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> Edito

E ghjè cusi

  • Editorial

Mise en ligne : 2 septembre 2010

Dernière modification : 6 novembre 2013

Texte de l'article :




Banni : écarté, supprimé de la société.

 Voilà une définition qui résume en un mot la situation de nombreux ex-détenus, aujourd’hui en France, en 2010.

 Après avoir purgé une peine dans un pénitencier, un centre où l’on vous enferme pour réparer vos fautes et expier vos péchés, vous êtes censé, au regard de la société et de vos contemporains, avoir payé votre dette, soldé votre compte délinquant, et, être autorisé à reprendre une vie normale.

 « Tout le monde à le droit de changer » disait Victor Hugo, or, de nombreux témoignages d’ex-détenus (même ce mot ne devrait pas exister) expriment un sentiment général de rejet de l’autre, celui qui se dit être « blanc comme neige », et subissent chaque jour, même 10 ou 20 ans après leur libération, des remarques discriminatoires, empreintes de culpabilisation. On leur rappelle sans cesse leur passé carcéral, comme si cela était une tare ou un symbole d’infériorité ou de faiblesse humaine. Pire encore, on leur fait bien ressentir que quoi qu’ils fassent, ce seront eux les premiers suspects, et se justifier est souvent pris pour une menace ou du harcèlement.

 Alors, avons-nous réellement nos chances d’être oublié ou devons-nous nous résoudre à faire pénitence jusqu’à la fin de nos jours sous la vindicte éternelle ?

 Je ne m’étais jamais posé la question jusque-là, trop imprégné par ma vie de « bandit », mais le témoignage de mon ami m’a ouvert les yeux et, aujourd’hui, la question me fait face et s’impose à mon esprit : dois-je accepter de subir, un jour, ce type de provocation, même réhabilité par la société, pour pouvoir me reconstruire une nouvelle vie professionnelle et une famille ? Je m’oblige à croire que oui ! J’ai déjà trop donné de moi à la voyoucratie, j’ai laissé trop d’empreintes derrière les barreaux et mes démons me poursuivront jusqu’à la tombe. Il est temps de tourner la page, c’est ma volonté, mais encore faudra t’il qu’on me laisse cette perspective car aurai-je la force de garder mon poing dans la poche et d’obéir à d’autres règles, celles d’une société vivant à la lumière de tous ?

 En tout cas, j’ai tout mis en œuvre en ce sens et suis fier aujourd’hui d’être entouré de gens qui m’ont fait découvrir le côté pile de la vie, qui m’ont ouvert les yeux sur le vrai sens de l’amitié, celle qui ne vous tire pas dans le dos, et qui me font confiance. Sans eux, et une en particulier, mon existence aurait reprise là où elle s’était arrêtée un jour de 2007, en Bosnie, lorsque Interpol m’a interpellé.

 Je me donne l’opportunité de me « réinsérer » dans la société civile mais encore faut-il que cette idée soit partagée par d’autres. Et si ce n’est pas à leur goût ? Ils devront faire avec, c’est tout ! Car oui, je vais quand même tenter ce virage à 180°, je le prends comme un combat, et tant pis pour celui qui m’insultera ou me discriminera, j’ai connu pire et plus violent. Et puis, en fin de compte, lequel des deux aura le plus de chance de son côté ? En relativisant, ce sera lui qui aura de la chance de me donner cette chance, celle de rentrer chez lui sans avoir les deux jambes brisées ou sans le cul plombé de 9mm. Laissons donc le passé de chacun dans l’oubli et vivons simplement ensemble, en toute fraternité….humaine !

Michel SERCEAU-FILIPPEDDU
Le 24/08/2010


Contact : Michel-ZonzonBD@hotmail.fr
Lire le dossier sur le bannissement : http://prison.eu.org/spip.php?article9002