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III. A. 2- La place de la prison dans la cité.

Mise en ligne : 17 janvier 2003

Texte de l'article :

La réflexion sur la place de la prison dans la cité est bien évidemment une suite logique de la réflexion sur le sens de la peine ; si l’on veut parier sur une réintégration à plus ou moins long terme du détenu dans la société, il est indispensable de maintenir les liens entre l’intérieur et l’extérieur. « Les liens sont le moyen de garantir que la personne est immobile physiquement, mais cela ne doit pas se traduire par une immobilité affective, psychologique, économique, matérielle, intellectuelle ». (Nicolas Frize)

a) la place de la prison dans la ville

Il s’agit en premier lieu d’assurer une continuité territoriale et géographique : comme l’a observé Me Teitgen, Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de Paris « La prison de la Santé, qui est l’une des rares prisons construites en ville, est une prison depuis laquelle les détenus entendent les bruits de la ville, tels que par exemple les coups de klaxon ; ils ont donc le sentiment d’être dans la ville et non pas à l’écart de tout. Ce n’est pas le cas pour ces prisons construites dans les années 70 - comme Fleury-Mérogis - loin des villes ; les détenus ont là un sentiment d’enfermement dans tous les sens du terme, et d’enfermement dans l’enfermement. » [...]
Pour ma part, je considère qu’il est extrêmement important que des prisons soient construites en ville - et la Santé est au c_ur de la ville. L’existence d’une prison en ville permet aux citoyens de ne pas occulter le phénomène de la prison. Par ailleurs, cela facilite les visites des familles.
Votre commission doit impérativement aller à Denfert-Rochereau les jours où les familles des détenus prennent les autobus de l’administration pénitentiaire pour se rendre à Fleury-Mérogis - sachant que nombre d’entre elles viennent de banlieues ! Certaines d’entre elles sont obligées de prendre leur journée pour une seule heure de visite !
C’est la raison pour laquelle j’estime que les prisons en ville sont importantes, et qu’il serait bon que nous arrivions à conserver la Santé à Paris, même si cela nécessite des travaux importants. Rejeter les prisons hors de la ville, c’est faire perdre à nos concitoyens la conscience de l’existence même du monde carcéral. »
Les visites d’établissements tels que celui de Joux-la-Ville ont confirmé cette impression : la construction d’établissements en pleine campagne est un véritable désastre. Elle a certes présenté des avantages en termes de coût du terrain. Elle conforte également l’opinion publique dans sa volonté de nier l’univers carcéral et de reléguer la prison dans un no man’s land quelque peu réconfortant. Elle offre également des avantages certains en termes de sécurité : les visites d’établissements à Rennes ou Loos ont ainsi montré que la proximité voisine de la rue se traduit par l’envoi de paquets aux contenus divers (drogues, téléphones portables...) qui suscitent des inquiétudes réelles et justifiées de la part des surveillants.
Il n’en reste pas moins, malgré ces inconvénients indéniables, que maintenir la prison dans la ville doit demeurer un impératif. Sans la proximité de la ville, c’est toute la politique de réinsertion, d’emploi, de maintien des liens familiaux qui est réduite à néant.
Comment amener les entreprises à donner du travail lorsque le coût du transport du matériel et de la production annihile les avantages financiers qu’elles peuvent retirer du travail en prison ? Comment persuader les familles de maintenir leur visite lorsqu’une visite d’une heure et demie exige de se libérer une journée entière et requiert des moyens financiers permettant de payer un taxi pour une distance de cent kilomètres ? Comment convaincre les étudiants du GENEPI, notamment en période d’examen, de venir passer une journée ? A cet égard, le sort de la prison de La Santé devrait être rapidement tranché dans le sens du maintien de cet établissement pénitentiaire - le dernier et le seul - à Paris.
La prison à la campagne confirme l’exclusion dans l’exclusion. Ajoutons pour finir qu’elle n’offre même pas les garanties que l’on serait en droit d’attendre en matière de sécurité :la visite de Joux-la-Ville a ainsi confirmé que la situation excentrée de la prison n’empêchait pas toutes sortes de trafics avec l’extérieur. De même Clairvaux, centrale construite hors du monde puisque sur l’emplacement de l’ancienne abbaye, a connu dans le passé les problèmes de sécurité aux conséquences dramatiques auxquels l’isolement et les conditions de vie qu’il implique n’étaient sans doute pas totalement étrangers.

