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Extrait du "rapport France" d’Amnesty International 2002

Mise en ligne : 21 février 2003

Texte de l'article :

Auteur Amnesty International
 Editeur traduction EFAI
 Nb Pages 2
 Parution 28/5/2002
 Réf POL 10/001/02/EUR21
 
 
FRANCE

REPÈRES
République française
CAPITALE : Paris
SUPERFICIE : 543 965 km2
POPULATION : 59,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Jacques Chirac
CHEF DU GOUVERNEMENT : Lionel Jospin
LANGUE OFFICIELLE : français
PEINE DE MORT : abolie

Des cas de brutalités policières ont été signalés, notamment contre des demandeurs d’asile et des ressortissants étrangers sans papiers. Des enfants ont affirmé qu’ils avaient été victimes de mauvais traitements ; la mise à l’isolement d’enfants en zone d’attente a suscité des réactions d’inquiétude. Des informations ont fait état de mauvais traitements infligés à des ressortissants étrangers dans des départements ou territoires d’outre-mer. Les conditions de détention déplorables en garde à vue ont suscité de vives critiques. L’issue judiciaire de certaines affaires de coups de feu meurtriers tirés par des policiers a suscité de nouvelles et graves inquiétudes relatives à l’impunité de la police. Amnesty International a exhorté le gouvernement à s’acquitter des obligations judiciaires qui lui incombent en ce qui concerne les actes de torture et les exécutions extrajudiciaires dont des Algériens ont été victimes durant la guerre d’indépendance de l’Algérie. Plusieurs instructions judiciaires ont été ouvertes sur des allégations de violations des droits humains commises durant cette guerre, mais certaines ont été rapidement refermées.

Mauvais traitements infligés à des demandeurs d’asile
De nombreux témoignages ont fait état de mauvais traitements infligés par la police à des demandeurs d’asile qui refusaient, semble-t-il, d’être renvoyés de France. Plusieurs personnes ont affirmé avoir été giflées, matraquées ou traînées sur le sol alors qu’elles étaient menottées. En mars, une enquête préliminaire a été ouverte à la suite d’un rapport adressé au procureur de la République du tribunal de Bobigny par un agent du ministère des Affaires étrangères en service à la nouvelle zone d’attente des personnes en instance (ZAPI 3) de l’aéroport Charles-de-Gaulle, à Roissy. Ce fonctionnaire indiquait qu’il avait vu une femme originaire de la République démocratique du Congo (RDC), Blandine Tundidi Maloza, allongée sur le sol de la salle d’attente. Il avait remarqué " la présence sur ses jambes de multiples plaies sanguinolentes manifestement récentes ". Cette femme a affirmé que ses blessures lui avaient été infligées par un policier après qu’il eut tenté de la forcer à embarquer dans un vol à destination de Douala (Cameroun). Il lui aurait assené plusieurs coups de pied, après l’avoir déséquilibrée en la tirant brusquement vers l’arrière et traînée sur le sol par les cheveux. Blandine Tundidi Maloza a eu la possibilité, par la suite, de faire enregistrer sa demande d’asile.
La mise à l’isolement de mineurs placés en zone d’attente a suscité des réactions d’inquiétude. En juin, deux enfants âgés de trois et cinq ans ont, semble-t-il, été retenus à Roissy pendant quatre jours, durant lesquels ils ont été séparés de leurs parents ; une adolescente de quatorze ans, d’origine congolaise, a été maintenue à la ZAPI 3 de ce même aéroport durant dix jours, en compagnie d’adultes des deux sexes, sans pouvoir entrer en contact avec sa mère.
üEn octobre, le ressortissant camerounais Eric Nguemaleu aurait été frappé à coups de matraque en plastique par des policiers qui tentaient de le faire embarquer dans un avion à destination de Douala. Des examens médicaux ont révélé qu’il présentait des blessures et des ecchymoses. Début novembre, à la suite d’un arrêt de la cour d’appel de Paris, Eric Nguemaleu a pu quitter la ZAPI 3, la cour ayant estimé qu’il n’avait pas bénéficié de soins médicaux dans des délais suffisamment brefs lorsqu’il se trouvait en zone d’attente.

