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Rapport Fenech, député du Rhône, avril 2005 : Le placement sous surveillance électronique mobile

II Le placement sous surveillance électronique

Mise en ligne : 14 juin 2005

Texte de l'article :

1. Le placement sous surveillance électronique, un nouvel outil de politique pénale : du PSE au PSEM

1.1 - L’expérience française du placement sous surveillance électronique statique (PSE) : un acquis incontournable

1.1.1 - La présentation du PSE
Le placement sous surveillance électronique a été introduit en droit français par étapes. Il a donné lieu à une expérimentation de plusieurs années dont de nombreux enseignements peuvent être tirés et il fait appel à une technologie nouvelle qu’il convient d’expliciter.

1.1.1.1 - Introduction de la surveillance électronique en droit positif
français

En 1989, le rapport du parlementaire Gilbert BONNEMAISON, consacré à la modernisation du service public pénitentiaire, a évoqué pour la première fois en France le recours au placement sous surveillance électronique. La proposition de recours à cette mesure avait pour objectif principal de limiter la surpopulation carcérale, mais ne donna lieu à aucune mise en oeuvre immédiate. En 1995, la question du placement sous surveillance électronique fut reprise par un autre parlementaire, Guy-Pierre CABANEL, dans un rapport intitulé " Pour une meilleure prévention de la récidive ". Après étude des expériences menées à l’étranger, le placement sous surveillance électronique y était envisagé comme un instrument efficace de prévention de la récidive et de lutte contre la surpopulation carcérale. Le placement sous surveillance électronique fut consacré en droit positif français par la loi du 19 décembre 1997 comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté. Selon les dispositions en vigueur lors du début de l’expérimentation française en octobre 2000, les modalités d’octroi et d’exécution étaient les suivantes (articles 723-7 à 723-14 du code de procédure pénale) :
- Le placement sous surveillance électronique est décidé par le juge de l’application des peines, de sa propre initiative, à la demande du procureur de la République ou à la demande du condamné ;
- Il peut concerner des personnes condamnées à des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an, ou dont la durée totale des peines restant à subir n’excède pas un an, il peut aussi être prononcé à titre probatoire de la libération conditionnelle pour une durée maximum d’un an ;
- Le juge de l’application des peines fixe les périodes d’assignation (jours et heures) et le lieu d’assignation, en prenant en compte les obligations médicales, familiales, professionnelles, ou de formation du condamné.
- Le condamné est tenu de ne pas s’absenter du lieu d’assignation pendant les périodes d’assignation, de répondre aux sollicitations des agents chargés du contrôle et de respecter les mesures éventuellement prononcées en application des articles 132-43 à 132-46 du code pénal. Le placé doit répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l’application des peines ;
- Dans tous les cas, le condamné doit exprimer son consentement à la
mesure ;
- Le retrait de la mesure peut intervenir à la demande du condamné ou dans les cas suivants : manquement aux obligations, inobservation des interdictions, nouvelle condamnation, inconduite notoire ; la décision de retrait est prise en chambre du conseil, à l’issue d’un débat contradictoire.
La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, a étendu la possibilité d’application du dispositif aux personnes placées sous contrôle judiciaire dans le cadre de l’obligation prévue à l’article 138 2° du code de procédure pénale (ne s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d’instruction qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat). Les modalités d’application de cette loi ont fait l’objet du décret n° 2004-243 pris en Conseil d’Etat le 17 mars 2004.
Cette même loi dispose par ailleurs que la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par le décret précité.
La loi n° 2004-204 du 9 Mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, permet le prononcé ab initio du PSE par les juridictions de jugement et prévoit le PSE comme une des trois mesures devant bénéficier aux détenus en fin de peine.

1.1.1.2 - Le dispositif technique
Une expertise des solutions techniques envisageables pour la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique en France a été conduite par un prestataire spécialisé, de septembre 1998 à avril 1999. Après analyse et évaluation des solutions appliquées dans cinq pays étrangers (Etats-Unis, Canada, Suède, Pays-Bas, Angleterre), le prestataire a élaboré des scénarios de mise en oeuvre et présenté des préconisations adaptées à l’institution pénitentiaire.
Le dispositif technique retenu, à l’issue de cette expertise, a fait l’objet d’un arrêté du 1er Juillet 2002 portant homologation du procédé de surveillance électronique pris pour l’application du décret du 3 avril 2002 portant modification du code de procédure pénale et relatif au placement sous surveillance électronique.
Il s’agit d’une surveillance statique effectuée grâce à un système à émission continue, qui fait appel à trois constituants :
- Un émetteur, fixé sur un bandeau attaché à la cheville ou au poignet de la personne assignée : le bracelet électronique ;
- Un récepteur, placé au lieu d’assignation, consistant en un boîtier relié à une ligne téléphonique et au secteur électrique ;
- Un centre de surveillance, situé au sein d’un établissement pénitentiaire et regroupant des équipements informatiques et de télécommunications.

L’émetteur, ou bracelet électronique, posé à la cheville ou au poignet du placé, est doté d’une batterie électrique. Il émet automatiquement des signaux radios de présence, très fréquents, d’une portée de quelques dizaines de mètres. En cas de rupture du bandeau ou de baisse de charge de la batterie, il émet des signaux d’alarme spécifiques. Il est étanche et anallergique. La personne assignée le porte en permanence pendant toute la durée de sa peine.
Le récepteur, installé au lieu d’assignation, capte et décode les signaux émis par le bracelet électronique porté par la personne assignée. Si le niveau de réception des signaux émis par le bracelet devient trop faible ou inexistant pendant les horaires d’assignation, ce qui traduit l’absence de la personne assignée de son lieu d’assignation, le récepteur envoie automatiquement, via la ligne téléphonique, un message au centre de surveillance. Ce dernier détermine alors si l’absence est licite ou non, en fonction des horaires d’assignation préalablement fixés par le juge.
Le récepteur dispose d’une batterie de secours qui lui assure, en cas de
défaillance du secteur électrique ou de débranchement intempestif, une autonomie de fonctionnement d’au moins douze heures. Il comporte une possibilité de réglage du périmètre de l’assignation, en fonction de la configuration des lieux (studio, pavillon, foyer ...).
Certains types de récepteurs, dits “cellulaires”, ont dans leur boîtier un appareil de téléphonie mobile doté d’une carte prépayée par l’administration et pouvant communiquer seulement avec l’établissement pénitentiaire. Ils permettent le placement des personnes ne disposant pas de ligne téléphonique.
Le centre de surveillance centralise les messages en provenance des récepteurs situés dans la zone géographique couverte. Il identifie les types d’alarme et les personnes assignées qui en sont à l’origine. Il peut procéder, via le réseau téléphonique, à des opérations de contrôle automatique du fonctionnement des récepteurs.
Le logiciel de gestion est un élément crucial de la chaîne de surveillance
électronique. C’est par lui que transitent toutes les fonctions. Il gère les fichiers des personnes assignées et des responsables qui les suivent. Il reçoit et traite toutes les informations et pilote les échanges entre tous les intéressés.
Des évaluations ont été conduites, en 2002, sur les quatre premiers sites pilotes du placement sous surveillance électronique et ont conclu, au plan technique, à un bon niveau de fiabilité et de sécurité des systèmes de surveillance électronique fournis par les deux entreprises prestataires.

