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Actions en justice contre la prison

Jean-Marc Rouillan porte plainte contre la Maison centrale de Moulins

Mise en ligne : 29 mai 2004

Dernière modification : 28 décembre 2010

Texte de l'article :

28.05.04 - Libération

ROUILLAN DÉNONCE DES SÉVICES À LA CENTRALE DE MOULINS - LE FONDATEUR D’ACTION DIRECTE PORTE PLAINTE CONTRE LA PRISON.

Par Dominique Simonnot et Éric Moine (à Moulins)
La « suspicion de tentative d’évasion » était si « grave », si « certaine », qu’elle a valu à quatre détenus d’être transférés précipitamment le 18 mai de la centrale de haute sécurité de Moulins-Yzeure, dispatchés dans différentes prisons, et tenus au secret quelques jours. Parmi eux, un Basque, le nationaliste corse Charles Santoni et Jean-Marc Rouillan, fondateur d’Action directe, aujourd’hui placé à l’isolement à Fleury-Mérogis. Une urgence qui se serait doublée de graves violences, selon le récit de Rouillan à des proches : « Les cagoulés des Eris [1] sont entrés à l’aube dans nos cellules, j’ai été tiré de mon lit, traîné nu dans la prison, comme les trois autres. On nous a fait mettre à genoux, toujours nus, on nous a frappés, avec une serviette dans la bouche pour nous empêcher de crier et, enfin, nous avons été présentés nus au directeur. »
Ce que réfute le directeur de Moulins, Richard Bauer : « Avec d’autant plus de certitude, précise-t-il, que j’ai moi-même assisté à l’opération, du début à la fin. »
Épinglées. Une plainte pour « coups et violences » va cependant être déposée par Rouillan et sans doute par deux autres de ses codétenus. « Rouillan nous a dit qu’en dix-huit ans de prison il lui est arrivé d’être tabassé, mais jamais humilié à ce point », rapportent ses amis. Depuis leur création en février 2003 par Dominique Perben, les Eris sont très contestées. Au point d’être épinglées par le Comité européen de la torture, par les associations, mais aussi par la CGT-pénitentiaire. D’autres détenus ont fait état de violences et de brutalités de leur part. Sans jamais encore oser porter plainte.
On s’interroge par ailleurs sur la véracité de la tentative d’évasion des quatre détenus. Ceux-ci ont reçu les motifs de leur transfert : « Des informations en provenance des services de gendarmerie établissant de fortes présomptions qu’une équipe de plusieurs détenus était sur le point d’exécuter un projet d’évasion avec les complicités extérieures de personnes armées. Ces informations ont été corroborées par le personnel de l’établissement. »
Bizarrerie. Or, étrangement, ces faits si graves ­ s’ils étaient avérés ­ n’ont fait l’objet d’aucune ouverture d’information judiciaire. Et, à Moulins, le procureur se refuse à commenter cette bizarrerie. Selon un représentant de l’administration pénitentiaire : « Tant que ce ne sont que des suspicions, ême si nous avons des motifs très sérieux, et c’était le cas, nous ne pouvons prendre que des mesures conservatoires. En l’occurrence le transfert rapide des détenus soupçonnés. Mais sans début d’exécution de la tentative d’évasion, il n’existe aucun élément matériel nous permettant de demander l’ouverture d’une enquête qui se heurterait à cette absence d’éléments matériels. Nous ne pouvons tout de même pas prendre le risque de laisser s’entamer une action violente pour légitimer l’ouverture d’une enquête. » Pourtant, le jour du transfert, les autorités pénitentiaires affirmaient que l’évasion aurait lieu par hélicoptère, et assuraient qu’il existait des « preuves sérieuses confirmant les soupçons ».
Rouillan va aussi déposer plainte pour « dénonciation calomnieuse » dont le résultat est son incarcération en maison d’arrêt et non dans une centrale adaptée aux longues peines.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=209874