Mauvais traitements infligés à d’autres ressortissants étrangers
Plusieurs ressortissants étrangers ont dit avoir été victimes de mauvais traitements aux frontières, ou dans des départements ou territoires d’outre-mer comme la Guyane ou Saint Martin (Antilles).
üBaba Traoré, un Malien résidant aux îles Canaries, en Espagne, a été arrêté en février par des agents de la police aux frontières (PAF) alors qu’il se rendait à Paris en train pour faire renouveler son passeport. Cet homme, qui était en possession de permis de séjour et de travail espagnols en règle, a affirmé avoir reçu un coup de poing à l’œil gauche au commissariat de police d’Hendaye. Peu après, il a été remis à la police espagnole et a subi le jour même en urgence une opération chirurgicale à l’œil gauche ; d’après un certificat médical, celui-ci avait été gravement endommagé par un " traumatisme direct ". Baba Traoré a porté plainte auprès du procureur de la République de Bayonne.
üEn août, en Guyane, Koneisi Geddeman, Surinamais sans papiers, aurait été roué de coups de poing et de pied au ventre et à la tête alors qu’il gisait à terre menotté, violences qui auraient provoqué de graves blessures. Cet homme avait été poursuivi par des agents de la police nationale auxquels il avait tenté d’échapper lors d’un contrôle d’identité. Plusieurs policiers, peut-être six, l’auraient frappé en pleine rue ; ce traitement aurait continué au commissariat, où il aurait aussi reçu des coups de tête. Après plusieurs heures passées en détention dans une cellule sans recevoir de soins médicaux, Koneisi Geddeman s’est mis à vomir après avoir bu de l’eau. Il a ensuite été admis à l’hôpital de Cayenne, où il aurait passé plusieurs semaines après avoir subi une intervention chirurgicale.

Mauvais traitements infligés à des mineurs
üLe tribunal de Nanterre a ouvert une enquête sur des allégations selon lesquelles un mineur aurait subi d’urgence l’ablation chirurgicale d’un testicule après avoir été battu par des policiers au mois de juillet, pendant qu’il était en garde à vue. Selon les informations reçues, Yacine (pseudonyme), âgé de seize ans, avait été conduit au commissariat d’Asnières, en région parisienne. Il avait alors insulté les policiers et opposé une résistance lorsque ceux-ci tentaient de lui passer les menottes. Le jeune homme avait ensuite été conduit dans un couloir où, bien que menotté, il aurait été roué de coups de poing, de pied et de genou. En dépit des demandes de Yacine et contrairement à la loi, sa mère n’a pas été informée immédiatement de sa détention.
üUn groupe d’enfants d’origine africaine, nord-africaine ou macédonienne (Rom), dans le quartier parisien de la Goutte d’Or, ont affirmé, au mois de juin, que des policiers leur avaient infligé des mauvais traitements. L’un d’eux, Ahmet (pseudonyme), âgé de douze ans, a déclaré à Amnesty International qu’il avait reçu des coups sur la tête après avoir été conduit au commissariat de la Goutte d’Or à la suite d’un vol présumé. Ces enfants ont également affirmé qu’on les avait insultés, menacés, et qu’on leur avait lancé des injures racistes.

Rapport du CPT
En juillet, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a publié son rapport sur les visites effectuées en mai 2000 dans plusieurs commissariats de police, zones d’attente et prisons. Il a souligné que la plupart des allégations de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre visaient la police nationale et que les formes de brutalités signalées étaient principalement les suivantes : coups de poing et de pied, personnes violemment projetées à terre et menottes trop serrées. Le CPT a également fait état d’informations selon lesquelles " des personnes d’origine étrangère auraient été maltraitées lors de leur éloignement sous contrainte ". Il a constaté que les conditions de détention, notamment dans les établissements de la police nationale, n’étaient pas toujours compatibles avec la dignité inhérente à l’être humain et que les locaux de détention étaient souvent d’une saleté repoussante.

