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> Edito

Le droit à l’encellulement individuel

  • Editorial

Mise en ligne : 19 janvier 2008

Texte de l'article :

 Dans à peine 5 mois, le principe de l’encellulement individuel devrait être respecté ; en effet, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière introduit la disposition suivante dans l’article 716 du code de procédure pénale (CPP) : il peut être dérogé au principe de l’encellulement individuel "dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation de la loi (...) si la distribution intérieure des maisons d’arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel". Cette disposition prise dans une loi sans rapport avait pour but de repousser une échéance qui n’était pas tenable. De façon excessivement simpliste, il resterait donc quelques mois pour, soit réduire le nombre de personnes incarcérées de 62 009 à 50 705, soit construire plus de 11 000 places et organiser les transferts nécessaires, faute de quoi, la loi ne sera pas respectée.

 Le principe de l’encellulement individuel est relativement ancien. En effet, le 5 juin 1875, une loi "prescrivant l’enfermement individuel dans les prisons départementales" est promulguée. 130 ans après, on en est encore à contourner la loi, comme si principe et réalité ne pouvaient définitivement pas s’entendre. Plus exactement, le principe n’est pas respecté dans les maisons d’arrêt ; car, s’agissant des établissements pour peine, l’encellulement individuel est effectivement la pratique, tel que le stipule l’article 717-2 du CPP. La raison semble éminemment pragmatique ; les longueurs des peines rendraient insupportable et donc ingérable une situation de surpopulation en établissement pour peine. Cela ne signifie pas pour autant que la surpopulation est supportable, donc acceptable, en maison d’arrêt. Il est à noter, par ailleurs, que certaines maisons d’arrêts sont nettement plus surpeuplées que d’autres, dépassant parfois 200 % de taux d’occupation. Cet état de fait n’est probablement pas étranger au système d’indemnités dues à l’entreprise gestionnaire dans le cas d’un établissement à gestion déléguée lorsque la surpopulation dépasse un certain seuil. Qu’il s’agisse du souhait de prévenir les situations trop explosives ou de celui d’éviter de verser des indemnités financières, ce ne sont jamais des raisons directement liées à la réintégration des personnes qui gouvernent de façon exclusive à la répartition de la population pénale.

 Il y a un respect dû aux personnes, à leur dignité et à leur intégrité, quels que soient les actes éventuellement commis. Il semble pourtant que tel ne soit pas le cas. C’est bien le sens de la déclaration du garde des Sceaux, le 6 juillet 2007 : "la victime doit compter plus que le délinquant". Dans ces conditions, quelle ambition peut avoir une "grande" loi pénitentiaire ? Sinon continuer à entretenir des mirages, comme celui de l’encellulement individuel, depuis 130 ans...

La rédaction
Ban Public
Janvier 2008