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Le constat : Oser décréter l’urgence

Mise en ligne : 7 mai 2012

Dernière modification : 8 mai 2012

Texte de l'article :

LE CONSTAT : OSER DECRETER L’URGENCE

Proposition 1 : Favoriser les peines alternatives à la détention

On va nous dire que bon nombre des propositions que nous allons exposer sont irréalisables compte tenu de la densité de la population carcérale et des moyens matériels, structurels, d’effectifs, d’organisation, financiers et on ne sait quoi d’autre encore. L’incarcération, ce doit être l’exception, les alternatives à la peine généralisées et si on acceptait enfin de laisser les prévenus hors les murs, il n’y aurait plus de surpopulation carcérale. Tous les moyens actuels gardés en l’état, car il ne faut pas les réduire sous prétexte que la population pénale baisserait, tous ces moyens suffiraient amplement. Cette mesure est simple de bon sens et facilement réalisable, il est incompréhensible que rien ne soit fait dans cette direction : réduire la population carcérale à ce qu’elle doit être, une exception : LA PRIVATION DE LIBERTE NE DOIT ETRE UTILISE QU’EN DERNIER RECOURS

Le recours trop systématique à cette "punition prison" est une peine énorme infligée à des individus qui ressentent douloureusement cette sanction. Dans quelles conditions envoie-t-on une personne en détention ? Les ruptures de libération conditionnelle et basculement de sursis en prison ferme se transforment en souffrance atroce alors qu’elles peuvent survenir pour des faits mineurs, et que la personne était dans une dynamique d’insertion sociale.

Qui est responsable de cette situation ? Essentiellement le corps des magistrats véritable état dans l’état. Ce sont les tribunaux qui mettent ou pas des personnes en prison. Seuls coupables ? Non, le législateur aussi avec un florilège de lois, il favorise le recours à la peine d’emprisonnement et allonge encore la détention provisoire. En parallèle de ces lois, il y a corrélation avec le programme immobilier, en effet l’ouverture de nouvelles places en prison a accru la propension des juges à remplir les prisons.

Le respect absolu du nombre de places en prison doit être inscrit définitivement dans la loi, pour l’ensemble des prisons et pas uniquement les établissements pour peine. L’administration pénitentiaire doit refuser d’incarcérer des gens même si les juges les condamnent en faisant valoir que la situation actuelle ne le permet plus, le ministère de la justice doit en donner l’ordre explicite et appliquer pour rendre responsable les magistrats sur leurs condamnations et les contraindre à examiner la situation pénale des personnes incarcérées et en libérer au maximum pour réduire le nombre de personnes incarcérées. Ce flux doit ensuite être maintenu.

Proposition 2 : Améliorer les conditions de détention

Quand on sait aussi le choc qu’est l’arrivée en prison et que c’est un des moments les plus propices au passage à l’acte suicidaire, il apparaît clairement criminel de ne pas mieux organiser cette période épineuse en y apportant les réponses adaptées en terme d’encadrement et de contacts avec les proches.

Il faut sortir de l’approche idéologique et politisé, mais avoir plutôt une approche réaliste et responsable. Il faut aussi cesser l’hypocrisie de la question de la maladie mentale en prison : soit les personnes sont malades et doivent être prises en charge par l’hôpital et non pas la prison et les juges doivent être mis face à cette responsabilité, soit c’est la prison qui est pathogène et rend 1/3 des personnes atteintes psychologiquement et les mesures adéquates doivent s’imposer à cette situation paradoxale. Une fois cela acquis et un fonctionnement « normal » redevenu possible, les mesures qui impacteront la morbidité sont tout à fait concevables sur un plan consensuel et réalisable d’un point de vue matériel et humain.

Il faut aussi comprendre que certains points qui paraissent des détails ou hors sujets participent à un ensemble de choses qui agissent de manière négative sur le quotidien, et qui mises bout à bout peuvent soit briser un Homme en amplifiant son sentiment d’anéantissement par le système carcéral et le rendre intolérable à son esprit qui vacillera, soit au contraire lui permettre de l’accepter en le poussant à fixer son esprit sur le sens à donner à sa vie, et à sa réintégration, libéré du désespoir, de l’infantilisation et de l’oisiveté.

Comme vous le savez déjà les conditions de détention sont extrêmement dures et violentes pour le psychisme et le corps de chaque personne emprisonnée :

- Des liens familiaux difficiles à maintenir et à protéger.
- Des accès aux soins difficiles et trop longs.
- Une réintégration quasi inexistante, et quand elle existe, elle est discriminante et/ou arbitraire.
- Les quartiers disciplinaires, lieu de la punition arbitraire, sont une torture morale et psychique qui pousse trop souvent la personne emprisonnée à mettre fin à ses jours.
- Des conditions d’hygiènes déplorables dans la plupart des prisons.
- Des dépenses considérables pour cantiner et se procurer des objets de première nécessité (des prix souvent plus chers qu’à l’extérieur), achats non soumis à la concurrence...
- La violence entre prisonniers souvent liée à l’oisiveté et à l’indigence : Dernièrement, Monsieur Jean-Marie DELARUE, explique dans son premier rapport le cahot qui règne dans la cour de promenade de la maison d’arrêt de Villefranche, nous espérons que l’administration pénitentiaire ne parlera pas de situation exceptionnelle et isolée car ce phénomène n’est pas une découverte...
- Une administration pénitentiaire obnubilée et préoccupée par le tout sécuritaire.
- Du personnel débordé par l’afflux des condamnations systématisées et plus longues, alors que dans le même temps les libérations conditionnelles, les régimes de semi-liberté, les différents aménagements de peines sont quasi inexistants, sans oublier les prévenus qui sont dans la majorité des cas systématiquement écroués.

Proposition 3 : Favoriser la notion de dignité et de droit

Tout ceci a été dit, écrit, constaté, par les personnes emprisonnées, leurs familles, le personnel pénitentiaire, les associations, et des élus, des ministres, des citoyens anonymes, la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a condamné à plusieurs reprises la France, des commissions successives qui accablent à chaque fois notre manque d’humanité, de conscience, et de réactivité à travers des mesures vitales, pour celles et ceux qui sont derrière les murs. Tous ces éléments réunis poussent celle ou celui qui est enfermé à rentrer dans une logique de négation de soi, cette violence absorbée ne peut avoir pour issue que soit un repli dans l’autodestruction, soit une violence contre autrui.

Aujourd’hui, il y a urgence, Monsieur le Président de la République, Monsieur le premier Ministre, Madame la Garde des Sceaux, il est temps d’en finir avec ce système archaïque qui favorise la vengeance sociale. Pensez-vous réellement que nos prisons soient des hôtels ? Pensez-vous qu’autant de personnes se donneraient la mort ou intenteraient à leur vie derrière les hauts murs si les conditions de respect et la notion d’humanité minimum étaient réunies ? Pensez-vous que cette malheureuse réalité carcérale favorise la lutte contre la récidive ? Comment parler de respect des victimes quand on maintient une institution aussi criminogène ? Le risque, nous en avons la certitude, est de fabriquer des bombes humaines.