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jeudi, 11 décembre 2003

Mise en ligne : 24 mai 2004

Texte de l'article :

jeudi, 11 décembre 2003

Passons maintenant à la lettre d’Olivia.
Je suis débordé !

Olivia, Tout d’abord, j’espère que tu vas bien, et que sincèrement, tu ne t’inquiètes pas pour moi. J’ai fait une connerie, je paye. Maintenant je suis loin de toi mais ce sera rapide. Tout ce que je désire aujourd’hui, Olivia, c’est que lorsque je sortirai, tout reprendra comme avant et que l’on oublie ce passage. Tout va bien entres nous, je t’aime et je suis heureux d’être avec toi. Gardes le pour toi, mais je t’avoue que ici, c’est assez chaud, j’ai eu quelques problèmes avec d’autres détenus mais qui se sont relativement bien terminé. Je ne me lie d’amitié avec personne mais j’essaye de m’intégrer au mieux pour éviter les problèmes. Lorsque j’ai une embrouille avec un détenu, je fais tout pour que ça s’arrange en pensant à toi car je suppose que je te plairais moins avec un nez de travers ou un œil en moins. Je te demande un service, essaye d’aller le plus souvent que possible voir ma mère pour la soutenir, la rassurer. Je ne veux pas que l’on s’inquiète pour moi. Et s’il te plait, ne viens pas au parloir. J’ai trop honte. Je suis sale, je ne me rase pas, je ne me coiffe pas et je n’ai pas envie que les autres détenus te voient. Je suis plus qu’impatient de te revoir, cela fait quelques jours que je suis ici et j’ai l’impression que cela fait des mois. Lorsque je suivrai des cours, que je ferais des activités, que j’aurai une télé, je suppose que le temps passera plus vite. Aussi, j’ai entendu dire que l’on pouvait avoir un pc dans sa cellule, sous conditions. Je ferais tout pour l’avoir.
Je pense en permanence à toi,
Je t’embrasse,
Olivier.

Je me relis. Vraiment nulle cette lettre. C’est pas grave.

L’œillet se remue, je lève ma tête. « La gamelle ! »

Super, je suis mort de faim. Donc voyons les mets délicatement déposés dans cette barquette en plastique.

Entrée : Farandole de choux rouge et sa crème fraîche.
Plat : Lentilles mijotées dans leur jus de boite accompagné de petits salés cuisinés façon grand-mère.
Dessert : Mini cornetto.

Je prends ma fourchette et mon couteau sans lame et commence ce repas, en tête-à-tête avec mon mur.
J’entends qu’on m’appelle, je me mets à la fenêtre.
« 
- Ouais ?
- Ouais c’est Nasser, je suis à la cellule à côté, toi aussi t’as eu un cornetto ?
Ok, je sens qu’il va tenter de me le taxer. Surtout ne pas lui donner. Si je lui donne je perdrais toute crédibilité et il me taxera tous les jours.
- Heu ouais ouais j’en ai eu un pourquoi ?
- T’as remarqué les petits trous dans le cornet ?
Je retourne à ma table, je regarde et en effet, il y a 2 minuscules trous dans le cornet. Je ne comprends pas.
- Oui il y a deux trous, c’est quoi ?
- T’ as vu en cuisine ils mettent des calmants dans les desserts avec une seringue ces fils de pute ils essaient de nous droguer.
- Ah ok mais de toute façon j’aime pas les cornettos, tu le veux ?
- Non non. »

Je retourne à ma table sans lui souhaiter bon appétit ou clôturer la conversation par un « A plus » ou quoi que ce soit. Si je suis trop poli, gentil, je me ferai marcher sur les pieds. Pourtant j’ai besoin d’affection ! j’aimerai être agréable, gentil...

Je me couche pour digérer ce plat copieux. Mon blouson qui me sert de coussin commence vraiment à avoir une odeur désagréable. L’odeur des couloirs de cette prison. Je ferme les yeux et imagine le scénario de ma sortie. Je me vois arriver chez moi, avec tous mes amis, ma famille qui m’accueil comme un héros. Je m’endore.