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> Edito

La place des victimes dans le processus de la justice ?

Mise en ligne : 27 décembre 2006

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

Céder la place à l’émotion est facile, mais dangereux, dans un processus avant tout basé sur la raison. La justice doit être rendue avec sérénité, loin de tout chantage émotionnel que pourraient exercer les victimes. La justice ne met pas en balance la souffrance des victimes avec la dureté de la peine qu’elle inflige. Elle met en balance l’acte commis et l’infraction à la loi qu’il constitue, avec la personnalité de l’auteur de l’infraction, son parcours personnel, les circonstances de l’acte. Il ne s’agit pas de prononcer une sanction qui entraînerait pour la personne condamnée une souffrance qui se voudrait équivalente à celle subie par la victime ; cela reviendrait à faire de la justice un synonyme de vengeance. Le ministère public requiert une peine en tant qu’il représente la société et ses lois. La partie civile n’a pas vocation à s’exprimer sur cette question, elle intervient pour la réparation des éventuels dommages, réparation qui n’est en aucun cas confondue avec la peine.

Que penser de la place des victimes dans le processus de la libération conditionnelle ? La situation, issue de la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est la suivante : un avis écrit est demandé par le juge de l’application des peines à la victime. Que penser du fait que la souffrance des victimes soit sans cesse mise en avant pour tenter de justifier des peines de plus en plus longues et des mesures de sûreté de plus en plus contraignantes ? La loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive des infractions pénales, dans son article 4, pose le principe suivant : "La nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions". Progressivement, la place accordée aux victimes est de plus en plus grande. Plus récemment, Jean-Paul Garraud, dans son rapport remis au premier ministre le 18 octobre 2006, préconise la création de centres fermés de protection sociale où les personnes considérées comme "dangereuses" pourraient être enfermées à vie. Or, la commission pluridisciplinaire d’évaluation de la dangerosité compterait parmi ses membres un représentant d’une association nationale d’aide aux victimes...

On est aux antipodes du fonctionnement normal d’une justice respectueuse de toutes et de tous. Il ne faut jamais oublier que les personnes qui ont commis une infraction et les victimes ont en commun la même humanité. Il ne s’agit pas de remettre en cause la souffrance des victimes, parfois incommensurable sans doute ; mais il ne faut pas se tromper de lieu de débat et, au prétexte d’accorder de l’attention aux victimes, s’engager dans la voie d’une surenchère sans fin, en matière de dureté des peines. D’autant plus d’ailleurs que la prison est pathogène, voire mortifère. Ajouter une souffrance à une autre souffrance : quel sens ?

La rédaction

Ban Public

(Décembre 2006)