1.1.1.3 - Expérimentation et mise en oeuvre
En avril 2000, quatre sites pilotes ont été retenus par le Garde des Sceaux pour conduire une première phase d’expérimentation du placement sous surveillance électronique : les établissements pénitentiaires d’Agen, d’Aix Luynes, de Loos les Lille et le centre de semi-liberté de Grenoble.
Conformément au principe d’expérimentation, et afin de pouvoir évaluer différentes solutions possibles, chaque site pilote a choisi les logiciels et les appareils de surveillance qui lui paraissaient les mieux adaptés localement et a déterminé ses propres procédures de mise en œuvre et d’organisation de travail.
En 2002 l’expérimentation s’est étendue à une dizaine de sites de manière à ce que chaque direction régionale de l’administration pénitentiaire bénéficie d’une expérience du placement sous surveillance électronique pour aborder avec succès la phase de généralisation prévue à partir de 2004.
Actuellement, les modalités d’application du placement sous surveillance électronique sont les suivantes :
Les personnes placées sous surveillance électronique, si elles ne sont déjà détenues, commencent par subir les formalités d’écrou (sauf en matière de contrôle judiciaire).
La saisie informatique des données du lieu et des périodes d’assignation est effectuée par le personnel de l’établissement pénitentiaire d’écrou en application des dispositions de la décision ayant prononcé la mesure.
Ces données peuvent être modifiées sur décision de l’autorité judiciaire.
Les opérations de pose et dépose des appareils de surveillance électronique ainsi que, d’une manière générale, tous les contrôles et interventions à caractère technique qui s’avèrent nécessaires aux lieux d’assignation, sont effectuées, sous la responsabilité du chef d’établissement pénitentiaire, par des personnels de surveillance dûment formés.
PSE et contrôle :
Si une alarme laissant présumer l’absence irrégulière se déclenche, les agents de l’établissement pénitentiaire effectuent les premières vérifications au moyen de plusieurs appels téléphoniques. Si l’absence irrégulière est confirmée, le parquet du tribunal de grande instance concerné en est informé ainsi que le juge de l’application des peines compétent et le service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Le parquet du tribunal de grande instance peut à tout moment, requérir l’intervention des services de police ou de gendarmerie pour constater en flagrance l’absence irrégulière au lieu d’assignation. Cette saisine du chef d’évasion n’est pas systématique et est appréciée en fonction des éléments propres à chaque situation.
Des protocoles ont été signés entre autorités judiciaires et pénitentiaires locales, pour définir les procédures à suivre. Une circulaire dédiée au PSE est actuellement en cours de rédaction afin d’homogénéiser les pratiques.
PSE et accompagnement socio-éducatif : Un suivi social des personnes assignées est effectué par des travailleurs sociaux, sous la responsabilité du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Ce service est également chargé de conduire, à la demande du tribunal de grande instance, les enquêtes préalables aux décisions de placement sous surveillance électronique. Le service pénitentiaire d’insertion et de probation tient le juge informé du suivi de la mesure et, dans les cas visés à l’article 723-13 alinéa 1 (inobservation des interdictions et obligations, inconduite notoire, nouvelle condamnation, refus par le condamné d’une modification) un rapport est immédiatement adressé à ce magistrat.
Les frais de communications téléphoniques entre le récepteur et le centre de surveillance (appels automatiques de contrôle, appels de transmission des alarmes) sont actuellement à la charge du placé mais il est prévu, de transférer cette charge à l’administration pénitentiaire.
Le coût journalier d’un placement sous surveillance électronique est d’environ 11€ alors que le coût d’une journée de détention est d’environ 60€.
L’expérience française du placement sous surveillance électronique, menée depuis 2000, a révélé un outil au service de l’aménagement de la peine lui,
bien qu’ayant connu un début difficile, a su vaincre la majorité des réticences.

1.1.2. - Le bilan du PSE
Les acteurs du placement sous surveillance électronique ont vu progressivement dans cette mesure un nouvel outil d’aménagement de la peine qui en permet une réelle individualisation et une exécution effective.
Il ressort de l’expérience française qu’un des facteurs essentiels de réussite d’un placement sous surveillance électronique, est l’accompagnement socio-éducatif du placé pendant toute l’exécution. Cette mesure connaît aussi des limites au delà desquelles les bénéfices recueillis perdraient de leur pertinence. En développant cet outil, la France suit un mouvement qui est commun à de nombreux pays occidentaux.

1.1.2.1. - De la défiance à la confiance
L’adoption de la loi n°97-1159 du 19 décembre 1997 a fait l’objet de résistances idéologiques et ce n’est que trois ans après la publication de la loi qu’ont débuté en France les premières expériences de surveillance électronique.
Le caractère stigmatisant du bracelet a été critiqué jusqu’à être comparé au boulet du bagnard.
L’apparition de la technologie dans l’exécution de la peine a fait craindre une déshumanisation du contrôle.
Le lieu d’assignation étant la plupart du temps le domicile du placé, il a été reproché au placement sous surveillance électronique d’être une intrusion dans l’espace privé.
Aujourd’hui, ces critiques se sont estompées au vu des avantages retirés par les bénéficiaires et du travail d’accompagnement et de suivi mené par les services pénitentiaires.
Le caractère novateur de cet aménagement de peine, qui évite au condamné les effets néfastes et délétères de l’incarcération et lui permet de maintenir des liens familiaux et de conserver une activité professionnelle, a emporté la conviction des plus réticents comme en témoignent les articles de presse qui paraissent régulièrement sur le sujet (Cf. revue de presse en annexe).
Les réponses à un questionnaire distribué aux premiers porteurs de bracelets dans l’un des sites pilotes ont confirmé la préférence des condamnés pour l’exécution de leur peine sous surveillance électronique plutôt qu’en détention. Elles ont également mis en évidence la relation différente qui s’instaurait entre le condamné sous surveillance électronique et le personnel pénitentiaire.
Elles ont aussi posé les limites de la mesure, notamment en ce qui concerne la durée, en raison de la contrainte imposée par les horaires d’assignation et de la difficulté pour les placés de " cacher " à leur entourage l’exécution de la sanction ; ainsi les prétextes invoqués par les placés pour refuser les invitations à sortir ou l’obligation de rentrer au domicile dès la fin de la journée de travail, créent des situations très difficiles " à tenir " dans la durée.

1.1.2.2 - Une réelle individualisation de la peine
Le placement sous surveillance électronique permet de prévoir des horaires d’assignation en fonction des obligations sociales du placé (travail de nuit, poursuite de la vie familiale). La peine peut être exécutée par le placé dans son propre environnement, en gardant ses contacts sociaux et familiaux.
Les juges de l’application des peines ont très rapidement utilisé les possibilités qu’offre la souplesse du dispositif ; ainsi, après un temps d’observation, si les obligations sont respectées par le condamné, des permissions de sortir pour motif familial sont souvent accordées les week-ends.
Cette faculté d’exécution progressive de la peine avec un assouplissement vers la liberté, confère une valeur pédagogique à la mesure, montrant au condamné les avantages qu’il peut retirer du " respect des obligations ordonnées par le juge".
Ce travail d’accompagnement vers la réinsertion trouve une réelle signification lorsque le placé ayant plusieurs mois à exécuter sous PSE et ayant respecté " son contrat " obtient le bénéfice d’une libération conditionnelle pour terminer sa peine : la surveillance électronique disparaît au profit du seul suivi socio-éducatif accompagnant l’intéressé jusqu’au terme de l’exécution de la sanction.
Les juges de l’application des peines se sont appropriés la mesure puisqu’au 1er janvier 2003 il y avait 90 placements en cours, 304 au 1er janvier 2004, et 714 au 1er janvier 2005. Depuis le début de l’expérimentation, 5344 personnes écrouées ont été placées sous surveillance électronique à la date du 1er Avril 2005.

1.1.2.3 - Une véritable peine
En terme d’exécution des peines, le placement sous surveillance électronique est un outil nouveau d’aménagement des peines privatives de liberté pour le juge de l’application des peines. Il a des effets structurants et éducatifs pour certains publics mais aussi des obligations contraignantes.
Pour Monsieur Jérôme HARNOIS, directeur de la maison d’arrêt d’Epinal, la personne sous surveillance électronique doit faire face à une véritable sanction qui permet néanmoins d’éviter la rupture de la vie sociale. Le condamné devient un acteur responsable de l’exécution de sa peine. La contrainte des horaires de présence au lieu d’assignation nécessite, en effet, de bien s’organiser, de planifier son temps. Cette mesure amène les personnes à se prendre en charge et à assumer leurs responsabilités.
Selon Madame Elisabeth GABELLA, responsable du pôle PSE à la direction de l’administration pénitentiaire, il existe actuellement dans le cadre de la mesure de placement sous surveillance électronique statique, un contrat moral entre l’institution judiciaire et le condamné, ce contrat a une valeur pédagogique, il doit mener vers une réinsertion et une réussite. Ainsi conçu, le PSE a vocation à prévenir la récidive.

