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La période de sureté

Publication originale : 1er mai 2002

Texte de l'article :

Après la seconde guerre mondiale, la réinsertion du prisonnier devient un objectif prioritaire assigné à la prison pour peine : elle peut désormais être aménagée en fonction du comportement du condamné et de ses démarches en vue de réintégrer la société. Cette volonté d’individualisation de la peine donne naissance en 1958 au juge de l’application des peines. Ce magistrat peut aménager les peines que purgent les condamnés, par le biais de réductions de la durée de la peine et de mesures de libération anticipée plus ou moins encadrées et surveillées (libération conditionnelle, semi-liberté, placement à l’extérieur) qui se préparent par des sorties ponctuelles (permissions de sortir). Mais depuis la fin des années 70, alors même que les effets positifs des mesures de libération avant la fin de la peine n’ont jamais cessé d’être soulignés notamment en matière de lutte contre la récidive, diverses lois sont venues diminuer le pouvoir des juges de l’application des peines pour empêcher notamment qu’ils puissent intervenir pendant toute une période de détention du condamné : la « période de sûreté ».

577-Qu’est-ce qu’une période de sûreté ?
La période de sûreté est une période pendant laquelle un condamné à une peine de prison ne peut prétendre ni à une suspension ou un fractionnement de sa peine, ni à une semi-liberté ou un placement à l’extérieur, ni à une libération conditionnelle ou même une permission de sortir. Il peut en revanche obtenir des réductions de peine, mais celles-ci ne s’appliquent que sur la partie de la peine allant au-delà de la période de sûreté. Celle-ci a été créée en 1978, et ne s’applique qu’aux condamnés âgés de plus de 18 ans. Les condamnations pour des faits commis avant le 22 novembre 1978 ne peuvent pas être assorties d’une période de sûreté. Celle-ci a pour objectif de limiter les possibilités de sortie anticipée et les pouvoirs du juge de l’application des peines en ce sens. Il existe deux sortes de période de sûreté : l’une obligatoire et l’autre facultative.
Articles 132-23 du nouveau Code pénal, 720-4 du Code de procédure pénale et 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante

578-Dans quels cas la période de sûreté est-elle obligatoire ?
La période de sûreté est systématique lorsque deux conditions sont réunies. L’infraction commise par le condamné doit tout d’abord faire partie d’une liste prévue au nouveau Code pénal, qui comprend par exemple le meurtre aggravé mais pas le meurtre simple. La seconde condition est que la condamnation prononcée soit supérieure ou égale à dix ans de prison ferme (sans sursis). Si ces deux conditions sont remplies, la période de sûreté s’applique automatiquement, même si la juridiction qui condamne (Cour d’assises, Cour d’appel, tribunal correctionnel) ne le mentionne pas expressément.
Articles 132-23 et 221-2 du nouveau Code pénal

579-Quelle est la durée de la période de sûreté obligatoire ?
La durée de la période de sûreté obligatoire est en principe de la moitié de la peine prononcée. Pour les condamnations à la perpétuité, elle est de 18 ans. Cependant, les juridictions qui ont prononcé la peine peuvent allonger ou réduire ces durées, par décision spéciale. La Cour de cassation estime que les motifs de cette décision ne doivent pas nécessairement être énoncés. Les juridictions ont ainsi la possibilité d’allonger la période de sûreté jusqu’aux deux tiers de la peine ou jusqu’à 22 ans pour les condamnations à perpétuité. Elles peuvent même aller au-delà en cas d’assassinat ou de meurtre, précédé de viol ou de tortures ou d’actes de barbarie, sur un mineur de moins de 15 ans : la période de sûreté peut alors être fixée à 30 ans, voire être « perpétuelle » si la peine prononcée est la réclusion à perpétuité.
Articles 132-23, 221-3 et 221-4 du nouveau Code pénal, chambre criminelle de la Cour de cassation 23 octobre 1989

580-Quels sont les cas où la période de sûreté est facultative ?
Une période de sûreté peut également être prononcée par la juridiction de jugement, à condition que la peine qu’elle prononce soit supérieure à cinq ans de prison sans sursis. Peu importe l’infraction. Néanmoins, la période de sûreté ne peut pas dépasser les deux tiers de la peine prononcée. En cas de condamnation à perpétuité pour une infraction qui ne figure pas dans la liste des infractions avec période de sûreté obligatoire, la période de sûreté, ne peut excéder 22 ans.
Article 132-23 du nouveau Code pénal

581-La période de sûreté peut-elle être supprimée ou réduite ?
Le prisonnier peut demander au juge de l’application des peines (JAP) que sa période de sûreté soir réduite ou supprimée. Si ce dernier estime que le condamné présente des « gages sérieux de réadaptation sociale », il peut saisir à titre exceptionnel la juridiction du lieu d’incarcération équivalente à celle qui a prononcé la peine (tribunal correctionnel, Cour d’appel, chambre d’accusation de la Cour d’appel pour une condamnation par une Cour d’assises), afin de demander une réduction ou une suppression de la période de sûreté. Le prisonnier n’a aucun recours devant le JAP qui refuse d’engager une telle procédure.
Lorsque la période de sûreté a été fixée à 30 ans, le condamné ne peut demander à ce qu’elle soit réduite ou supprimée qu’après avoir accompli 20 ans d’emprisonnement. Pour certains faits commis après le 1er février 1994 (assassinat de mineur de moins de 15 ans accompagné d’un viol ou d’actes de barbarie) et si la Cour d’assises a fixé une période de sûreté perpétuelle, le condamné ne peut faire une demande qu’après avoir déjà purgé 30 ans de prison à compter du jour de sa condamnation. A l’expiration de cette période de trente ans, les aménagements de peine ne sont envisageables que sur décision de la Cour de cassation, après expertise médicale sur la dangerosité du condamné.
L’obtention d’une réduction ou d’une suppression de période de sûreté ne signifie pas que le détenu retrouve la liberté. Elle lui permet simplement de déposer des demandes d’aménagement de peine. En pratique, la réduction ou la suppression de la période de sûreté ne sont que très rarement accordées.
Articles 132-23, 221-3 et 221-4 du nouveau Code pénal, 720-4 du Code de procédure pénale