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Billets d’humeur

La proposition de loi de M. Pasqua

Mise en ligne : 30 octobre 2006

Dernière modification : 17 décembre 2007

Réponse à M. Pasqua qui a déposé, avec d’autres sénateurs, le 20 octobre 2006, une proposition de loi visant à porter la durée de la période de sûreté à trente ans dans les cas de condamnations pour les "crimes les plus odieux".

Texte de l'article :

Je lis avec stupéfaction : " L’abolition de la peine de mort a été décidée en automne 1981 dans l’euphorie d’un état de grâce qui, sans aucun doute, pêchait par excès d’optimisme ou par sensibilité à sens unique, c’est-à-dire dans la seule considération de la clémence envers les criminels.". Il n’a jamais été question de clémence vis-à-vis de qui que ce soit, mais seulement de respect des droits de l’Homme et le premier de tous : le droit à la vie. Les peines prononcées révèlent les valeurs fondamentales de la société, dont celle-ci : "Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" (déclaration universelle des droits de l’homme).

En dépit de ma stupéfaction, je poursuis ma lecture : " Cette abolition procédait d’une vision doctrinaire et irréaliste, selon laquelle l’individu ne serait pas responsable de ses actes." Bien sûr que l’individu est considéré comme responsable de ses actes, sinon il ne serait pas condamné...

A ce stade, ce n’est plus de la stupéfaction, mais de l’effarement ; pourtant, je continue à lire, sait-on jamais : "Depuis lors, les Français assistent inquiets à une montée de la délinquance violente et du terrorisme." Il ne faut pas confondre la montée de la délinquance violente, ou de la criminalité, et la perception que les gens en ont, ou qu’on leur prête. Assurément les états ont le droit et le devoir de se protéger contre le terrorisme. Mais la guerre contre le terrorisme ne doit pas faire vaciller le principe du droit inhérent à l’intégrité physique et à la dignité de la personne et voilà bien là un réel danger.

Enfin, je suis édifiée en lisant : " La preuve est ainsi malheureusement apportée que l’abolition de la peine de mort, dont on attendait un progrès moral, aura été reçue, en fait, comme une incitation à l’assassinat par des délinquants désormais seuls à l’abri d’une peine qu’ils distribuent aveuglément à leurs victimes innocentes." L’abolition de la peine de mort est un progrès moral ; il faut refuser de répondre au crime par un autre crime ; la justice n’est pas la vengeance. Si les choses devaient se résoudre en termes de vengeance, il n’y aurait plus d’état de droit. L’abolition de la peine de mort n’est pas une incitation au crime ; la peine de mort n’a aucun effet dissuasif : pour beaucoup de criminologues, une personne, sur le point de commettre un acte criminel, ne s’arrête pas, par peur de la sanction. En outre, l’auteur d’un crime ne distribue pas une peine ; seule la justice prononce des peines.
La suite de la proposition de loi décrit les situations qui entraîneraient une période de sûreté de 30 ans. 30 ans de période de sûreté, cela signifie que la personne ne pourra prétendre à aucun aménagement de peine pendant 30 ans. 30 ans de période de sûreté, cela signifie que la personne restera enfermée pendant 30 ans. Quelle perspective de réinsertion ? Quelle possibilité pour élaborer un projet ? Les recommandations du conseil de l’Europe en matière de longueurs des peines sont pourtant claires et on ne peut qu’être étonné que des sénateurs semblent les ignorer...

La rédaction
Ban public

(Octobre 2006)