1.1.2.4 - Un nécessaire accompagnement socio-éducatif.
La mise sous PSE n’est pas seulement un moyen de surveillance mais une prise en charge globale de la personne. Le placé est suivi pendant tout son aménagement de peine par le service pénitentiaire d’insertion et de probation qui contrôle le respect des obligations et aide le placé à les respecter.
La double mission du service d’insertion et de probation prend ici toute sa mesure : donner les moyens d’une réinsertion en évitant la rupture des liens sociaux et s’assurer de la bonne exécution de la peine.
Monsieur Patrice MOLLE, directeur de l’administration pénitentiaire, estime que l’accompagnement est essentiel et indispensable afin de suivre l’évolution du condamné dans un but de réinsertion et de prévention de la récidive.
La technique n’est qu’un outil de l’aménagement de peine et non une fin en soi. Il faut éviter l’écueil d’une technicité qui aurait comme corollaire le risque d’un désinvestissement de l’humain tant il est clair que le suivi est indispensable à la réussite de la mesure.
Monsieur Michel PERRETI, directeur du service d’insertion et de probation du Val d’Oise confirme que le suivi de la personne placée sous surveillance électronique est primordial : il faut une réaction après chaque incident car s’il faut aider le placé à gérer la pression psychologique, il faut également le maintenir sous cette pression.
L’avis du service pénitentiaire d’insertion et de probation permet de pouvoir évaluer en amont la capacité qu’auront le futur placé et son entourage à " tenir " la mesure.
Cette évaluation n’est pas psychiatrique mais sociale.
Elle est réalisée par des travailleurs sociaux qui ont une vision globale de la
situation.
Monsieur M. PERRETI, considère que la plupart des conseillers d’insertion et de probation ont une vision clairvoyante des situations et que l’étape de la visite à domicile lors de l’enquête est déterminante pour la réussite de la mesure.

1.1.2.5 - Les limites du recours à cette mesure
Le PSE est une mesure à durée limitée : il est fréquent que les incidents débutent au bout de 6 mois car la pression et les contraintes sont trop fortes.

Les études sur le placement sous surveillance électronique démontrent que cet aménagement de peine peut rarement durer plus de 4 à 5 mois. Au delà, la pression devient telle que les personnes placées sous surveillance électronique ont tendance à commettre des violations de leurs obligations.
Le placement sous surveillance électronique ne convient pas à tous les
condamnés car il nécessite un minimum de structuration et un environnement favorable à la bonne exécution de la mesure.
L’enquête préalable menée par le SPIP a vocation à déterminer si le placement sous surveillance électronique est adapté au profil du placé et si l’environnement au lieu d’assignation est de nature à l’accompagner positivement dans l’exécution de sa peine.
Les placés doivent intégrer " les barreaux d’une prison mentale " et finissent par vivre avec " une horloge dans la tête ".
Le respect des contraintes n’est plus imposé par l’administration mais par la personne elle-même, ce qui peut s’avérer difficile pour certaines personnes " déstructurées ".
Monsieur Patrice MOLLE a précisé lors de son audition qu’" après quelques temps en placement sous surveillance électronique, il est parfois plus facile de retourner en prison ".
Selon les études menées auprès des premiers placés, ce n’est pas le port du bracelet qui est difficile à supporter dans la durée mais la contrainte imposée par le respect des horaires d’assignation.
La plupart des condamnés qui ont bénéficié du placement sous surveillance électronique n’étaient pas détenus au moment de l’exécution de la mesure, mais ont obtenu cet aménagement de peine dans le cadre de l’article 723-15 du code de procédure pénale.
Le placement sous surveillance électronique ne s’est pas révélé comme étant, encore aujourd’hui, le meilleur moyen de lutte contre la surpopulation carcérale, sauf à le voir se généraliser dans l’avenir.
En revanche il s’est déjà avéré être un mode d’exécution de la peine qui, doublé d’un accompagnement social fort, permet au condamné de bénéficier d’une rééducation vers la reprise en main de sa vie en société.

1.1.2.6 - Les expériences étrangères du PSE statique


Si le placement sous surveillance électronique statique peut servir de base d’analyse pour envisager le développement du placement sous surveillance électronique mobile, ce dernier possède des caractéristiques propres.

1.2. - Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)
offre de nouvelles perspectives

Le placement sous surveillance électronique a introduit avec succès le recours à la technologie dans l’exécution de la peine, ouvrant la voie à une nouvelle conception des peines restrictives de liberté. Bénéficiant des évolutions de la technologie, le placement sous surveillance électronique mobile constitue un prolongement du placement sous surveillance électronique et offre de nouvelles perspectives en matière de peines.

1.2.1. - Le dispositif technique
Avant de procéder à l’étude du fonctionnement de dispositifs de placement sous surveillance électronique mobile mis en œuvre à l’étranger, comme l’y invitait la lettre de mission du Premier ministre, la mission s’est faite présenter le dispositif technique en procédant à l’audition de représentants de sociétés commerciales spécialisées dans la fabrication de ce type de matériels (On Guard + ; Elmo-Tech ; Premier Geografix), dans le développement de logiciel informatique (Group 4 Securicor) et dans la téléphonie mobile (Bouygues Telecom).
Alors que le placement sous surveillance électronique statique permet de savoir qu’une personne est en un lieu donné pendant des périodes prédéterminées, le PSE mobile permet de savoir, à chaque instant et en tous lieux, où elle se trouve.
Le placement sous surveillance électronique mobile permet, en outre, aux services de l’administration pénitentiaire de notifier immédiatement au porteur du bracelet une violation de ses obligations, ainsi que, si nécessaire, aux services de police d’intervenir rapidement.

1.2.1.1. - Le système
Les sociétés sollicitées proposent des matériels sensiblement différents qui
reposent néanmoins sur un système identique. Les solutions présentées font appel au réseau satellitaire GPS (" global positioning system "), fondé et contrôlé par le Ministère de la Défense des Etats-Unis. Le système GPS permet de localiser tout individu porteur de l’équipement
nécessaire avec une précision d’environ 10 mètres. Pour des raisons stratégiques, le Pentagone est seul bénéficiaire d’une précision supérieure pour des applications militaires.
Le développement du système européen de radio-navigation par satellite GALILEO, dont l’entrée en service est prévue en 2008 ou en 2010, devrait permettre de s’affranchir du monopole des Etats-Unis et d’obtenir une meilleure précision, notamment en ce que les Etats européens pourront donner accès, pour certaines applications, à des données s’approchant de celles dont le degré de précision sera réservé aux militaires.
Les fabricants de matériel ont indiqué à la mission que la technologie qu’ils ont développée sera compatible avec le futur système européen.
Les ondes GPS ayant un rayonnement plus faible que les ondes GSM, dans les situations où les premières ne pourront plus être captées (à l’intérieur d’un bâtiment, en souterrain), les secondes seront utilisées à titre de relais.
Dans cette hypothèse, elles offrent toutefois un degré de précision moindre (50m en zone urbaine, 500 m à 1 km en zone rurale).
Néanmoins, ce double mode de localisation n’empêche pas l’existence de zones d’ombre qui ne sont accessibles ni aux ondes GPS ni aux ondes GSM (phénomène de " cage de Faraday ").
Le principe utilisé pour la localisation est celui d’un double mode de positionnement GPS et GSM (" global service mobil ") fondé sur le principe de la triangulation des signaux émis par les antennes des satellites pour le réseau GPS et/ou des antennes téléphoniques pour le réseau GSM.
Le récepteur GPS-GSM calcule la distance qui le sépare de satellites ou d’antennes en se basant sur le temps de transmission des signaux. La localisation est ensuite calculée à partir de la distance d’éloignement de trois satellites. Un quatrième satellite permet éventuellement de déterminer l’altitude.
Ces informations sont ensuite transmises à un logiciel de surveillance par le réseau de téléphonie mobile GSM, soit par son fonctionnement classique avec facturation du coût de la communication, soit par le mode GPRS avec facturation du coût, plus économique, de la quantité d’informations transmise.
Le logiciel de surveillance, géré par un prestataire de service privé, intègre un fichier nominatif des personnes placées sous surveillance électronique mobile. Il permet de déterminer et de contrôler tous les paramètres du programme de surveillance propre à chaque placé.
Ce programme peut comprendre des horaires d’assignation à domicile (zones d’inclusion) et des zones d’exclusion associant éventuellement des horaires pour ces exclusions. Le logiciel permet de surveiller jusqu’à 50 zones d’exclusion.
Ces zones d’exclusion, qui sont définies par l’autorité judiciaire, en fonction des faits commis par le condamné, peuvent par exemple concerner des lieux accueillant des enfants (écoles, centres de loisirs...), des lieux fréquentés par la victime (domicile, lieu de travail, centres commerciaux,...), des lieux sensibles en matière de délinquance (trafic de stupéfiants, prostitution...).

