôle extérieur des prisons : simple respect d’un engagement international ou réelle volonté de faire évoluer le système ?

Mise en ligne : 2 avril 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 La mise en place d’un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté (prisons, locaux de garde à vue, zones de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques) se profile à l’horizon 2008. L’institution de cet organe découle notamment d’engagements internationaux pris par la France, comme le protocole contre la torture de l’ONU.

 La direction de l’administration pénitentiaire fait souvent remarquer que des organes de contrôle existent déjà ; ils sont peu, voire pas du tout, efficaces. Le service de l’inspection est chargé de contrôler les services déconcentrés et l’ENAP (école nationale de l’administration pénitentiaire) ; il a un double rôle de contrôle et de conseil. La commission de surveillance de chaque établissement, présidée par le préfet, transmet chaque année son rapport au garde des sceaux, rapport dans lequel elle formule, en principe, critiques et propositions. Les parlementaires ont, depuis juin 2000, un droit de visite des établissements pénitentiaires ; malheureusement ce droit de visite est peu utilisé et, lorsqu’il l’est, il aboutit, au mieux, à une dénonciation dans les médias. Des magistrats ont l’obligation de visiter les établissements pénitentiaires et peuvent s’entretenir avec les personnes incarcérées, hors de la présence du personnel de surveillance. Les ministères du travail ou de l’éducation nationale par exemple font des inspections dans les champs qui relèvent de leur compétence. La commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) mène des enquêtes après avoir été saisie par un parlementaire. Cette commission publie des avis et fixe un délai de réponse aux administrations mises en cause ; il est à déplorer que, parfois, les administrations n’apportent pas de réponse (par exemple, le Garde des sceaux n’a jamais répondu à la CNDS suite à une saisine du 11 avril 2003). Enfin, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants effectue des visites, environ tous les 2 ans, dans quelques établissements dont la liste est connue à l’avance ; ses recommandations sont souvent sans suite, si ce n’est sur des points extrêmement précis et d’ordre matériel.

 Force est de constater qu’en dépit de ces nombreux dispositifs les rapports alarmants s’accumulent. En février 2006, deux rapports, celui du Commissaire européen aux droits de l’Homme de l’époque (Alvaro Gil-Robles) et celui du Conseil économique et social, ont dressé un tableau catastrophique de l’état des prisons françaises. D’un côté s’agissant du respect des droits de l’Homme et, de l’autre, concernant les réelles possibilités de réintégration offertes aux personnes incarcérées. Ce nouvel organe de contrôle devrait évidemment avoir un champ d’action large ; il ne peut se contenter d’exercer un contrôle des conditions matérielles. Par exemple, s’agissant d’évaluer les conséquences désastreuses de la surpopulation en maison d’arrêt, il conviendrait d’aller bien au-delà de la question des mètres carrés, et d’aborder la question de la surcharge de travail des conseillers d’insertion et de probation ou la question de l’accès aux soins. Par ailleurs, à quoi cela servirait-il de constater une fois de plus les effets délétères de l’isolement, si ce n’est pour revisiter le code de procédure pénale (CPP) dans ce domaine. A ce sujet, le CPP stipule que l’avis contraire du médecin pour le maintien à l’isolement n’implique pas la levée de la mesure ; ou bien encore, qu’il n’y a aucune limite de durée pour ce régime de détention, ce qui paraît aberrant, eu égard aux conclusions de la cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans ses arrêts sur les effets de ce mode de gestion de la détention.

 Mettre en place un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté, et en particulier des prisons, ne doit pas seulement permettre à la France de respecter l’engagement qu’elle a pris en signant le protocole contre la torture de l’ONU. Il ne s’agit pas de mettre en place un contrôle minimaliste qui n’apporterait rien de plus que ce qui existe déjà. L’ambition doit être autre. Le pouvoir d’injonction de l’organe de contrôle ne peut souffrir aucun moyen terme. Ce nouvel organe de contrôle devrait être doté d’un pouvoir fort ; il devrait être susceptible d’imposer une mise en conformité du droit français avec le droit européen, dans son expression la plus avancée qu’est la jurisprudence, afin que le respect des droits de l’Homme soit le niveau minimum d’exigence. Mais se pose alors la question fondamentale de l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie. Quelle personne, ou quel organe pourrait se voir confier un pouvoir plus fort que celui des élus du peuple ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand on parle de pouvoir d’injonction en matière de mise en conformité du droit national avec le droit européen. Vu sous cet angle, il ne faut pas attendre du contrôle extérieur des lieux de privation de liberté plus qu’il ne peut apporter...

La rédaction
Ban Public

(Avril 2007)