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Le Bracelet électronique et suivi socio judiciaire

Publication originale : 1er mai 2002

Texte de l'article :

 L’extension de la répression pénale et l’augmentation du nombre de détenus ont fait émerger de nouvelles formes de contrôle et d’exécution des peines. Avec le bracelet électronique, les autorités espèrent réduire le nombre de détenu tout en garantissant à la population un contrôle total sur les agissements du condamné. En fait, les pays qui utilisent ce procédé ne réduisent pas la surpopulation carcérale et se contentent d’étendre le champ du contrôle social.
En France, le « placement sous surveillance électronique » issu de la loi de 1997 ne commence à être utilisé qu’à la fin de l’année 2000 à titre d’expérimentation. La loi relative à la protection de la présomption d’innocence prévoit que la mesure soit étendue aux prévenus en 2003. Des personnes présumées innocentes pourront ainsi être surveillées 24 heures sur 24 sans que l’on ne connaisse encore précisément quels peuvent être les effets psychologiques d’un tel procédé.

650-Qu’est-ce qu’un bracelet électronique ?
Le « placement sous surveillance électronique » est une forme d’exécution des peines privatives de liberté dans un autre lieu que la prison. Le détenu est porteur d’un dispositif électronique qui permet aux autorités pénitentiaires de s’assurer à distance de sa présence dans le lieu ou le périmètre dont il n’est pas autorisé à sortir. Le contrôle à distance de la présence du condamné est assuré par des personnels de l’administration pénitentiaire, qui sont autorisés dans cette mission à mettre en œuvre un traitement autorisé de données nominatives (fichiers).
Articles 723-7 et suivants du Code de procédure pénale

651-A qui s’adresse cette mesure ?
La mise en liberté sous surveillance électronique est possible dans trois hypothèses :
la peine ou la totalité des peines infligées au condamné ont une durée inférieure ou égale à un an ;
la durée d’incarcération qui reste à exécuter est d’un an maximum ;
comme condition préalable à l’octroi de la libération conditionnelle. Dans ce cas, le placement sous surveillance électronique ne peut excéder un an.
La loi sur la protection de l’innocence prévoit d’étendre la mesure aux prévenus à partir de 2003. La détention provisoire pourra être effectuée sous placement électronique sur décision du juge des libertés et de la détention, d’office ou sur demande de l’intéressé, ou du juge d’instruction avec accord de l’intéressé.
Aucune autre condition d’octroi n’est précisée dans la loi du 19 décembre 1997 instaurant le bracelet électronique. Il n’y a pas de « profil » déterminé que doit présenter le condamné pour bénéficier du placement sous surveillance électronique, comme c’est le cas par exemple pour la libération conditionnelle. Le juge apprécie uniquement la capacité du condamné à se plier aux conditions particulières de cette mesure.
Article 723-7 du Code de procédure pénale, loi n°97-1159 d u19 décembre 1997

652-Qui ordonne le placement sous surveillance électronique ?
Le juge d’application des peines (JAP) seul le compétent pour décider de cette mesure, de sa propre initiative ou à la demande du condamné ou du procureur de la République. Il doit impérativement recueillir au préalable le consentement du condamné, donné obligatoirement en présence de son avocat. Si le condamné ne nomme pas d’avocat, le bâtonnier doit lui en désigner un d’office. Lorsque la mesure concerne un mineur, les titulaires de l’autorité parentale doivent également donner leur accord.
Article 723-7 du Code de procédure pénale

653-Quelles obligations peuvent être imposées au condamné sous bracelet électronique ?
L’obligation principale et systématique est l’interdiction de s’absenter de son domicile ou du périmètre déterminé par le juge, sauf à certaines heures durant lesquelles le condamné doit aller travailler, suivre une formation, etc. Le juge de l’application des peines (JAP) détermine les horaires que le condamné est dans l’obligation de respecter en tenant compte de plusieurs critères :
l’exercice d’une activité professionnelle par le condamné ;
le suivi d’un enseignement, d’un stage ou d’une formation ;
la participation du condamné à la vie de famille ;
la prescription éventuelle d’un traitement médical.
D’autres obligations laissées à l’appréciation du JAP peuvent s’y ajouter. Elles sont à peu près identiques à celles qui peuvent s’imposer à un condamné en libération conditionnelle : interdiction de rencontrer certaines personnes (victime, complices, etc.), de se rendre dans certains lieux (débits de boissons, établissements de jeux, etc.), obligation de suivre certaines activités ou soins… Les obligations du condamné peuvent être modifiées en cours d’exécution de la peine.
Articles 723-7, 723-10 et 723-11 du Code de procédure pénale et 132-43 à 132-46 du nouveau Code pénal

654-Des contrôles peuvent-ils être opérés au domicile du condamné placé sous surveillance électronique ?
Les agents de l’administration pénitentiaire peuvent se rendre au lieu de séjour du condamné (son domicile ou son lieu d’accueil) pour s’assurer de sa présence aux heures et jours fixés par le juge de l’application des peines. En revanche, ils ne peuvent pas pénétrer dans le domicile sans l’accord des personnes chez qui le contrôle est effectué et en dehors des heures pendant lesquelles le condamné doit s’y trouver. Si le condamné ne se présente pas devant eux à leur invitation, son absence est présumée. Les agents doivent en avertir aussitôt le juge de l’application des peines. Les services de police peuvent également constater l’absence du condamné et la signaler au magistrat.
Article 723-9 du Code de procédure pénale