b) les liens avec la famille

La famille du détenu ne doit pas être traitée comme si elle était responsable au même titre que lui de l’infraction commise, comme c’était le cas dans la justice d’ancien régime. Or les courriers reçus par la commission montrent que, parfois, les familles ne sont pas traitées convenablement par les responsables de l’administration pénitentiaire alors même que la famille subit de toutes façons les effets de l’incarcération. Les conséquences dommageables de l’incarcération pour ses membres sont certes difficiles à éviter. Elles n’en sont pas moins choquantes, surtout lorsqu’il s’agit de prévenus.
Par ailleurs, le maintien des liens familiaux constitue une donnée essentielle pour la future réinsertion des condamnés. Ce maintien se heurte néanmoins à des obstacles matériels souvent démesurés pour des familles défavorisées.
Le premier de ces obstacles est l’éloignement du détenu ; selon l’article D.53 du code de procédure pénale, l’affectation dans une maison d’arrêt dépend du ressort du siège de la juridiction d’instruction ou de jugement devant laquelle le prévenu est appelé à comparaître. Cette situation obéit bien évidemment à des contraintes liées à l’instruction de l’affaire, l’autorité judiciaire pouvant demander l’extraction du prévenu chaque fois qu’elle l’estime utile. Il faut néanmoins s’interroger sur les conséquences psychologiques qu’une telle disposition implique pour le prévenu. La mission effectuée par la commission d’enquête dans les départements d’outre-mer a ainsi eu l’occasion de constater l’état de dénuement total dans lequel se trouvaient certains métropolitains, notamment des femmes, arrêtés en Guyane ou aux Antilles pour des affaires liées à des trafics de stupéfiants. La rupture totale de liens familiaux provoquée par l’éloignement constitue, particulièrement dans le cas de femmes ayant des enfants, un véritable traumatisme. Ce dernier est d’autant plus aggravé que les prévenus ou les condamnés, dans les maisons d’arrêt, n’ont pas le droit de téléphoner.
Un remède pourrait être trouvé dans le recours aux nouvelles technologies, à l’image de ce qui se passe au Canada, où des salles de vidéoconférences existent dans certains établissements.
L’éloignement des départements et territoires d’outre-mer représente bien évidemment un cas de figure très particulier. Il n’en reste pas moins que la demande de transfert pour rapprochements familiaux est un leitmotiv formulé de façon lancinante dans toutes les visites des maisons d’arrêt.
Le cas des établissements pour peine est plus particulier : s’ajoute au problème de l’éloignement, la question de la durée de détention. Il semble exister de la part des détenus condamnés à de longues peines un certain fatalisme sur le sujet, conscients qu’on ne peut demander à une famille d’affronter l’univers pénitentiaire pendant vingt ans pour des visites qui exigent souvent de mobiliser une journée et requièrent des moyens importants.
Là encore, la question de l’éloignement de l’établissement est une donnée essentielle ; elle se pose avec une acuité particulière pour les femmes, aucun établissement ne se situant au sud de la Loire.
La réponse de l’administration pénitentiaire face à cet impératif de maintien des liens familiaux paraît, à bien des égards, peu satisfaisante. La pratique des parloirs illustre la méconnaissance des contraintes que l’on impose aux familles. Ainsi, de nombreux établissements limitent de façon quelque peu drastique les horaires accordés aux parloirs. Disposer d’une heure trente avec le détenu pour un déplacement qui a nécessité de mobiliser une journée peut paraître frustrant. Le temps d’une heure trente n’est qu’indicatif ; la pratique diffère selon les établissements, ce qui prouve d’ailleurs que l’administration centrale n’a pas jugé essentiel cet aspect de la condition de vie du détenu et n’a pas donné de consignes claires à ce sujet. Il semble pourtant indispensable de réglementer les modalités de visite des familles, en tenant compte à la fois des contraintes familiales et des disponibilités de l’établissement, afin d’apaiser les tensions qui naissent de part et d’autre à la suite de dépassements d’horaires. Un système qui modulerait ces horaires en fonction de l’éloignement de la famille pourrait être ainsi envisagé.
La même nécessité de réglementation exige que l’on aborde la question des relations sexuelles au parloir. L’administration centrale fait preuve en l’occurrence d’une grande hypocrisie en se réfugiant derrière le projet d’unités de visite familiale pour régler le problème.
