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La santé en milieu carcéral : dix ans après la réforme

Mise en ligne : 24 mars 2004

Dernière modification : 2 novembre 2004

Texte de l'article :

ADSP n° 44 septembre 2003
éditorial
Pr Guy Nicolas
Conseiller médical auprès du directeur de l’Hospitalisation et de l’Organisation des soins, ancien vice-président du HCSP

Le HCSP a le légitime souci de suivre les dossiers auxquels il a consacré un rapport. Il ne pouvait laisser passer le 10e anniversaire de la promulgation de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, qui réorganisait la prise en charge sanitaire des détenus, sans en dresser un bilan.

La santé de la population carcérale est un vrai sujet de santé publique et, en 1992, le système avait atteint les limites de ses possibilités, l’administration pénitentiaire seule responsable de la santé des détenus ne pouvant plus faire face, tant sur le plan organisationnel que financier, au développement des pathologies nouvelles — le sida en particulier — comme le rappelle justement Alain Blanc. Par une saisine conjointe des ministres de la Santé et de la Justice, le Haut Comité a été chargé de faire un état des lieux et de proposer des solutions. Pour ce rapport nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de l’aide de Michèle Colin, magistrat alors en poste à la direction de l’Administration pénitentiaire et de Gilbert Chodorge, directeur d’hôpital, apportant l’une sa parfaite connaissance du milieu carcéral et l’autre sa maîtrise du monde hospitalier. L’enjeu, en termes de santé publique, était de pouvoir donner à chaque détenu une protection sociale de droit commun et un accès aux soins conforme à celui de tout citoyen. Le rapport du Haut Comité avait été construit dans cet esprit, et ses conclusions ont été validées par les deux ministres puis adoptées par le Parlement. La prison n’était plus désormais un monde à part en matière de santé, le service médical faisait partie de l’hôpital, le détenu et ses ayants droit devenaient des assurés sociaux.

Le 18 janvier 1994, un grand pas a été franchi. La loi a permis d’assurer des soins de qualité aux détenus malades, sans toutefois atteindre la situation idéale d’une prise en charge globale et d’un suivi attentif dont a particulièrement besoin cette population fragile.

Il faut maintenant avancer vers cet idéal en gardant présent à l’esprit que le milieu carcéral impose des contraintes incontournables et qu’il s’agit de progresser au sein de deux cultures antagonistes. Au cours de la dernière décennie d’énormes progrès ont été réalisés, ils doivent être consolidés, sécurisés alors même que l’environnement devient de plus en plus difficile,
la population carcérale ne cessant d’augmenter et les conditions de vie de se dégrader. Aller de l’avant devient alors une gageure si l’on ne fixe pas des priorités et des échéances. Dans cet esprit nous pourrions retenir trois objectifs à la fois accessibles et urgents à réaliser pour améliorer le système :

1. améliorer la permanence des soins notamment la nuit et le week-end, c’est actuellement un maillon fragile ;

2. organiser le suivi médico-social à la sortie du détenu, temps essentiel pour la santé publique, et pour cela la visite médicale de sortie doit devenir obligatoire ;

3. coordonner les prises en charge somatique et psychique de façon à ce que la personne soit accompagnée dans sa globalité sur le plan sanitaire car la dichotomie actuelle de ces deux domaines n’est pas satisfaisante.

Un second grand pas sera alors franchi.