655-La décision de placement sous surveillance électronique peut-elle être retirée ?
le juge de l’application des peines (JAP) peut retirer la décision de placement dans cinq cas :
le condamné ne respecte pas les conditions liées à la mesure (il n’est pas à son domicile quand il doit y être) ;
il ne respecte pas les conditions spécialement notifiées par le juge (comme ne pas se rendre dans un débit de boissons) ;
il commet une nouvelle infraction ;
il refuse une modification des conditions d’application de la mesure que le JAP estime nécessaire ;
il demande l’arrêt de la mesure.
Dans chacun de ces cas, le retrait peut être ordonné par le JAP après un débat contradictoire faisant intervenir le condamné et son avocat, ainsi que le procureur de la République. Un recours contre cette décision de retrait est possible dans un délai de dix jours devant la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel. Lorsqu’il est mis fin à la mesure, le condamné est incarcéré. La durée d’emprisonnement restant à subir est précisée dans la décision du JAP. Le temps passé sous surveillance électronique est pris en compte, de telle sorte que le condamné ne devra pas exécuter en détention la partie effectuée sous ce régime.
Article 723-9 du Code de procédure pénale

656-Qu’est-ce que le suivi socio-judiciaire ?
Le suivi socio-judiciaire est une peine destinée aux personnes condamnées pour une infraction sexuelle. L’objectif poursuivi est de prévenir la récidive des délinquants sexuels, notamment en les « incitant » fortement à suivre un traitement. Le suivi socio-judiciaire est prononcé par le tribunal ou la Cour en complément ou à la place de la peine de prison. Il implique que le condamné devra se soumettre, immédiatement ou à sa sortie de sa prison s’il est incarcéré, à un suivi judiciaire, social et éventuellement médical. S’il ne se conforme pas à ses obligations, le condamné devra exécuter une peine de prison supplémentaire.
La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder 10 ans en cas de délit et 20 ans en cas de crime. Elle est décidée par la juridiction au moment du jugement. Si la mesure de suivi est prononcée en même temps qu’une peine d’emprisonnement, cette durée n’est comptabilisée qu’à partir de la libération du condamné. La juridiction détermine également la durée de l’emprisonnement encourue par le condamné en cas d’inobservation de ses obligations : deux ans maximum pour un délit et cinq ans pour un crime. En cas de récidive, le condamné doit subir la période de détention prévue par la mesure de suivi, en plus de la nouvelle condamnation prononcée, sans confusion de peine possible.
Articles 131-36-1, 131-36-4 et 131-35-5 du nouveau Code pénal

657-A quels condamnés s’applique cette mesure ?
Le suivi socio-judiciaire est encouru en cas de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, en cas d’agression sexuelle (y compris l’exhibition sexuelle), de corruption de mineur, d’enregistrement de l’image pornographique d’un mineur, de diffusion de messages violents ou pornographiques et d’atteintes sexuelles sur mineur. Lorsque la juridiction de jugement est le tribunal correctionnel, cette mesure peut être prononcée à la place de toute autre peine. La mesure concerne aussi bien les majeurs que les mineurs. En revanche, la juridiction qui prononce une peine de prison assortie, en totalité ou en partie, d’un sursis avec mise à l’épreuve ne peut ordonner un suivi.
Articles 131-36-1, 131-36-6 et 131-36-7, 221-9-1, 222-48-1 et 227-31 du nouveau Code pénal 

658-Qui décide du suivi socio-judiciaire ?
La juridiction de jugement peut seule ordonner un suivi socio-judiciaire. Le juge de l’application des peines (JAP) du lieu de résidence du condamné assure ensuite l’exécution de la mesure. Il peut modifier les obligations du condamné après l’avoir entendu et pris l’avis du procureur. Si la personne concernée est mineure, le suivi est mis en œuvre par un juge des enfants, qui assume alors le rôle du JAP. Il peut néanmoins se dessaisir au profit du JAP. Ce dessaisissement peut notamment intervenir lorsque le mineur a atteint la majorité.
Articles 131-36-1 du Code pénal, 763-1, 763-3 et 763-8 du Code de procédure pénale

659-Quelles sont les obligations du condamné dans le cadre du suivi socio-judiciaire ?
Le condamné doit se plier à un contrôle des obligations identiques à celles du placement sous surveillance électronique ; La juridiction de jugement ou, par la suite, le juge de l’application des peines, peut également fixer des obligations plus spécifiques au suivi socio-judiciaire :
ne pas aller dans des endroits désignés par la juridiction, et notamment les lieux accueillant habituellement des mineurs ;
ne pas fréquenter ou entrer en relation avec certaines personnes ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l’exception éventuellement de ceux désignés par la juridiction ;
ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Enfin, le condamné peut être soumis à l’obligation de suivre un traitement médical : il s’agit de l’injonction de soins. Pour donner l’illusion que le principe de l’adhésion aux soins est respecté, le président de la juridiction indique « qu’aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s’il refuse les soins qui lui seront proposés, l’emprisonnement prononcé pourra être mis à exécution ». Il doit également avertir solennellement l’intéressé des sanctions qu’il encourt en cas de manquement à ses obligations.
Articles 131-36-2 et 131-36-4 du Code pénal