En l’absence de règles claires sur le sujet, les pratiques, là encore, diffèrent ; il semblerait ainsi que les relations sexuelles soient tolérées dans un établissement comme Clairvaux ; elles sont signalées et stoppées au centre de détention de Caen ; elles sont sanctionnées à Val-de-Reuil. Là encore, la solution choisie procède plus du poids de la coutume, d’une politique du directeur, que d’une véritable réflexion sur la sexualité en prison. Il faut pourtant savoir que ces relations, lorsqu’elles ont lieu, se déroulent dans des conditions indignes, avec des aménagements rudimentaires qui placent le couple, les familles présentes et leurs enfants, les surveillants, dans une situation extrêmement gênante.
Les directeurs d’établissements réclament à ce sujet des directives claires.
Le développement des unités de visite familiale constitue un début de réponse ; il s’agit de permettre aux détenus condamnés à de longues peines et ne bénéficiant pas de permissions de sortie, de recevoir pendant plusieurs heures les membres de leur famille dans des conditions d’intimité satisfaisantes. Seraient ainsi créés des espaces dans l’enceinte pénitentiaire, sans surveillance à l’intérieur même de ces espaces, permettant à la famille dont l’un des membres est incarcéré de vivre pendant un certain temps, toutes les dimensions de la vie familiale. Les détenus concernés et rencontrés lors de visites sont très attentifs à la mise en place de cette expérience pour laquelle trois sites ont déjà été choisis (maison centrale de Poissy, maison centrale de Saint-Martin-de-Ré, centre pénitentiaire pour femmes de Rennes). Ils insistent à chaque fois pour que ces unités de visite familiale ne soient pas réduites, dans leur perception par l’extérieur, à une dimension uniquement sexuelle. Ils souhaitent au contraire que ce projet soit conçu comme un moyen de retrouver un noyau familial.
Les syndicats rencontrés, tant au niveau national que lors des visites des établissements, ont montré leur réticence devant une telle expérience. Seule la CGT a émis un avis favorable, sous réserve que l’on ait utilisé, avant et en même temps, toutes les possibilités qui existent en terme de permissions de sortie et d’aménagements de peines.
Il existe des unités de visite familiale au Canada et la délégation de la commission qui s’est rendue dans ce pays en a visité. Leur utilisation, également limitée aux détenus qui n’ont pas de permission de sortie, ne semble pas soulever de problèmes majeurs. Les personnels de surveillance qui ont été rencontrés, très réticents à leur mise en _uvre, ont reconnu que ces structures permettaient une amélioration du comportement des détenus qui en bénéficient.
Il est vrai que la mise en _uvre du dispositif exigera de la part des surveillants l’accomplissement de nouvelles tâches, telles que les prises de rendez-vous téléphoniques, la gestion du planning d’utilisation, l’accueil, le contrôle de l’identité des visiteurs à l’arrivée et au départ de l’établissement, ainsi que la mise en place d’une surveillance spécifique. Au-delà de ces nouvelles tâches, il semblerait que ce qui suscite la réticence soit davantage lié à une vision fantasmatique des relations sexuelles au sein des unités de visite familiales ; les surveillants craignent en effet d’avoir à cautionner des relations qui ne soient pas exclusivement liées au maintien des liens familiaux.
La réussite de l’expérience repose dès lors sur des directives très précises de l’administration centrale sur les personnes autorisées à être accueillies dans les unités de visite familiale. Ajoutons pour conclure que ces unités, qui s’adresseraient à des détenus condamnés à de longues peines ne bénéficiant d’aucune permission de sortie, ne concernent en définitive qu’un nombre extrêmement réduit de détenus.
Les unités de visite familiale ne sauraient donc être une solution pour l’ensemble de la population pénale ; c’est davantage vers un aménagement et une réactivation des permissions de sortie qu’il s’agit de s’orienter.
La famille est un vecteur essentiel d’intégration et une marche supplémentaire vers l’insertion. Il est indispensable également qu’elle soit considérée comme un interlocuteur pertinent de l’administration pénitentiaire. Il est indéniable que les établissements pénitentiaires s’appuient de plus en plus sur la famille pour prendre en charge des situations caractérisées d’indigence ou pour régler nombre de tâches matérielles qu’ils ne peuvent assumer faute de moyens. Cette « utilisation » des liens familiaux doit nécessairement s’accompagner d’une reconnaissance mutuelle ; l’aménagement des heures et jours de parloirs constitue une première démarche.
Les capacités d’écoute et l’amélioration de l’accueil, qui passe notamment par une réfection des locaux destinés à recevoir les familles doivent également devenir une priorité. A ce sujet, les visites d’établissement, tels qu’Ensisheim, Troyes, Villenauxe, Fontenay ou Limoges ont montré les conditions d’accueil déplorables réservées aux familles.

