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Billets d’humeur

La prison belge

Mise en ligne : 1er juillet 2004

Texte de l'article :

La prison belge
http://www.investigateur.info/zines/textes/177_prison.html
 
Le sujet de société que constitue la problématique des prisons et de l’univers carcéral en général, prend de plus en plus possession de l’actualité. La folle politique sécuritaire d’une Europe traumatisée par le danger latent du terrorisme (voir l’exemple français) qui remplit ses geôles avec des auteurs de menus larcins jadis moins sévèrement traités se rajoute à une augmentation constante de la petite criminalité que la répression et le manque de moyens ne savent pas endiguer. Résultat : des prisons surpeuplées, des grèves, des évasions, des récidives de plus en plus nombreuses, bref, un bordel monstre.

Auquel les Belges viennent de rajouter leur grande sagesse légendaire. Si en France, on a chargé un ministère spécial de s’occuper du problème, si au Luxembourg, on se préoccupe depuis des années de ce problème, quitte à galoper derrière le temps qui fuit, les Belges ont une nouvelle fois trouvé la solution miracle. Trop de prisonniers et pas assez de lits, pas assez de cellules ? On a tout simplement congédié, " licencié ", libéré quelque 170 détenus condamnés à des peines jusqu’à trois ans ! On extradera les délinquants de l’Est, les plus nombreux, vers leurs pays respectifs où ils exécuteront leur peine en lieu et place des prisons belges. On mettra des bracelets électroniques à des centaines de prisonniers, sans pour autant augmenter les moyens de ceux qui surveillent ce système et qui ont déjà... fait grève pour stigmatiser ce manque de moyens.

Et pendant ce temps là nous dit un député luxembourgeois, les détenus croupissent dans des cellules et prisons indignes d’un pays de l’Ouest européen. " Comparée à ce qui se passe en Belgique, notre prison de Schrassig prend des allures d’un véritable hôtel ", conclut-il en précisant bien que c’est la situation luxembourgeoise qui est normale et souhaitable et pas celle en Belgique.

Mais ce malaise dans les prisons belges ne viendrait-il pas tout simplement et justement de ce qui constitue le standard et la règle générale en Belgique : le trop de saleté au sens propre comme au sens figuré, le trop de compromission et de corruption, le trop de violation des droits de l’homme, le trop de sordide et le trop de mensonges. " On m’a précipité avec ma famille en quelques minutes dans le malheur ", vient de dire l’autre jour un brave manifestant belge devant les bâtiments luxembourgeois d’Arcelor. Sans avoir compris que c’est à Liège, à Bruxelles, que 10 000 sidérurgistes ont perdu pour des raisons belgo-belges et de mauvaise gestion leur travail et qu’il fallait se soulever quand il était encore temps au lieu de rester soumis jusqu’au moment fatal. Les prisons, détenus comme gardiens, semblent enfin réagir. Mais d’autres couches de la population belge, notamment francophone, auraient dû le faire depuis bien longtemps et devraient enfin s’y mettre au lieu de se lamenter sur une situation de crasse dans laquelle une politique dysfonctionnelle belge les a enfoncées.

Jean NICOLAS