660-Quels sont les effets de l’injonction de soins pendant la détention ?
L’injonction de soins n’est pas en tant que telle applicable pendant l’incarcération. Elle entraîne cependant des conséquences sur le déroulement de la détention. Le président de la juridiction qui a prononcé une injonction de soins doit informer le condamné qu’il peut débuter un traitement en prison. Ensuite, le condamné doit théoriquement exécuter sa peine dans un établissement pénitentiaire permettant un suivi médical et psychologique adapté. Si la personne refuse d’entreprendre un traitement, le juge de l’application des peines (JAP) doit le lui proposer au moins tous les six mois. En principe, elle ne pourra pas bénéficier de réduction de peine supplémentaire (RPS), ni d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle, en raison du manque « d’efforts sérieux de réadaptation sociale » dont elle témoignera en refusant les soins. Le JAP garde cependant la possibilité d’accorder ces aménagements de peine à une personne refusant de suivre des soins, possibilité dont on peut douter qu’elle sera utilisée.
Le JAP peut également ordonner une expertise psychiatrique avant la libération des condamnés soumis à une injonction de soins. Cette expertise est d’ailleurs obligatoire lorsque la condamnation remonte à plus de deux ans.
Articles 131-36-4 et 131-36-5 du nouveau Code pénal, 721-1, 763-7 du Code de procédure pénale

661-Quels sont les effets de l’injonction de soins après la libération du condamné ?
C’est à la libération du condamné que l’injonction de soins prend véritablement effet. Celui-ci doit se rendre aux convocations d’un « médecin coordonnateur » désigné par le juge d’application des peines (JAP). Ce médecin lui explique les modalités d’exécution de la mesure et lui demande de choisir un médecin traitant. Lorsque la personne concernée est mineure, le choix du médecin est effectué par les parents ou, s’ils n’ont pas l’autorité parentale, par le juge des tutelles. Le médecin coordonnateur peut refuser le choix du médecin traitant quand il est évident qu’il n’est pas en capacité de prendre en charge les délinquants sexuels. Le médecin traitant choisi est informé du cadre légal dans lequel se déroule le traitement et il reçoit le dossier du patient.
Au cours de l’exécution du suivi comprenant une injonction de soins, le médecin coordonnateur convoque le condamné régulièrement et au moins une fois par an pour dresser un bilan de sa situation. Le médecin coordonnateur transmet ensuite au JAP les éléments nécessaires au contrôle de la mesure. Mais le JAP ne peut en aucun cas intervenir dans le déroulement des soins décidés par le médecin traitant. Toutefois, ce dernier a la possibilité d’informer directement le JAP de l’interruption du traitement.
Articles L.355-33, L.355-35, R.355-44, R.355-46, R.355-49 et R.355-52 du Code de la santé publique

662-le JAP peut-il ordonner lui-même une injonction de soins ?
Le juge de l’application des peines peut décider une injonction de soins à l’égard d’une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire qui ne comporte pas d’aspect médical. Il faut pour cela qu’une expertise réalisée après la condamnation démontre qu’un traitement est possible. Cette expertise est effectuée par deux experts en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat d’un mineur accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie.
Article 763-3 du Code de procédure pénale

663-Quelle est la sanction d’un suivi socio-judiciaire non respecté ?
Si le condamné ne respecte pas ses obligations ou en cas d’injonction de soins s’il ne se fait pas soigner régulièrement, le juge d’application des peines (JAP) ordonne l’exécution d’une partie ou de la totalité de l’emprisonnement qui avait été prévu par la juridiction de condamnation. Cette décision intervient après un débat contradictoire entre le procureur, le condamné et son avocat. Elle peut faire l’objet d’un recours devant la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel dans un délai de dix jours. Lorsque le JAP ordonne l’incarcération de la personne à plusieurs reprises au cours du suivi, la durée totale des périodes de détention ne peut excéder le maximum prévu par la juridiction de condamnation.
Article 763-5 du Code de procédure pénale

664-Le condamné peut-il être libéré de ses obligations avant la fin du suivi socio-judiciaire ?
Le condamné peut demander que le suivi socio-judiciaire prononcé à son encontre soit interrompu (« relèvement »). Pour cela, il doit s’adresser au juge de l’application des peines, qui fait réaliser une expertise psychiatrique, puis transmet la demande accompagnée de son avis à la juridiction de condamnation (ou à la chambre de l’instruction de la Cour d’appel si la personne a été jugée par une Cour d’assises). Cette demande ne peut pas intervenir dans l’année qui suit la condamnation. Par la suite, elle ne pourra être effectuée qu’une seule fois par an. Le condamné peut faire appel d’une décision de refus de la juridiction.
Articles 703 et 763-6 du Code de procédure pénale