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L’état du droit en prison : "tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit"...

Mise en ligne : 12 février 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

 C’est en ces termes que l’administration pénitentiaire entend gérer le quotidien des personnes qui lui sont confiées, concernant l’accès à l’informatique. Une circulaire d’août 2006 fixe le cadre de "l’informatique en cellule" et "en salle d’activité", de manière particulièrement restrictive, et ce d’autant plus que, dans le même temps, les matériels évoluent rapidement.

 En cellule, une personne ne peut posséder qu’un seul ordinateur (non portable), avec un seul disque dur. Sont interdits en cellules : les imprimantes laser, les souris sans fil, les appareils photos numérique, les CD et DVD vierge, les clef USB, les disques durs externes (ou sur rack amovible), les liaisons par réseau filaire ou sans fil, les logiciels de PAO et de DAO, etc. A se demander pourquoi il est précisé "tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit"... La circulaire précise également, de façon extrêmement détaillée, les caractéristiques des cartes mères et cartes graphiques autorisées et interdites ; pour résumer, les matériels suffisamment performants pour permettre le fonctionnement de certains logiciels, notamment de jeu, sont interdits. "Dans l’hypothèse de technologie interdite par la réglementation (modem, carte réseau, Wifi, etc), mais intégrée en standard à la carte mère ou à un autre matériel, un accord de destruction physique et irréversible des fonctions prohibées vous sera demandé par écrit" peut-on lire dans la circulaire.
Malgré tout cela, si la personne possède un ordinateur, elle devra communiquer à l’administration tous les mots de passe et ne conserver que des documents liés à des activités socioculturelles, d’enseignement, de formation professionnelle. En cas de transfèrement, le règlement intérieur du nouvel établissement sera appliqué au matériel acquis préalablement. Qu’il s’agisse de la salle d’activité informatique ou de la cellule, l’accès à Internet est strictement interdit. Le transport de données entre la salle d’activité informatique et la cellule (sous forme de CDROM, DVD...) est interdit ; l’absence du responsable de l’activité annule celle-ci. Toutes ces interdictions rendent impossible pour une personne incarcérée de faire du développement logiciel (dans le cadre d’une activité rémunérée par une société extérieure notamment) ; l’accès à Internet et la sauvegarde de données sur un support autre que le disque sont en effet indispensables pour être compétitif en matière de développement logiciel. Autrement dit, il y a un véritable frein à la réintégration, objectif pourtant fixé à l’administration pénitentiaire. Mais celle-ci raisonne davantage en termes de sécurité.

 Toutes ces restrictions, non seulement induisent évidemment des contraintes considérables dans leur domaine d’application, mais aussi sont contre productives en terme d’intégration future dans le monde du travail, car elles sont en décalage avec la réalité technologique. En outre, la phrase "tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit" a un sens symbolique extrêmement fort, à contre courant du droit à l’extérieur où tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Il est temps de faire entrer en prison les principes du droit. Sinon comment peut-on prétendre que la prison puisse jouer un rôle positif dans le processus de réintégration ?

Ban Public

(Février 2007)