Isolement prolongé de prisonniers
En janvier, Amnesty International a appelé le gouvernement français à prendre immédiatement des mesures pour améliorer la situation de détenus qui ont appartenu à l’ancien groupe armé Action directe et dont l’état de santé se serait détérioré de façon alarmante à la suite de périodes d’isolement prolongé depuis leur arrestation en 1987. Une grave dégradation de l’état de santé physique et mental aurait été observée chez au moins deux d’entre eux, Georges Cipriani et Nathalie Ménigon. Amnesty International a relevé certains éléments qui donnaient à penser que le traitement réservé aux prisonniers d’Action directe ne satisfaisait pas aux normes internationales, qui cherchent à réduire les effets nocifs de l’isolement.
Deux autres prisonniers également membres d’Action directe, Jean-Marc Rouillan et Joëlle Aubron, ont entamé une grève de la faim en janvier afin d’attirer l’attention sur la situation inquiétante de Georges Cipriani et de Nathalie Ménigon. Ils ont recommencé à s’alimenter après avoir reçu diverses assurances de la part des autorités pénitentiaires, notamment la promesse de soins médicaux adaptés.

Impunité de fait
Amnesty International a continué de déplorer que les retards et les obstacles qui ont entravé les procès de certains policiers aient contribué à créer un climat d’impunité.
üDix ans après que Youssef Khaïf, un jeune homme d’origine algérienne, eut été abattu alors qu’il tentait de s’enfuir au volant d’une voiture volée, le policier accusé de cet homicide a été acquitté par la cour d’assises des Yvelines en septembre. Youssef Khaïf avait été tué à Mantes-la-Jolie (département des Yvelines) en juin 1991, au cours des troubles consécutifs à la mort en garde à vue d’Aïssa Ihich, dix-huit ans, en mai de la même année. L’avocat général a écarté l’argument de la légitime défense invoqué par l’avocat de la défense et reconnu la culpabilité du policier, mais il a requis une " peine de principe ", c’est-à-dire le sursis. Le procès du policier n’avait pu s’ouvrir qu’après la levée d’une série d’obstacles d’ordre juridique. La famille de Youssef Khaïf a annoncé son intention de présenter à la Cour européenne des droits de l’homme une requête relative au verdict d’acquittement.
Le procès des personnes impliquées dans la mort en garde à vue d’Aïssa Ihich, en mai 1991, s’est également ouvert dix ans après les faits. Ce jeune homme avait succombé à une crise d’asthme après avoir été roué de coups alors qu’il gisait à terre. En mars 2001, deux policiers ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Versailles à des peines de dix mois de prison avec sursis pour " violences avec arme par personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions ".
Le procureur de la République avait demandé la relaxe des policiers. Un médecin s’est vu infliger une peine de douze mois d’emprisonnement avec sursis pour " homicide involontaire " et négligence : il avait jugé que l’état d’Aïssa Ihich était compatible avec la prolongation de sa garde à vue, autorisée par le procureur. En décembre, lorsque la cour d’appel de Versailles a examiné le recours formé par les trois hommes, l’avocate générale a demandé la relaxe des deux policiers condamnés en mars et la confirmation de la peine prononcée contre le médecin. L’arrêt de la cour a été reporté en février 2002. Cette affaire a joué un rôle décisif dans la réforme des règles régissant la garde à vue.
üEn janvier, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par un juge d’instruction à l’égard des policiers impliqués dans le cas de Mohamed Ali Saoud, mort par asphyxie à Toulon, en novembre 1998, après être resté immobilisé pendant une période prolongée. La famille de la victime, qui s’était constituée partie civile, a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
üEn décembre, la cour d’appel d’Orléans a prononcé un non-lieu en faveur du policier qui avait tué d’une balle dans la nuque, en 1997, un adolescent de seize ans, Abdelkader Bouziane. Un juge d’instruction et la cour d’appel de Paris avaient rejeté auparavant l’argument de la légitime défense invoqué par le policier ; la cour d’appel avait rendu un arrêt favorable au renvoi de l’affaire devant une cour d’assises, arrêt cassé par la Cour de cassation en mars.