c) la politique de décloisonnement

L’exigence d’un autre regard sur l’incarcération doit aussi conduire à reconnaître que le détenu est un citoyen, qu’il est certes privé de sa liberté, mais qu’il reste un sujet de droit. La politique de décloisonnement a pour objectif d’offrir aux détenus des prestations équivalentes à ce qu’elles seraient en milieu libre dans les domaines tels que la santé, l’enseignement, la formation ou la culture. La justice ne pouvant assurer seule ces prestations, la politique de décloisonnement consiste à mobiliser d’autres institutions.
Cette mobilisation permet d’entretenir ou de susciter le sentiment d’appartenance à un groupe social, en sortant le détenu de son statut d’exclu. En ce sens, elle constitue véritablement une ouverture de la prison vers l’extérieur. Mais la politique de décloisonnement traduit également l’exigence d’une manifestation de solidarité envers le monde carcéral ; elle est en ce sens indubitablement un regard extérieur posé sur la prison. Le livre de Mme Véronique Vasseur représente un témoignage tout à fait concluant de ce regard citoyen institué par la politique du décloisonnement.
Le décloisonnement a connu ses prémices en 1945 avec l’entrée en détention d’instituteurs de l’Education Nationale ; elle s’est poursuivie par le transfert aux ministères et institutions de référence du contrôle des prestations dispensées en milieu pénitentiaire : inspection du travail dans les ateliers et inspection académique dans les classes ; la loi du 22 juin 1987, en déléguant certaines fonctions dévolues à l’administration pénitentiaire à des entreprises privées, a permis une confrontation de la culture d’entreprise avec celle du service public ; il en est résulté une véritable mutation culturelle qui a permis aux établissements pénitentiaires de s’ouvrir vers l’extérieur.
La politique de décloisonnement a également été marquée dans le domaine culturel par un partenariat du ministère de la Justice et du ministère de la Culture pour généraliser la création de bibliothèques en accès direct dans la prison.
Enfin, aboutissement ultime de ce décloisonnement, la loi du 18 janvier 1994 institue le principe selon lequel les personnes détenues voient leurs soins assurés par le service public hospitalier et ont accès à une politique de prévention sanitaire de droit commun.
A chaque fois, c’est le regard des institutions, du citoyen sur l’univers carcéral qui change ; à chaque fois, c’est le détenu qui se sent plus intégré au corps social.
Les visites dans les établissements pénitentiaires ont permis de constater sur place que la mise en _uvre de cette solidarité était parfois délicate ; les directeurs d’établissements ont souvent fait part aux membres de la commission d’enquête de leurs difficultés à mobiliser les partenaires extérieurs, qu’ils soient publics et privés. Les partenariats avec les conseils généraux ou l’ANPE restent encore très timides ; les médecins hésitent à se déplacer et parfois même, comme cela a été vu à Clairvaux, refusent de venir. L’implication des collectivités locales est aussi inégale. Or l’aménagement de locaux pour l’accueil des familles, par exemple, en dépend le plus souvent. La prison renvoie trop souvent à une réalité que l’on veut ignorer ; il faudrait pourtant comprendre qu’elle est l’affaire de tous, qu’elle peut concerner chacun d’entre nous.