1.2.1.2. - Les différents matériels proposés sur le marché
Les solutions techniques proposées par les différents prestataires se distinguent quant à la composition du matériel de surveillance.

- Le premier système (Elmo Tech et Premier Geografix), représenté ci-dessus est composé de 3 éléments :
• Un bracelet émetteur à porter à la cheville ou au poignet
• Un boîtier récepteur portable
• Un boîtier récepteur statique
Le bracelet utilisé est du même type que le bracelet statique. Son poids varie de 75 à 150g. Il est porté au poignet ou à la cheville et doté d’une batterie non rechargeable d’une durée de vie de 36 mois.

Il émet en permanence un signal radio qui est capté par le boîtier récepteur porté à la ceinture lors des déplacements de la personne.
Ce récepteur dispose d’une fonctionnalité permettant au centre de surveillance de communiquer des messages SMS que le porteur peut lire sur l’écran du récepteur.
Une touche actionnée par pression permet à la personne surveillée d’accuser réception du message.
A ce stade de la technologie, la personne sous surveillance électronique mobile ne peut pas encore communiquer par messages SMS ou par téléphonie avec le centre de surveillance. Cette possibilité est néanmoins envisagée à court terme.
Un troisième récepteur, placé au domicile de la personne, complète la surveillance mobile et prend éventuellement le relais du récepteur mobile qui peut alors être soit mis en veille, ce qui permet d’en économiser la batterie, soit branché afin d’être rechargé. Cette opération nécessite de 3 à 5 heures suivant le matériel et donne au boîtier mobile une autonomie d’une journée environ.
- Le deuxième système disponible (On Guard) est composé d’un seul appareil, comprenant à la fois l’émetteur, le récepteur et une batterie.
Ce système, qui serait actuellement testé aux Etats-Unis, présente toutefois l’inconvénient majeur de devoir recharger la batterie sans qu’il soit possible de la dissocier de son support.
Cela implique que pendant le temps nécessaire à la charge de la batterie, la personne soit directement reliée, par l’intermédiaire d’un fil électrique, à une prise de courant.
En dépit d’un temps de recharge évalué à 30 minutes, la situation dans laquelle se trouve la personne porteuse de ce dispositif est de nature à exclure le recours à ce type de matériel.
Les deux systèmes sont équipés de dispositifs de sécurité qui réagissent à toute tentative de détérioration ou d’évasion (fibre optique et détecteur de chaleur à l’intérieur du bracelet, détecteur de proximité pour les boîtiers récepteurs, ...).
Les deux systèmes proposent les trois modes de surveillance suivants :
- le mode passif, qui surveille et enregistre les éléments relatifs au déplacement du sujet en temps réel, mais suivant une géolocalisation passive, qui relaie ces informations à un centre de contrôle au moment où le dispositif communique ces données en appelant à une heure prédéfinie, utilisant la technologie du GSM. Les informations sont transmises rétrospectivement, et indiquent, de ce fait, à quels endroits la personne s’est rendue depuis la dernière transmission.
- Le mode semi-actif ou hybride, qui fonctionne de la même manière que
le mode passif, à l’exception de la transmission d’une alerte en temps réel
au centre de contrôle, de toute violation des obligations, des horaires et
des zones d’exclusion commises par la personne. Les informations sont
fournies sous forme de tracés de localisation sur une carte géographique
visualisable sur un écran d’ordinateur, avec un niveau de détail qui montre
à l’opérateur, dans quelle rue, dans quelle direction et avec quelle vitesse
la personne surveillée se déplace.
- Le mode actif, qui surveille et transmet en temps réel toutes les informations au centre de contrôle.
Il ressort des auditions des représentants des sociétés commerciales que le mode actif n’est utilisé qu’exceptionnellement. En effet, le fonctionnement de ce système nécessite une mobilisation permanente, 24H sur 24, 7 jours sur 7, de l’ensemble de la chaîne de traitement de l’information (opérateurs du logiciel de surveillance, agents de l’administration pénitentiaire, services de police) pour assurer un suivi en temps réel des déplacements de toutes les personnes surveillées. En outre, le coût très élevé de ce système est encore augmenté du coût des communications GSM nécessaires à une transmission toutes les 2 minutes des informations de localisation.
Le système semi actif est celui qui obtient la faveur de la plupart des utilisateurs.
Il permet en effet d’assurer une surveillance efficace en alertant en temps réel le personnel chargé de la surveillance du déclenchement d’une alarme de violation.
Les déplacements du porteur apparaissent sur une carte dont le degré de précision a une influence sur le coût du dispositif.
Bien que les prestataires affirment proposer des systèmes sécurisés, une étude concernant la fiabilité et le degré de sécurisation des systèmes pourrait être confiée à la direction centrale de la sécurité des systèmes d’information du secrétariat général de la défense nationale qui a déjà évalué la sécurité du dispositif du placement sous surveillance électronique statique.
Cette évaluation sera d’autant plus souhaitable que les placés présenteront un caractère de dangerosité accrue.

1.2.1.3 - Le dispositif utilisable en France
Concernant le mode de surveillance, il paraît opportun d’envisager le mode
hybride ou semi actif qui consiste en une transmission en temps réel de certaines informations prédéterminées (les alarmes notamment) et en une transmission en temps différé des autres éléments de la surveillance.

1.2.1.4 - La question du coût
Souvent présenté comme prohibitif par les personnes les plus réticentes au
placement sous surveillance électronique mobile, le coût de ce dispositif pourrait en définitive se rapprocher du coût journalier de détention (60 euros par jour), voire être inférieur, en fonction du degré d’externalisation choisi.
Ces coûts varient selon les entreprises consultées. Ils s’échelonnent de 8€ à 150€ par jour en passant par 16, 35 et 41€.
Dans l’expérience britannique menée actuellement, le coût journalier par émetteur est de 68 £ (98,7€) pour un coût de journée de détention de 40£.
Aux Etats-Unis (Floride), où le système est mis en œuvre depuis 1998, le coût journalier par émetteur est de 10 à 13 $ pour un coût d’environ 50 $ pour une journée de détention.
Au coût du matériel seront ajoutés des coûts en ressources humaines de
l’administration en fonction du degré d’externalisation. Ainsi, à la différence de l’Etat de Floride, l’Angleterre a confié la totalité du processus de surveillance à des sociétés privées.
A titre d’exemple, pour le placement sous surveillance électronique statique, les ressources humaines de l’administration pénitentiaire nécessaires à sa mise en œuvre représentent entre 40 et 50% du coût de la mesure
.
1.2.2 - Les expériences étrangères
Afin d’étudier le fonctionnement du dispositif, la mission a effectué trois
déplacements à l’étranger, chronologiquement au Royaume-Uni, en Floride (Etat-Unis) et en Espagne.
Il convient de souligner que la mission a reçu un excellent accueil de la part de toutes les autorités des Etats visités qui ont facilité les rencontres avec
l’ensemble des institutions en charge de cette mesure.