Guerre d’Algérie : torture et homicides
Dans un livre paru au mois de mai, le général Paul Aussaresses reconnaissait que, militaire de haut rang dans l’armée française au cours de la guerre d’Algérie, entre 1954 et 1962, il avait pris part personnellement à des actes de torture et à des exécutions sommaires, qu’il justifiait dans le contexte de cette période.
En outre, il affirmait que le gouvernement français de l’époque était directement impliqué dans ces exactions. Amnesty International a exhorté les autorités françaises à ouvrir sans délai une enquête exhaustive sur ces affirmations, qu’elle jugeait extrêmement graves. Tout en condamnant les actes relatés par le général Aussaresses, le gouvernement se refusait toujours à ouvrir une enquête à la fin de l’année.
Aux mois de mai et de juin, plusieurs procédures ont été introduites par des associations et des particuliers contre le général Aussaresses et d’autres personnes. Aux mois de juillet et de septembre, un juge d’instruction a refusé de donner suite à des plaintes déposées en justice contre le général Aussaresses pour " crimes contre l’humanité " par deux organisations de défense des droits humains. Toutefois, au mois de novembre, Paul Aussaresses a comparu devant la 17e chambre correctionnelle de Paris pour " complicité d’apologie de crimes de guerre ". Le jugement a été ajourné jusqu’au mois de janvier 2002.
Pour la première fois, certaines mesures ont été prises pour commémorer de façon officielle le massacre dont des Algériens avaient été victimes à Paris quarante ans auparavant : c’est ainsi qu’une plaque dédiée " aux nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 " a été posée sur le pont Saint-Michel. L’inauguration de cette plaque commémorative par le maire de Paris a donné lieu à de vives protestations de la part de certains syndicats de police et de plusieurs personnalités politiques. Le nombre précis d’Algériens qui se sont noyés après avoir été jetés à la Seine par des agents de police ou qui ont été tués dans des commissariats dans la nuit du 16 octobre 1961 n’était toujours pas clairement établi, mais on estime que jusqu’à 200 personnes pourraient avoir trouvé la mort lors de ces événements.

Mise à jour
üEn septembre, le tribunal correctionnel de Toulouse a condamné un brigadier de police à une peine de trois ans de prison avec sursis pour homicide involontaire, après l’avoir reconnu coupable d’avoir mortellement blessé par balle Habib Ould Mohamed, alors âgé de dix-sept ans, en décembre 1998. Le brigadier s’est également vu exclure définitivement des forces de police. Le tribunal a conclu que s’il n’avait pas fait feu délibérément, le policier avait néanmoins commis " une étonnante succession d’imprudences, de maladresses et de fautes professionnelles " ayant entraîné la mort du jeune homme. Habib Ould Mohamed, qui n’était pas armé, a été abattu alors que les policiers cherchaient à l’arrêter et il est mort dans la rue. Le policier n’a pas signalé, comme le prévoit la loi, qu’il avait fait usage de son arme ; la patrouille de police impliquée n’avait déployé aucun effort sérieux pour venir en aide à Habib Ould Mohamed, dont le corps avait été découvert plus tard par un passant.

Traités ratifiés ou signés en 2001
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I).

Autres documents d’Amnesty International
Préoccupations d’Amnesty International en Europe, janvier - juin 2001 (EUR 01/003/01).