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> Edito

Journée nationale des droits de l’enfant... en prison

Mise en ligne : 12 novembre 2007

Dernière modification : 17 décembre 2007

Texte de l'article :

Par la loi du 9 avril 1996, "le 20 novembre, jour anniversaire de l’adoption par l’Organisation des Nations unies de la Convention internationale des droits de l’enfant, est reconnu Journée nationale des droits de l’enfant". D’autres pays ont fait le même choix. A cette occasion, il s’agit de sensibiliser les citoyens à la protection de l’enfance dans le respect de la convention internationale, signée le 20 novembre 1989.
Le respect des droits des enfants est très inégal selon les pays ; un pays comme la France, reconnu à travers la monde comme le pays des droits de l’Homme, a adopté un certain nombre de lois visant à mettre en conformité le droit national avec le texte international de 1989. Il s’agit par exemple de la loi du 8 janvier 1993, modifiant le code civil, relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, ou bien de la loi du 6 mars 2000, instituant un Défenseur des enfants.
Il y a cependant un lieu particulier, la prison, où la prise en compte des besoins spécifiques aux enfants (c’est-à-dire un "être humain âgé de moins de dix-huit ans" au sens de la convention) est moins prégnante qu’ailleurs.

 Les très jeunes enfants (moins de 18 mois) peuvent séjourner en prison parce que leur mère y est incarcérée, qu’elle ait accouché alors qu’elle était incarcérée ou pas.
Les sorties de l’enfant pour rencontrer un autre membre de la famille sont possibles, aussi fréquemment que la mère le décide ; néanmoins, l’environnement quotidien de l’enfant reste la prison. Même si "les détenues enceintes et celles qui ont gardé leur enfant auprès d’elles, bénéficient de conditions de détention appropriées", d’après l’article D 400-1 du code de procédure pénale (CPP), l’univers carcéral est loin d’être adapté aux besoins d’un jeune enfant qui n’a d’autre solution, pour rester auprès de sa mère, que de partager son environnement. Des locaux spécialement aménagés sont prévus par l’article D 401 du CPP ; mais, ils existent dans peu d’établissements, ce qui oblige parfois à des transferts, posant alors le problème du maintien des liens familiaux et amicaux.
Lorsque la mère reçoit des visites au parloir, en présence de son enfant, il arrive que celui-ci soit fouillé après le parloir, alors même qu’il n’a pas le statut de "personne détenue".
La séparation entre la mère et l’enfant intervient lorsque celui-ci atteint ses 18 mois. Il existe une possibilité de reculer la date de la séparation, sur décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, après avis d’une commission consultative. Cette date ne peut excéder les 2 ans de l’enfant. Il est difficile de comprendre que, dans ce parcours, "l’intérêt supérieur de l’enfant [soit] une considération primordiale", comme le stipule l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant.

 Les enfants sont également confrontés à la prison lorsqu’ils y rendent visite à un parent incarcéré. Les conditions de ces visites ne sont pas toujours adaptées. Par exemple, les grandes pièces communes, où tout le monde peut se voir, ne sont pas d’une part propices à la tranquillité nécessaire à l’instauration d’une relation parent-enfant de qualité, d’autre part, donnent parfois à voir aux enfants des attitudes entre adultes qu’ils ne sont probablement pas en âge d’appréhender avec justesse. Le simple fait pour un enfant d’être confronté à la prison, avec l’attente, les contrôles pour y entrer, les longs trajets parfois et la brièveté des visites, n’est pas de nature à favoriser son épanouissement.

 Enfin, les enfants sont confrontés à la prison lorsqu’ils sont eux-mêmes incarcérés. Ils le seront d’autant plus avec certaines des dispositions de la loi du 10 août 2007, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Cette dernière prévoit d’écarter l’excuse de minorité pour les mineurs de plus de 16 ans dans un certain nombre de cas ; de la même façon, elle instaure des peines minimales obligatoires en cas de récidive légale pour un certain nombre d’infractions. Certes, les établissements pour mineurs (EPM) ont pour objectif de placer au centre de la journée les activités éducatives, ce qui pourrait sembler être une réponse satisfaisante. Mais, d’une part, il existe encore très peu d’EPM et, de fait, les mineurs continuent de côtoyer les majeurs dans certains établissements. D’autre part, les débuts pour le moins difficiles de l’EPM de Lavaur ne sont guères encourageants, le personnel dénonçant un manque criant de moyens pour atteindre les objectifs fixés. Enfin, et surtout, les EPM resteront toujours des lieux d’enfermement ; et cette réponse ne peut être satisfaisante du point de vue de "l’intérêt supérieur de l’enfant".

La journée nationale des droits de l’enfant, le 20 novembre, pourrait être l’occasion d’aborder ces différentes questions à la lumière de la convention internationale des droits de l’enfant. Un enfant ne peut subir une peine indirectement parce que sa mère est incarcérée. Un enfant, au prétexte qu’il a commis une infraction comme l’aurait fait un majeur, avec la même violence par exemple, ne peut être traité comme un adulte ; agir comme le ferait un adulte ne signifie pas que l’on est adulte.

la rédaction
Ban Public
Novembre 2007