1.2.2.1. - L’Angleterre et le Pays de Galles
Les premières expériences pilotes de surveillance par bracelet électronique statique (tagging) ont débuté en 1989 pour les personnes poursuivies et libérées sous caution avant jugement.
La mesure est officiellement entrée en vigueur en Angleterre et au Pays de Galles en janvier 1999.
Les personnes susceptibles de bénéficier d’un bracelet électronique statique sont définies par les différents programmes existants. Ils concernent :
- les majeurs et les mineurs (de 10 à 17 ans) libérés sous caution ;
- les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement comprise entre trois mois et quatre années, lorsqu’elles ont exécuté la moitié de leur peine, peuvent effectuer la dernière partie de leur peine sous le régime du " home detention curfew ". Elles sont alors placées sous surveillance électronique, au moins 9 heures par jour, pour une durée variant de 2 semaines à 2 mois. Le Home Secretary, qui décide de cette mesure d’aménagement de fin de peine, dispose du pouvoir de la révoquer en cas de violation des obligations ;
- les majeurs et les mineurs (de 10 à 17 ans) faisant l’objet d’une ordonnance de " couvre-feu " (curfew order). Dans ce cas, le tagging n’est pas une alternative à l’emprisonnement mais une peine autonome. Cette peine, qui est perçue comme une véritable sanction par l’opinion publique, oblige le délinquant à respecter pendant 6 mois une assignation à résidence de 2 à 12 heures par jour ;
- les mineurs (de 10 à 17 ans) faisant l’objet d’une ordonnance d’emprisonnement et d’éducation ;
- les condamnés libérés sous caution.
Au 31 janvier 2005, 192 804 personnes avaient été placées sous surveillance électronique statique depuis le début de la mesure en janvier 1999.
Au 31 janvier 2005, 10 334 personnes faisaient l’objet d’une surveillance électronique statique en cours d’exécution, dont 10% sous contrôle judiciaire, 60% sous " curfew orders " et 30% sous " home detention curfew ".
Les autorités britanniques ont précisé à la mission que le placement sous surveillance électronique avait mis plusieurs années pour être accepté par les juges et les différents acteurs concourant à la procédure judiciaire ainsi que par l’opinion publique.
Aujourd’hui, le placement sous surveillance électronique est une mesure qui fait pleinement partie du champ de la procédure pénale et de la peine.
Il en est ainsi particulièrement pour les mineurs pour lesquels la surveillance électronique présente des effets structurants, au regard de leur réadaptation à une vie sociale.
Les prévisions pour la période 2004/2005 font état d’un total de plus de 50 000 personnes qui seront placées sous surveillance électronique en Angleterre et au Pays de Galles.
Ayant constaté les résultats positifs du bracelet électronique statique, et afin de pouvoir disposer des nouvelles possibilités offertes par la technologie, le Gouvernement britannique a décidé en 2004 de mettre en œuvre une expérimentation du bracelet électronique mobile. La mise en place de ce programme a bénéficié d’un budget de 3 000 000 £.
Cette phase expérimentale, qui a débuté en septembre 2004, concerne trois sites pilotes (Greater Manchester, Hampshire, West Midlands) disposant chacun d’une capacité de 40 personnes. Elle vise les délinquants majeurs auteurs de violences intra-familiales ou d’agressions sexuelles ainsi que les mineurs ayant des " comportements anti-sociaux " et qui sont soit multirécidivistes (au moins 6 condamnations) soit déjà condamnés à un programme de contrôle judiciaire intensif (intensive control and change program).
En complément de l’évaluation faite par les services du Home Office, l’université de Cunningham a été retenue pour procéder à une évaluation indépendante de l’expérimentation. Ses résultats sont attendus en fin de l’année 2005.
72 personnes étaient sous surveillance électronique mobile, dont 3 délinquants sexuels, au moment où la mission a effectué son déplacement.
Comme pour le bracelet statique, le placement sous bracelet électronique mobile ne peut se faire qu’avec le consentement de la personne. La duré maximale de mise sous surveillance est de 2 ans pour les majeurs et de 3 mois pour les mineurs (10 à 17 ans). A ce stade de l’expérimentation, les durées les plus longues observées varient de 3 à 6 mois.
Le Gouvernement britannique a choisi trois sociétés privées pour mettre en œuvre cette expérimentation. Il s’agit de Home Office Securicor Justice Services Ltd, de Premier Monitoring Services Ltd et de Reliance Secure Task Management Ltd.
Le programme prévoit de tester les modes de surveillance passif et semi actif.
Les autorités britanniques ont précisé à la mission que la mise en œuvre du bracelet électronique mobile implique une nouvelle conception des méthodes de travail pour les agents de probation ainsi que pour les agents de police. Cette évolution est toutefois favorisée par le fait que le Home Office regroupe institutionnellement, la police et l’administration pénitentiaire.
L’expérimentation prévoit en effet de confier une grande partie du travail de surveillance aux sociétés privées. Celles-ci sont chargées de réaliser les études de faisabilité, de procéder à la pose du bracelet, comme la mission a pu l’observer concrètement au domicile d’un condamné, d’assurer la gestion du logiciel ainsi que sa maintenance, de procéder à la surveillance 24h sur 24 et, en fonction du niveau de gravité d’alarme, soit d’intervenir directement au domicile de la personne, soit d’informer l’agent de probation dans les cas les plus graves. Il appartient alors à l’agent de probation, suivant un protocole spécialement établi, de prendre attache avec les services de police pour déterminer le type d’intervention nécessaire.
Les principaux points qui ont été soulignés après quelques mois d’expérimentation sont les suivants :
- L’évaluation de l’effet dissuasif du placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être faite qu’en fin d’expérimentation, notamment grâce à l’évaluation universitaire. Toutefois, des modifications du comportement de certains condamnés ont déjà été observées. Il s’agit d’éléments encourageants pour lutter contre la récidive ;
- Le coût actuel de 68 £ par jour et par personne devrait sensiblement être diminué par l’utilisation du mode GPRS dans la transmission des informations au logiciel ;
- Les applications du bracelet électronique mobile valorisent le travail de l’agent de probation. En effet, celui-ci dispose d’un formidable outil d’information lui permettant d’une part de renforcer son positionnement par rapport au condamné et d’autre part d’adapter le programme de réinsertion en fonction de l’évolution du comportement du condamné.
Par ailleurs, l’agent de probation est en contact quotidien avec les opérateurs privés ainsi qu’avec les officiers de police.
- Les services de police doivent adapter leur organisation opérationnelle pour être en mesure notamment, dans les cas les plus urgents, de procéder à une interpellation sur la voie publique à la suite du signalement d’un agent de probation.
- Cette situation nécessite une étroite coopération entre les représentants des sociétés privées, l’administration pénitentiaire et la police.
- Le contrat qui lie le Home Office aux sociétés privées a prévu que les services de police pourront disposer d’un accès direct au fichier géré par les sociétés privées. A ce jour, en l’absence d’une base centralisée, cette disposition n’est pas remplie. Toutefois, les services de police peuvent obtenir ces informations par l’intermédiaire de l’agent de probation.
- Les services de police estiment que le bracelet électronique mobile est un outil d’enquête complémentaire, pouvant notamment servir de
discriminant mais aussi susceptible d’être retenu, en complément d’autres indices, comme mode de preuve. Une cartographie figurant en annexe V illustre le parcours d’un condamné sous surveillance électronique mobile tel qu’il peut être disponible pour les agents de police ou les agents de probation. Outre la position géographique, ce document permet de caractériser le sens, la vitesse et l’heure du déplacement.
La mission a noté l’existence d’une véritable volonté politique du Gouvernement britannique de mener à bien cette expérimentation en vue de la généraliser à l’ensemble du pays d’ici à trois ans. Cette volonté se traduit par les moyens importants qui ont été mis en œuvre ainsi que par une information complète de l’opinion publique à travers une campagne de communication lancée dans les médias.
Par ailleurs, une expérimentation du bracelet électronique mobile est également menée par les services de l’immigration, pour placer sous surveillance électronique les étrangers demandeurs d’asile.

