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"La torture n’existe plus en France"

Mise en ligne : 8 juillet 2013

Dernière modification : 8 juillet 2013

Texte de l'article :

Ils sont des lieux communs qui ont la dent dure en France.
L’un veut que la torture – si jamais elle n’ait existé dans ce pays – soit totalement abolie en France depuis plusieurs dizaines d’années.
Au-delà de ce que l’armée française a pu commettre dans des guerres coloniales, le citoyen qui n’est pas confronté à la violence institutionnelle, ne peut se représenter, tant il a confiance dans les institutions de l’Etat, que des agents du service public puissent commettre ce genre d’actes.
Pourtant l’arrêt du 28 juillet 1999, Selmouni c./France (CEDH, req. n°25803/94) ayant conduit à la condamnation de la France pour torture dans le cadre d’une garde à vue n’est pas si ancien et rappelle que des violences commises à l’encontre des personnes- dont la vulnérabilité pourrait être retenue en raison de leur situation de gardé à vue- par des agents dépositaires de l’autorité publique entre sous le coup de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ce sont des faits similaires qui peuvent se passer derrière les murs silencieux des prisons.

Ban Public n’a déjà pas manqué de rappeler à l’opinion publique cette réalité : en France, en prison, on torture, on viole la loi à l’encontre des personnes incarcérées. Et l’Etat laisse faire ses agents. Car s’élever contre l’Etat-Léviathan que constitue le système totalitaire carcéral est déjà une lutte dont la personne détenue va subir les conséquences.

C’est ce qui arrive actuellement à Joseph, détenu longue peine, haitien, condamné en outre-mer (autant dire, un déporté puisqu’il n’exécute pas sa peine proche des siens mais à plus de 7000km !) et qui fait l’objet d’un tourisme pénitentiaire.
L’administration a pu fermer les yeux quant aux violences qu’il a subies de la part de co-détenus (un de ses codétenus en attestent, ayant pu voir que les agents regardant Joseph subir des violences de la part de co-détenus, sans intervenir pour s’éparer ces hommes, « les jeux du cirque sans doute » !) mais aussi commettre des violences directement contre lui car celui-ci a pris le parti de contester les mesures administratives lui faisant grief et lui ouvrant le droit de saisir le juge pour excès de pouvoir. En prison, on n’aime pas celui qui conteste. La prison est là pour briser, jamais pour réinsérer. Briser ces hommes et ces femmes qui ne demandent qu’à ce que leurs droits soient respectés et que leur peine soit exécutée sans davantage de pénibilité qu’elle n’en a par elle-même.
Jospeh est actuellement à la Maison d’arrêt de Villefranche-Sur-Saône, après avoir fait quasiment toutes les centrales de métropole. Il ne devrait pas y être puisque les maisons d’arrêt ne sont pas prévues pour les détenus condamnés. Quoiqu’il en soit il y a été transféré après être resté près de 3 mois à la maison d’arrêt de Bourg-en-Bresse où il avait été placé d’office à l’isolement. Isolé et solitude, quoi de mieux pour être vulnérable ?
A Bourg-en-Bresse, un surveillant lui aurait cassé le poignet début juin. Depuis il n’a eu aucun soin.
Arrivé le 19 juin à Villefranche-sur-Saône, dans la nuit qui a suivi, à 1h55, 5 surveillants seraient entrés dans sa cellule et l’aurait battu. Pour quelles raisons ? Il n’existe aucune raison légale de frapper un autre homme. Les déclarations de Joseph sont crédibles.
Depuis, son avocat a demandé des explications tant au directeur de l’établissement, qu’au directeur interrégionale des services pénitentiaires, et demandé l’intervention du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il a également déposé plainte auprès du parquet de Villefranche-Sur-Saône afin que Joseph puisse être examiné le plus vite possible par un médecin pouvant constater les blessures et pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire avant une disparition, trop prévisible, des preuves.

Ban public rappelle que :

« Le service public pénitentiaire a pour fonction d’assurer la mise à exécution des décisions judiciaires prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant une incarcération provisoire, et d’assurer la garde et l’entretien des personnes qui, dans les cas déterminés par la loi, doivent être placées ou maintenues en détention en vertu ou à la suite de décisions de justice. » (article D188 code de procédure pénale)

« A l’égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale. » (article D189 code de procédure pénale)

Si ce n’était suffisant, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a précisé, au travers de son article 44 que :

« L’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels. […].

Toute personne détenue victime d’un acte de violence caractérisé commis par un ou plusieurs codétenus fait l’objet d’une surveillance et d’un régime de détention particuliers.
Elle bénéficie prioritairement d’un encellulement individuel.[…] 
 »

Alors si l’administration pénitentiaire a la garde des personnes qui lui sont confiées, si elle doit s’assurer de leur sécurité et doit respecter leur dignité, comment se fait-il que ces violences, non exclusives au cas de Joseph ni à la Maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, puissent avoir eu lieu ?

Ban Public rappelle que les violences contre les personnes détenues -pouvant conduire au décès parfois- sont régulièrement dénoncées sans que celles ne soient prises à leur juste mesure ou sans que de réelles enquêtes soient menées par les autorités compétentes.

Ban Public dénonce les agressions subies par Joseph.

Ban Public exige que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

Ban Public rappelle que ces violences sont inadmissibles dans une société de droit, et ce d’autant plus par des agents censés assurés la garde des personnes placées sous main de justice.

Ban Public appelle tous les citoyens à ne pas oublier que la torture et le système totalitaire sont le propre de l’univers carcéral français.