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Introduction

Mise en ligne : 14 avril 2005

Texte de l'article :

1. Introduction

Les problèmes de santé rencontrés en médecine pénitentiaire correspondent en partie à ceux d’une pratique médicale courante. En revanche, leur distribution, leur prise en charge et les moyens de les traiter sont considérablement influencés par les particularités de la population carcérale et celles de son mode de vie.

La prise en charge générale d’un détenu se distingue d’une pratique courante, basée sur la dyade médecin-patient, en ce qu’elle est triadique : médecin-patient-autorité. Les moyens scientifiques et techniques pour traiter les patients détenus sont a priori les mêmes que ceux disponibles pour tout citoyen ; la détention impose toutefois certaines limitations, par exemple dans le choix du médecin ou du lieu de traitement, ou encore dans l’application du traitement (en particulier si la plainte du patient est secondaire à ses conditions de détention elles-mêmes).

La population carcérale est une population principalement adulte d’âge moyen jeune avec une prévalence élevée de problèmes de santé par rapport à la population générale ; on relève en particulier une fréquence proportionnellement élevée d’accidents (en particulier suite à des actes de violence ou auto-agressifs) et de pathologies du système locomoteur, de pathologies respiratoires et infectieuses (hépatites, virus de l’immunodéficience humaine (VIH), tuberculose) et de troubles mentaux (p.ex. troubles psychosomatiques, alcoolisme, toxicomanies diverses en particulier la dépendance à l’alcool et/ou à la nicotine, et troubles de la personnalité) ainsi que d’incapacités de travail [1, 2]. Le contexte de détention est également à l’origine de toute une série de problèmes de santé qui ont en commun d’être plus ou moins associées à un comportement revendicateur. Un tel comportement s’explique par les impératifs de la détention qui limitent le mode de vie et les moyens d’expression du détenu.

 L’un de ces comportements revendicateurs souvent secondaire aux conditions de détention est le jeûne de protestation ou grève de la faim. Il s’agit d’une entité nosologique particulière en ce que le patient jeûneur est une personne a priori en bonne santé, s’exposant à une baisse plus ou moins marquée de l’état général, à diverses complications parfois irréversibles et à une mort précoce. De plus, elle confronte les personnels de santé impliqués à un acte volontaire, opposant leurs devoirs auprès du patient aux droits de celui-ci.

 Par tous ces aspects, le jeûne de protestation pose à un médecin en charge de détenus un ensemble de problèmes cliniques, médico-légaux et éthiques inhabituels. La prise en charge du jeûne de protestation est d’autant plus difficile que les données cliniques et épidémiologiques disponibles dans la littérature sont limitées et le consensus quant aux questions éthiques difficile à établir à un niveau international.