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  • Editorial

Le Conseil d’Etat rétrograde !

Mise en ligne : 20 octobre 2014

Dernière modification : 5 décembre 2014

Texte de l'article :

Le 5 septembre 2012, Ban Public saisissait le conseil d’Etat aux fins d’annulation de la note du Garde des sceaux relative aux « Mesures de Bon Ordre » appliquées aux mineurs incarcérés.
Cette note prévoit tout un arsenal de sanctions allant de la médiation à la privation d’activité et le maintien en cellule dans les Etablissements pour Mineurs sans pour autant que soit mis en place la procédure disciplinaire prévues par les articles R57-7-6 du Code de procédure pénale, à savoir la tenue d’un débat contradictoire avec la présence d’un avocat et d’un assesseur extérieur à l’administration pénitentiaire et ni la possibilité d’un recours possible devant un juge indépendant et impartial.

Depuis plusieurs années le Conseil d’Etat est revenu sur sa jurisprudence constante qui considérait nombre de mesures prises en prison comme des mesures dites d’ordre intérieur c’est-à-dire non susceptible de recours. Ce fut le cas de la mise à l’isolement et bien sûr de la sanction disciplinaire.

En effet, jusqu’à une période récente, tant la mise à l’isolement que le prononcé d’une sanction disciplinaire, ne pouvaient faire l’objet d’un contrôle par le tribunal administratif.

Ces mesures étaient considérées comme n’ayant pas d’effet particulier sur les conditions de détention, d’où leur nom de « mesure d’ordre intérieur. »

Or, il était certain que bien au contraire leurs effets tant en matière pénale (effets psychologiques néfastes et retrait de remises de peine pour les sanctions disciplinaires en complément de la mise au cachot) que sur les conditions de détention (effets néfastes psychologiques de la mise à l’isolement, absence de participation à des activités) faisaient d’elles des mesures qui devaient pouvoir être contrôlées par le juge administratif.

Aussi, le Conseil d’Etat substitua-t-il de plus en plus cette notion de « mesure d’ordre intérieur non susceptible de recours » par celle de « mesure faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. »
A tel point qu’il se targuait d’avoir assuré l’entrée du droit en prison, ne manquant pas d’en faire encore état en août 2014 .

Cependant, par un arrêt rétrograde du 24 septembre 2014 , le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé par l’association Ban Public contre la note relative aux mesures de bon ordre du 19 mars 2012. Soutenant qu’il s’agissait en fait de sanctions disciplinaires et que comme telles elles devaient pouvoir être soumises au contrôle du juge administratif, Ban Public espérait que le Conseil d’Etat continuerait à faire reculer les mesures d’ordre intérieur, pour faire entrer davantage le droit en prison.
C’était compter sur trop de sagesse de la Haute juridiction.

Dans une motivation contradictoire, le Conseil d’Etat indique que si le libellé des mesures de bon ordre peut être identique à celui de sanctions, ces mesures ne peuvent être considérées comme des sanctions (sic).
« Si certains des faits pouvant conduire à la prise d’une mesure de bon ordre sont voisins de ceux pouvant fonder une sanction, ils s’en distinguent notamment par leur intensité, leur gravité, leur durée ou les conditions de leur occurrence ; que d’autre part, si le libellé de certaines mesures de bon ordre peut être très proche, voire identique à celui de certaines sanctions, ces mesures - qui ne peuvent jamais consister en une privation de promenade ni d’activité éducative et sont d’une durée très courte - ne peuvent, au regard de ce qui les motive et des conditions de leur mise en oeuvre, être regardées comme des sanctions »

Faudra-t-il un drame dans les établissements pour mineurs pour que le Conseil d’Etat estime qu’il s’agit de « mesures faisant grief » et infirme cette décision scandaleuse ?
Ban Public le craint.

Seul point positif de la décision : la recevabilité de l’intérêt à agir de Ban Public.

Ban Public dénonce la note de service du 19 mars 2012 qui créent des sanctions disciplinaires pour les mineurs sans que ceux-ci ne peuvent se défendre contre ces mesures.

Ban Public dénonce le recul du droit en prison.

Ban Public met en garde l’Etat contre le risque qu’il fait porter aux mineurs incarcérés par la possibilité arbitraire de prononcer des sanctions disciplinaires sans que celles-ci ne puissent être contestées.

Ban Public appelle l’administration pénitentiaire à la plus grande vigilance lorsqu’elle prononcera ces sanctions et lui rappelle la responsabilité qu’elle a quant à la garde des mineurs incarcérés.

Ban Public alerte toutes les autorités compétentes, tous les journalistes, et tous les citoyens pour que cette situation soit dénoncée et qu’il y soit mis fin.

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