d) l’apport essentiel du bénévolat

Les associations génèrent du lien social et concourent à leur façon à l’intérêt général. Elles sont un témoignage auprès des personnes incarcérées de la présence de la société civile et ont également le souci de faire connaître la prison dans la société.
L’Association nationale des visiteurs de prison, le GENEPI, la FARAPEJ (Fédération des associations réflexion, action, prison et justice), la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réadaptation sociale), le courrier de Bovet, la Croix-Rouge, le Secours Catholique et l’Armée du Salut sont autant d’associations au niveau national qui mènent des actions en faveur de la lutte contre l’illettrisme ou l’indigence, qui visitent régulièrement des prisons et qui aident à la préparation à la sortie.
Il existe également des associations exerçant au niveau local qui se spécialisent plus spécifiquement dans l’accueil des familles en attente de parloirs.
L’intervention de ces associations est tout à fait essentielle ; elles interviennent sur des terrains où l’administration pénitentiaire, faute de moyens, ne peut plus assumer ses responsabilités. La tendance à se décharger sur les milieux associatifs, moyennant éventuellement une aide budgétaire, est en effet très nette ; cette tendance a été dénoncée, notamment par l’Association nationale des visiteurs de prison, qui entend rester une association ne s’inscrivant pas dans un champ de compétence particulier.
« Il n’y a pas suffisamment de visiteurs. On peut répondre qu’il y a un engouement et beaucoup de demandes, mais les agréments ne sont pas accordés comme il se devrait. Certes, faire des allers et venues, accompagner des détenus aux parloirs est une charge. Réfléchir à qui l’on va confier tel détenu prend du temps. La tendance aujourd’hui est que les services utilisent ces compétences particulières, c’est-à-dire que se dessine une volonté d’instrumentaliser les personnes qui viennent en détention. Or nous sommes des intervenants particuliers et nous tenons au fait même que nous n’avons pas de compétences particulières.
Il y a là quelque chose qui devrait être repensé. Nous sommes formés à l’écoute pour être au plus près des besoins des détenus et les accompagner. L’association peut et doit offrir toutes sortes de services, même si on ne le fait pas toujours très bien. Nous ne rencontrons qu’un dixième de la population carcérale. Lorsque l’on voit des lieux comme Saint-Maur, on se dit que les visites devraient être absolument obligatoires dans les maisons pour peines. Ce sont des lieux qui devraient connaître une abondance de visiteurs. Nous sommes des gens qui avons traversé des épreuves et qui les avons surmontées. Nous sommes des personnes « lambda », nous ne demandons rien aux détenus. Il est important qu’ils rencontrent des personnes qui viennent juste pour eux, gratuitement ». (Mme Chantal Cretaz, présidente de l’ANVP)
Malgré le fait qu’elles se voient confier un domaine d’intervention toujours plus étendu, les associations ont encore des difficultés pour intervenir dans les établissements pénitentiaires ; les horaires de la journée de détention et l’emploi du temps de la semaine carcérale se prêtent mal à l’intervention de membres d’associations issus du monde du travail ou du monde étudiant.
« Il faut que la vie de l’établissement offre des horaires où nous puissions intervenir. Il est normal que les détenus puissent aller à l’école et suivre des formations. Il serait tout aussi normal que l’on facilite au maximum les rencontres avec les citoyens que nous sommes à des horaires qui pourraient être un peu mieux aménagés qu’ils ne le sont. Nous nous battons pour que les établissements soient ouverts le samedi matin aux visiteurs de prison, afin que les personnes issues du monde du travail puissent entrer en prison et témoigner de ce qu’est la réalité sociale ». (ANVP)
« Nous demandons également que la journée de détention soit allongée, car, travaillant, nous pourrions rencontrer les détenus en soirée. A signaler que nous sommes empêchés de rencontrer les détenus en centre de semi-liberté car ils ne sont pas présents dans la journée, alors qu’ils auraient besoin d’avoir des contacts avec des personnes comme nous ». (présidente de l’ANVP)
Or il est tout à fait fondamental que ces associations restent un reflet le plus fidèle possible de la société civile. L’aménagement des horaires de visite pour ces associations doit être une priorité de l’administration pénitentiaire.
Il faut également citer dans une conception bien évidemment beaucoup plus large que le bénévolat, le dévouement attentif des aumôniers ; il paraît étonnant à cet égard que l’existence des aumôniers ne soit mentionnée dans le code de procédure pénale qu’au chapitre des actions de préparation à la réinsertion des détenus. L’assistance spirituelle va bien au-delà de cette mission, certes indispensable, de réinsertion et une reconnaissance plus claire de la liberté religieuse, dégagée de toute finalité matérielle, serait souhaitable. Il paraît également indispensable d’affirmer l’égalité de toutes les religions ; il semblerait en effet, sans que ces affirmations aient pu être véritablement étayées, que les musulmans aient davantage de difficultés pour pratiquer leur religion.

e) le développement des médiations citoyennes

L’idée, inspirée du système en vigueur au Pays de Galles et en Angleterre, a été développée dans le rapport de la commission présidée par M. Guy Canivet, Premier Président de la cour de cassation, sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires. Les délégués du médiateur des prisons auraient pour mission d’effectuer des visites d’établissements pénitentiaires et de rencontrer des détenus ou des membres du personnel pénitentiaire.
Citoyens ordinaires, ils disposeraient pour accomplir leur tâche du pouvoir de se déplacer librement dans la prison grâce à la remise d’un trousseau de clés qui leur serait propre. Ils recevraient les requêtes orales ou écrites des détenus et pourraient décider de les traiter avec l’aide de la direction ou de les transmettre au médiateur des prisons, organe supérieur de contrôle.
Toute initiative qui permet de mieux impliquer le citoyen dans l’appréhension de l’univers carcéral, tout en permettant d’apaiser les rapports de force entre personnel pénitentiaire et détenus mérite d’être étudiée avec soin. Elle ne va pas non plus sans soulever de difficultés concernant notamment le choix des personnes désignées comme médiateurs ou la garantie de leur sécurité.