1.2.2.2. - L’Etat de Floride aux Etats-Unis (mission conduite à Miami et à Talahassee)
L’Etat de Floride, qui a initié le recours au bracelet de surveillance électronique statique dès 1987 (" House arrest under community control ") consacre chaque année près de 2,5 millions de dollars à la gestion de ce programme. La Floride a été le premier Etat américain à introduire en 1998 le bracelet électronique mobile.
Bien qu’elle demeure en pointe parmi les 40 Etats américains ayant recours à cette mesure, seuls 720 condamnés parmi les 150 000 actuellement placés sous décision de surveillance conditionnelle font l’objet, sur l’ensemble du territoire de l’Etat, du port d’un bracelet électronique mobile ordonné par un juge. Toutefois, ce nombre n’est pas représentatif du nombre de personnes placées sous surveillance électronique mobile puisqu’il ne prend pas en compte les mesures qui peuvent être ordonnées par les sheriffs des comtés.
Malgré le faible coût de la mesure pour la société (de 10 à 13$ par jour contre près de 50$ pour une journée d’incarcération), ce nombre réduit s’explique principalement par le fait que les juges de Floride s’efforcent de cibler les personnes présentant les meilleures garanties d’une adhésion aux contraintes du bracelet électronique mobile et dont la sortie de prison ne fait pas courir un risque majeur pour la société.
Il convient d’indiquer qu’au 30 juin 2004, 69 301 personnes condamnées étaient détenues dans des établissements pénitentiaires relevant de l’Etat de Floride, dont la population s’élève à environ 13 millions d’habitants. Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte les personnes détenues dans des établissements relevant de la compétence de l’Etat fédéral et de celle des sheriffs de comtés, dont les données n’ont pas été communiquées à la mission.
La nature des infractions donnant lieu au prononcé de cette mesure de surveillance recouvre un large champ : Vol, violences contre les personnes (notamment entre époux ou concubins), agressions sexuelles, usage de produits stupéfiants...
Le juge peut ainsi décider que tout ou partie de la condamnation s’effectuera sous la forme d’une astreinte à résidence sous bracelet électronique mobile. En pratique, la plupart des condamnations prononcées sont de nature mixte : une période de détention suivie d’une période de probation (pouvant aller jusqu’à 20 ans), dans le cadre de laquelle le port du bracelet peut être imposé pour une durée n’excédant pas 2 ans.
A cet égard, la mission a pu constater à quel point le port du bracelet électronique s’apparentait réellement à une peine contraignante : dans certains cas, le condamné se voit interdire toute sortie de son domicile, dans d’autres, ses déplacements sont strictement limités à l’exercice d’une activité professionnelle, ses heures de sortie et de retour étant sévèrement contrôlées ; dans la plupart des cas, l’intéressé se voit notifier des zones d’exclusion (domicile de la victime, écoles, centres commerciaux...) répertoriées dans l’ordinateur de contrôle.
Porté à la cheville, le bracelet peut être dissimulé sous les vêtements. Toutefois, le condamné est également astreint au transport d’un boîtier muni d’une antenne, dont le modèle, relativement volumineux, actuellement en service dans l’Etat de Floride le désigne à l’évidence aux yeux des passants et de ses collègues de travail.
Néanmoins, un nouveau matériel, moins encombrant et moins lourd, est actuellement testé par les services de l’Etat de Floride en vue d’une prochaine mise en service.
L’essentiel du marché est fourni par la société PRO-TECH, principal co-contractant de l’Etat, dont le siège social est situé à Tampa. Cet opérateur privé assure l’ensemble des opérations de surveillance et de recueil des données 24h sur 24.
Le système fonctionne à partir d’une base de données nominatives, sécurisée et redondante, couplée à un logiciel informatique permettant d’individualiser les horaires et les zones géographiques définies par le juge ou l’administration pénitentiaire.
En permanence, un opérateur de la société privée est en mesure de répondre au déclenchement d’une alarme, en traitant à son niveau toutes celles qui relèvent d’un dysfonctionnement technique, et en répercutant immédiatement sur les agents de probation celles qui constituent des alarmes de violation.
L’Etat de Floride a souhaité conserver la maîtrise de la réponse devant être apportée aux alarmes de violation. A cet égard, le territoire de l’Etat est divisé en 20 arrondissements pénitentiaires au sein desquels chaque agent de probation est chargé de contrôler, en moyenne, de 15 à 20 condamnés.
Ces agents bénéficient d’une formation spécifique au programme informatique de surveillance, assurée périodiquement par la société privée, conformément aux clauses contractuelles.
En outre, leur formation prend en compte la dimension interprofessionnelle et réactive de leur activité qui les conduit à être quasi-quotidiennement en contact avec le condamné, les opérateurs privés et les services de police.
En effet, la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile a imposé une concertation plus étroite que celle qui avait été retenue pour le PSE, entre les services de probation et la société privée co-contractante. Le PSEM nécessite un paramétrage initial plus complexe que celui du PSE. Il autorise aussi une souplesse de fonctionnement permettant une adaptation rapide à la situation du condamné. Il nécessite enfin une excellente coordination entre les opérateurs privés mettant en œuvre le logiciel et les agents de probation chargés du suivi judiciaire du condamné et du traitement des alarmes de violation.
A cet égard, un système de permanence est assuré par le service de probation qui dispose ainsi d’un agent d’astreinte à domicile en dehors des heures ouvrables.
Cet agent est ainsi en mesure de répondre à un message d’alarme qui lui est transmis par l’opérateur de permanence de la société privée.
Le condamné sous PSEM est régulièrement suivi par un agent de probation qu’il rencontre au moins deux fois par semaine, notamment à son domicile. L’intensité de ce suivi peut être allégée ou accentuée en fonction de l’évolution du comportement du condamné qui peut être vérifiée, notamment par l’examen périodique (2 à 3 fois par semaine en l’absence d’alarme de violation) de ses déplacements.
Enfin, l’une des originalités mises en place en Floride par la société PRO-TECH réside dans une efficace coordination instituée avec les services de police locaux, qui ont passé un contrat pour pouvoir bénéficier des applications du PSEM en matière d’enquête pénale. En effet, ceux-ci transmettent chaque jour à l’opérateur privé la liste des faits criminels constatés, à charge pour l’opérateur de rechercher si un ou plusieurs des condamnés sous probation porteurs d’un bracelet électronique mobile se trouvaient à proximité du lieu de commission des faits. Le rapprochement des données s’effectue grâce à un logiciel spécifique " crimetrax ", qui permet, en outre de déterminer avec précisions les déplacements du condamné, de dresser une carte des zones criminogènes. Il agit ainsi comme un véritable outil d’aide à l’enquête pénale.
Selon les services de police, ce système est particulièrement utile en cas de disparition de mineurs, compte tenu du nombre important de délinquants sexuels recensés dans l’Etat (" sexual predators ", appellation réservée aux délinquants sexuels récidivistes).
Il convient de rappeler que la Floride fait partie des Etats américains imposant le fichage de tous les condamnés pour crime sexuel, chaque citoyen pouvant consulter ce fichier par Internet pour vérifier si l’un d’entre eux réside dans son voisinage.
Comme l’ont rappelé de nombreux interlocuteurs de la mission, le système de surveillance par bracelet électronique mobile n’est réellement efficace que si les violations des obligations sont immédiatement suivies d’effet. La Floride revendique ainsi l’application de la " tolérance zéro " en la matière, le porteur du bracelet électronique se voyant uniquement accorder une période d’adaptation de deux semaines au début de la mesure pour se familiariser avec l’appareil. De nombreuses alertes présentent en effet un caractère mineur, résultant soit d’un problème de fréquence, soit du fait que le condamné se tient parfois trop éloigné du récepteur portable. En revanche, une alarme de violation donne systématiquement lieu à une intervention de l’agent de probation qui pourra, en fonction des circonstances, faire arrêter la personne par les services de police et procéder ensuite à son incarcération avant sa présentation devant un juge.
Au plan fédéral, les représentants de la cour fédérale de Miami ont témoigné d’une approche plus prudente quant à l’utilisation du PSEM, qui fait actuellement l’objet d’une étude de faisabilité.
L’Etat fédéral a uniquement recours au PSE, sur 5000 condamnés fédéraux sous probation en Floride, seuls 138 sont actuellement soumis au port d’un bracelet électronique statique. Les services fédéraux de probation utilisent aussi avec succès la reconnaissance vocale par téléphone pour contraindre un condamné à signaler son arrivée sur son lieu de travail, puis son retour à son domicile.
Tous les interlocuteurs de la mission ont indiqué que pour un coût bien moindre que celui de l’incarcération, le PSEM permettait de garantir le respect d’une mesure de probation imposée à un condamné en l’astreignant à des obligations strictes qui caractérisent aux yeux de l’opinion publique une réelle sanction pénale, tout en favorisant la réinsertion dans la sphère familiale et le milieu professionnel.
Les autorités de Floride considèrent cette mesure comme un grand succès, se manifestant par un taux de récidive bien plus faible que pour les condamnés sous probation simple. Elles soulignent toutefois que cette mesure ne peut être utilisée qu’à l’égard d’un profil bien particulier de délinquant, la tranche d’âge la plus importante des condamnés se situant entre 18 et 25 ans et les criminels les plus dangereux n’étant pas susceptibles d’en bénéficier.


Le tableau comparatif ci-dessus précise, pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, que le pourcentage de révocation à la suite de la commission d’une nouvelle infraction était de 0,5% pour les condamnés sous PSEM alors qu’il s’établissait à 5,2% pour les autres condamnés ne bénéficiant pas de cette mesure.

1.2.2.3. - L’Espagne
L’Etat espagnol, qui a débuté l’expérimentation du placement sous surveillance électronique statique en même temps que la France, a d’ores et déjà mené une réflexion riche et approfondie sur les diverses possibilités de recours à la technologie en matière pénale.
L’Espagne envisage de recourir à 3 technologies différentes :
- La " Pulsera " : PSE statique (1° génération)
- L’authentification vocale (pour la localisation domiciliaire permanente)
- Le placement sous surveillance électronique mobile (2° génération)
Seule la surveillance électronique de type statique (" Pulsera " équivalente au placement sous surveillance électronique statique français) est mise en application actuellement en Espagne depuis avril 2000 pour les condamnés en fin de peine accessibles à la semi-liberté.
Les autres techniques possibles (authentification vocale et PSEM) sont encore au stade de l’étude et sont destinées à d’autres profils de délinquants.
Par ailleurs, la communauté de Madrid met en place actuellement un système de surveillance électronique mobile dans le cadre des conflits conjugaux.

- La " pulsera " :
Elle est prévue par l’article 86.4 du règlement pénitentiaire qui prévoit l’exécution de la peine sous le régime de la semi-liberté et dispose :
" ...en général, le temps minimum de présence dans le centre sera de 8 heures par jour, avec obligation de passer la nuit dans l’établissement sauf quand l’interne accepte volontairement le contrôle de sa présence en dehors du centre pénitentiaire grâce à des dispositifs télématiques appropriés fournis par l’administration pénitentiaire... "
• Une technologie de type PSE classique est utilisée avec le concours de la
société ELMOTECH
• Le consentement de l’intéressé est requis
• La décision est prise par l’administration pénitentiaire après avis de l’administration centrale
• Si les obligations ne sont pas respectées, la mesure peut être retirée. Particularités de l’expérience de surveillance électronique en Espagne :
• La limitation de la durée d’exécution de la mesure n’est pas légalement prévue,
• La durée moyenne du placement sous surveillance électronique est de 226 jours ; cette assez longue durée peut s’expliquer par un temps d’assignation quotidien restreint : tous les week-ends sont libres et en semaine, les horaires d’assignation correspondent aux heures de repos (ex : de 23 H à 6 H),
• Toutes les alarmes sont reçues par le serveur central de Madrid mais chaque centre pénitentiaire pose " ses " bracelets, fait l’enquête préalable et enregistre les horaires d’assignation.
• la localisation domiciliaire permanente :
Une loi de 2003 applicable depuis le 1er octobre 2004 a prévu pour les petits délits une condamnation à une amende et à défaut de paiement, à une peine de " localisation domiciliaire permanente " dont la durée est de 12 jours.
Cette localisation domiciliaire permanente est souvent appliquée par périodes de 2 jours en fin de semaine et contrôlée par un système d’authentification vocale.
Une empreinte vocale du condamné est prise en lui faisant répéter 3 phrases différentes.
Le contrôle se fait automatiquement par un dispositif technique qui émet des appels aléatoires au domicile pendant les jours d’assignation (6 à 8 appels de jour et 2 de nuit). Le système contrôle ainsi la présence de l’intéressé.
Cette technologie a vocation à s’appliquer aux personnes condamnées à de " petits délits " comme les " tags ", les vols d’un montant supérieur à 400€, les supporters sportifs violents pendant les matchs et toutes autres " incivilités "...
La localisation domiciliaire permanente est prononcée ab initio par le juge ; l’administration pénitentiaire propose ensuite un mode d’exécution au juge qui valide ou modifie la proposition.
En cas de non-respect de la localisation domiciliaire permanente, le condamné encourt 6 mois d’emprisonnement.
Le PSE statique a été considéré comme trop onéreux pour des condamnations aussi courtes. La surveillance par authentification vocale revient en effet à 2€ par jour mais nécessite de disposer d’une ligne de téléphone statique.
A défaut, la localisation domiciliaire permanente est contrôlée par des visites aléatoires de la police au domicile du condamné pendant les jours d’assignation.
• Le placement sous surveillance électronique mobile :
Il sera bientôt testé sur 10 détenus condamnés à de longues peines, à l’occasion des permissions de sortir qui leur seront accordées.
Le ministère de la justice espagnol s’interroge sur la fiabilité du système (notamment en ce qui concerne le déclenchement d’alarmes intempestives) et considère qu’une période d’expérimentation est indispensable.
En parallèle, il étudie les possibilités offertes par cette technologie :
- Zones d’exclusion
- Contrôle d’alcoolémie à distance
- Contrôle du suivi des programmes de réinsertion
- Alerte des victimes en cas d’approche du condamné
- Contrôle de la présence des supporters sportifs violents à leur domicile pendant les matchs...
- Suivi des déplacements des détenus au sein même des prisons.
- La mise en oeuvre du recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre des conflits familiaux par la communauté de Madrid :
La loi du 29 décembre 2004, qui prévoit le recours au placement sous surveillance électronique mobile dans le cadre des conflits conjugaux, entrera en vigueur le 29 juin 2005. Elle prévoit uniquement la protection des femmes victimes de violences familiales et permet au juge d’instruction d’avoir recours à la surveillance électronique à titre de mesure de sûreté.
Seule la communauté de Madrid s’est préparée à l’application de cette loi nouvelle alors qu’elle sera bientôt applicable à l’ensemble du territoire et a prévu le dispositif suivant :
- La victime est équipée d’un bracelet électronique mobile ainsi que le condamné,
- Une alarme se déclenche dès que celui-ci s’approche de la victime sans que celle-ci ait besoin de le voir,
- Le système permet d’envoyer des messages tant à la victime qu’au condamné,
- Le coût du matériel est estimé à 8€ par jour,
- La police peut avoir accès aux informations collectées par le système GPS si elle le souhaite. Cela permet également de contrer les plaintes sans fondement des victimes.
En attendant la mise en application du placement sous surveillance électronique mobile, les femmes victimes de violences disposent d’un " bouton d’alarme " qui leur est remis gratuitement par les services sociaux.
Il s’agit d’un appareil qui est actionné par la victime quand elle voit l’agresseur s’approcher. Un appel est alors transmis au centre des urgences.
Le " bouton-panique " fonctionne déjà en Espagne depuis 4 à 5 ans.

1.2.3. - Quelles transpositions possibles pour la France ?

1.2.3.1. - Un dispositif globalement bien accepté
A l’exception de la question de l’éventuelle stigmatisation, qui avait d’ailleurs déjà été soulevée lors de l’introduction du PSE statique, la mission a pu constater que le dispositif technique du PSEM suscite peu de réserves en lui-même, la préoccupation essentielle des personnes auditionnées tenant au cadre juridique choisi.
Pour Monsieur Antoine GARAPON, secrétaire général de l’Institut des Hautes Etudes de Justice, le placement sous surveillance électronique mobile apparaît comme une mesure en adéquation avec son temps pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il s’agit d’une peine réduite à sa fonction qui est d’empêcher de nuire, exempte de toute dimension psychologique, s’apparentant ainsi davantage à une mesure de sûreté.
En second lieu, c’est une peine orientée vers le futur puisqu’elle vise la prévention de la récidive. Elle s’inscrit ainsi dans un mouvement de basculement de la logique de répression vers une logique de prévention.
En troisième lieu, il s’agit d’une mesure tournée vers la protection de la victime qui est l’une des évolutions les plus marquantes de notre droit pénal actuel.
Enfin, le dispositif permet une individualisation plus poussée de la peine puisqu’il rend compte des déplacements de la personne.
Le placement sous surveillance électronique mobile répond aux attentes de nombreuses associations de victimes. Monsieur Jean-Pierre ESCARFAIL, président de l’association pour la protection contre les agressions et crimes sexuels (A.P.A.C.S.) estime que si une technologie permettant de limiter la récidive existe, il serait dommage de s’en priver car à l’heure actuelle, l’opinion publique demande que soit assuré un meilleur suivi des délinquants dangereux et notamment des délinquants sexuels.
Selon Monsieur Patrice KATZ, directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être un outil utile pour les délinquants dangereux notamment les délinquants liés au grand banditisme qui ne sont pas suivis à leur sortie. En effet, ils ne relèvent pas d’un suivi psychiatrique et bénéficient rarement d’un accompagnement par les travailleurs sociaux après leur libération. Or ces délinquants récidivent davantage que les délinquants sexuels.
Par ailleurs, certains services de l’Etat voient dans le placement sous surveillance électronique mobile un outil supplémentaire pour l’exercice de leurs missions.
Le Colonel GADEL, chef du bureau de la police judiciaire à la direction générale de la gendarmerie nationale, considère que se priver du dispositif sous prétexte qu’il pourrait être contourné, serait aussi peu sensé que renoncer à la prison au motif que des condamnés pourraient s’en évader.

1.2.3.2. - L’intérêt du placement sous surveillance électronique mobile
Le bilan du placement sous surveillance électronique statique en France, l’étude des expérimentations menées actuellement dans d’autres pays ainsi que l’audition de nombreuses personnalités qualifiées, ont permis d’envisager des perspectives nouvelles de recours à la technologie en matière pénale, tout en posant des limites aux modalités d’application qui peuvent en être faites.
• La surveillance et la localisation
Le placement sous surveillance électronique mobile permet de surveiller la personne et de collecter des informations sur ses déplacements. Il peut également permettre de la localiser à tout moment.
La surveillance de la personne s’effectue 24 H sur 24 mais cette possibilité n’a pas été mise en œuvre car elle nécessite un contrôle permanent qui génère un coût trop important.
En revanche, le système semi-actif offre la possibilité d’une surveillance suffisante permettant de contrôler les déplacements du condamné à intervalles réguliers et de réagir en quelques minutes à la violation d’une obligation ou d’une interdiction. Cette réaction peut aller d’un message d’avertissement à la personne jusqu’à une intervention de la police en vue de son interpellation, l’administration étant prévenue en temps réel de toute alarme signalant une violation, comme l’entrée du placé dans une zone d’exclusion.
• La protection des victimes : les zones d’exclusion
Le placement sous surveillance électronique mobile permet d’intégrer des interdictions de lieux et de détecter immédiatement le franchissement de cette zone par le placé. Cela peut être particulièrement intéressant lorsqu’une victime est préalablement ciblée comme en matière de violences conjugales.
Plusieurs zones peuvent être interdites comme une maison, une école, un centre commercial mais également une zone plus large comme une forêt ou un département (cas des pyromanes).
• La lutte contre la récidive : aspect psychologique et dissuasif
Le fait de porter en permanence un bracelet et de savoir la localisation possible à tout moment, peut-il avoir un effet dissuasif et éviter la commission d’une infraction ?
Le général Guy PARAYRE, directeur général de la gendarmerie nationale, considère que l’effet dissuasif du placement sous surveillance électronique mobile serait de nature à modifier le comportement du condamné.
Il cite pour exemple l’effet de la mise en place des radars automatiques sur le comportement des automobilistes et considère que tenter l’expérience du bracelet mobile vaut la peine même s’il ne se révélait réellement efficace que sur 50 % des personnes qui y seront soumises.
Le docteur ZAGURY, psychiatre, estime que le plus grand danger en terme de récidive ne provient pas des authentiques malades mentaux mais de personnalités qui se trouvent en situation d’errance, et qui, à la moindre fragilisation (rupture sentimentale, perte d’un emploi), sont susceptibles de passer à l’acte pour retrouver une position dominante.
Selon lui, le suivi et la surveillance qu’implique le placement sous surveillance électronique mobile sont donc de nature à apporter un cadre à de tels individus, à ritualiser leur quotidien et constituent dès lors un frein aux tentations habituelles (drogue, alcool, sorties, errance...).
En revanche, le Docteur Michèle SAVIN, psychiatre au centre pénitentiaire de Liancourt estime que le placement sous surveillance électronique mobile ne peut avoir d’influence que sur les personnes qui n’agissent pas sous le coup de pulsions ou de clivages psychiques. Or elles représentent la majorité des cas des auteurs d’infractions sexuelles.
Monsieur J.M. SALANOVA, secrétaire général du syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale, considère que le placement sous surveillance électronique mobile peut être un moyen d’éviter la récidive car il serait un poids psychologique pour le délinquant qui se saurait observé.
Selon Monsieur Michel DUVETTE, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, si le placement sous surveillance électronique, de façon générale, suppose que la personne soit capable de se fixer des limites à elle-même, le placement sous surveillance électronique mobile apparaît comme un moyen de pression plus important encore que le placement sous surveillance électronique statique puisqu’il permet un suivi, 24 H sur 24, de l’ensemble des déplacements du porteur de bracelet. La question se pose alors de savoir si un adolescent est intellectuellement en mesure de faire face à cette pression.
De nombreuses réserves ont été émises concernant le caractère dissuasif du port du bracelet sur les auteurs de violences sexuelles qui agissent la plupart du temps sous le coup de pulsions et relèvent davantage de la psychiatrie.
La difficulté de prise en charge de ces publics souvent à la frontière du psychiatrique et du judiciaire a souvent été relevée.
Les professionnels pénitentiaires déplorent le manque de personnel soignant pour la prise en charge psychiatrique des détenus condamnés pour des faits de violence sexuelle.
Ces derniers sont souvent des personnes ayant autorité sur leurs victimes et l’effet dissuasif du port du bracelet serait sur eux inexistant alors qu’une prise en charge psychiatrique est primordiale.
Toutefois, malgrè ces interrogations légitimes, les expériences étrangères ont démontré que le PSEM pouvait avoir un effet dissuasif et participer à la lutte contre la récidive (voir supra pages 37 et 41).
• Un outil de contrôle au service de la réinsertion
Dans le cadre des aménagements de peine, le condamné peut notamment être astreint à l’obligation de suivre une activité professionnelle ou de formation ainsi qu’à l’obligation de se soumettre à des soins.
Le placement sous surveillance électronique mobile permettra un contrôle plus efficace du respect de ces obligations par le service d’insertion et de probation.
• Une mesure alternative à l’emprisonnement, un instrument de lutte
contre la surpopulation carcérale
Le principe du placement sous surveillance électronique mobile comme alternative à l’incarcération contribue à diminuer la surpopulation carcérale.
En effet, ce dispositif restrictif de libertés pourrait permettre d’éviter une incarcération tout en conservant une surveillance constante de la personne.
• Un outil complémentaire d’enquête
Les applications de la surveillance électronique mobile constituent un outil complémentaire d’enquête puisqu’il est possible, lorsqu’une infraction a été commise, de localiser de façon précise les personnes porteuses d’un bracelet électronique au moment de la commission de l’infraction.
Une durée de conservation des données adaptée à des fins de police judiciaire permet en outre une utilisation différée des informations enregistrées.
Le Général PARAYRE, directeur général de la gendarmerie nationale, confirme qu’un gain de temps appréciable pourrait découler de la détermination certaine de la présence ou de l’absence de tel délinquant placé sous surveillance électronique mobile à proximité du lieu de commission d’une infraction.
Il estime également que le placement sous surveillance électronique mobile aiderait la gendarmerie dans son travail de prévention de la délinquance. Il joute que le dispositif pourrait aussi être envisagé pour le contrôle du respect des interdictions de séjour.
Cette mesure lui parait particulièrement adaptée aux délinquants sexuels ainsi qu’aux pyromanes et aux auteurs de violences conjugales.
Monsieur Michel GAUDIN, directeur général de la police nationale, considère que le PSEM serait un outil d’enquête très intéressant.
Il propose de confier la gestion du volet enquête du PSEM à l’office central chargé des personnes recherchées ou en fuite (O.C.P.R.F.) afin de mutualiser les moyens existants.
Les représentants des syndicats de police Alliance et Synergie estiment que le placement sous surveillance électronique mobile permettrait d’impliquer ou de mettre hors de cause plus rapidement certaines personnes. Ils souhaiteraient que ce dispositif soit relié à un fichier des porteurs de bracelets auquel les officiers de police judiciaire auraient accès.
Monsieur Jean BERKANI, procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux, soulève néanmoins que l’intérêt du placement sous surveillance électronique mobile en tant qu’outil d’enquête ne pourra se vérifier que si de nombreux condamnés sont porteurs du bracelet.
Il exprime sa crainte de voir alors le système se dévoyer, notamment si l’on étend son champ d’application, et risquer de porter une atteinte excessive aux libertés individuelles.
Toutefois, il résulte des expériences étrangères, qui ont été précédemment décrites, que le bracelet électronique mobile offre un bénéfice certain pour les enquêteurs. A partir du logiciel du PSEM, des applications en matière criminelle ont été développées, notamment pour élaborer une cartographie de la délinquance ainsi que pour adapter les moyens des forces de police (voir supra pages 37 et 40).