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Des mesures pour faire changer les conditions d’incarcération

Mise en ligne : 7 mai 2012

Dernière modification : 8 mai 2012

Texte de l'article :

LE DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LE SUICIDE DANS LES PRISONS EST INADAPTE, LES FAMILLES ET LES PROCHES DOIVENT Y ETRE ASSOCIEES :

- La première mesure qui s’imposte est la réduction de la population carcérale.
- La deuxième, c’est de changer les conditions de détention dans une approche humaniste en modifiant de manière structurelle le temps de détention.
- La troisième, c’est de sortir de la vision doctrinale et idéologique et revenir à la notion de dignité et de droit.

Il y a une exigence de Fraternité, de Solidarité et d’Humanité, un état organisé doit se préoccuper de tous ses citoyens, y compris celles et ceux emprisonnés, en abordant ce problème sans certitude et en ayant pour volonté absolue de corriger sans nuire ni détruire.

Apres, avoir précisé notre vision du problème, nous vous présentons les thèmes qui nous paraissent importants pour lutter contre la mort et la désespérance en prison :

DES MESURES POUR FAIRE CHANGER LES CONDITIONS D’INCARCERATION

Proposition 4 : Favoriser le contact humain et protéger la personne incarcérée

Nous attirons votre attention sur les nouvelles prisons qui permettent de meilleurs conditions d’hygiène, mais parallèlement elles sont déshumanisées, vides de vie, aseptisées, ce qui engendre l’isolement, le repli sur soi avec le poids des murs qui sont trop lourds à supporter pour les plus fragiles. L’encellulement individuel est une chose indispensable mais il doit nécessiter plus d’ouverture pour permettre le contact humain, sinon il va aggraver l’isolement et nous vous avertissons du danger encouru si certaines mesures ne l’accompagnent pas.

Le rapport humain doit être une priorité absolue dans TOUS les lieux de détention que ce soit avec le personnel de surveillance, ou avec tous les acteurs en contact avec le milieu carcéral. Or il semble que les espaces et moments de la vie en détention où le temps de communication est possible s’amenuisent au fur et à mesure que ces prisons se modernisent, non seulement par manque de moyens humains (problème criant et unanimement reconnu) mais plus gravement encore dans l’organisation de la vie quotidienne.

L’art et la culture font partie des moyens pour favoriser le contact humain au travers d’ateliers, mais aussi un puissant moyen pour humaniser une cellule, un bâtiment, à travers les créations des personnes incarcérées. Un projet devrait être mené avant de faire quitter des lieux vétustes pour des prisons flambant neuves pour réduire l’effet suicidogène qu’il y a pu avoir à l’ouverture de chaque nouveau lieu afin que les personnes se les « approprient ». Dans les lieux d’accueils où les enfants sont gardés pendant les parloirs, des parents devraient proposer de petits ateliers aux enfants pour produire des créations à leur niveau, mais qui apporteraient une touche d’espoir rassurante dans les couloirs. Cela n’est pas anodin, les personnes incarcérées nous décrivent continuellement cette sensation d’étouffement dans les murs et il y a un enjeu important à poser un cadre apaisant. Il serait essentiel de favoriser les rapports entre les enfants et leurs parents incarcérés, y compris en mettant en place des ateliers de cuisine.

Le sport : son importance n’est plus à démontrer, défouloir des tensions psychologiques et de l’agressivité, le schéma corporel qui se définit mieux et donc influe sur l’équilibre psychologique. C’est aussi un de ces moyens pour favoriser le contact humain et le contrôle de sa propre violence.

La règle devrait être d’appeler la personne incarcéré « Monsieur » ou « Madame » et pas « détenu untel », (idem pour les personnes incarcérées qui devraient appeler « Monsieur » ou « Madame » les surveillant(e)s), cela pourrait considérablement changer le rapport entre le personnel et les personnes incarcérées.

Proposition 5 : L’entretien et la vie au quotidien

Les Douches et l’hygiène : cela peut paraitre secondaire, mais avoir accès à un état de propreté au quotidien permet de mieux se respecter, de se revaloriser, la douche quotidienne est une nécessité, encore plus pour les femmes. Les produits de première nécessité sont aussi un gros souci, le manque de papier toilette, les serviettes hygiéniques pour les femmes sont des choses qui reviennent souvent et il faut penser à ce que cela implique pour la personne qui manque de ces produits. Tous les produits de première nécessité au niveau de l’hygiène doivent être distribués en quantité suffisante sans restriction à toutes les personnes incarcérées, et fournis à n’importe quel moment quand une demande est faite. Ils doivent être gratuits pour garantir à tous un accès égal.

La Cantine : c’est un gros facteur d’exclusion, d’abord sociale, selon les moyens financiers ou pas, puis identitaire dans l’aspect d’un fondement personnel nié, cela ajoute à un sentiment de mise au Ban. Il devrait toujours être possible de cantiner ‘’hallal’’ et il est inadmissible qu’un repas de substitution ne soit pas proposé, on le sait cela impacte aussi la santé de la personne incarcérée qui ne peut s’alimenter convenablement, l’hygiène de vie reste un des facteurs qui joue sur la santé mentale. Par ailleurs il y a la solidarité qui était possible avec son codétenu qui va devenir impossible en cellule individuelle, la misère sociale va devenir plus profonde.

Le ‘’client’’ dont on abuse : un détail, certes, mais dans les cellules avec plusieurs détenus, chacun paye pour la location de la télévision et du réfrigérateur, et cela est durement ressenti par les personnes incarcérées qui ont l’impression d’être un citron pressé, et c’est un sujet qui revient énormément dans le sentiment d’injustice car l’administration pénitentiaire semble un peu zélée dans la vérification des paiements et des utilisations faites... c’est un geste simple qui peut être fait tout de suite et qui aurait un fort impact symbolique.

Proposition 6 : La réintégration

Aujourd’hui les choses se passent comme si la peine ne suffisait pas, il faut briser les possibilités de réussir la sortie, donc on crée un désespoir profond qui amène au passage à l’acte. Quel avenir peut être envisagé quand seulement 8 % du temps d’incarcération du détenu est consacré à la réintégration ? L’absence d’activité préparant à la sortie, le manque de formation, et une quasi-absence de suivi personnel, tout au long de la détention en relation avec un projet de réintégration ne peuvent qu’amener une personne incarcérée à une situation d’échec.

Il faut bien comprendre que donner l’espoir d’une perspective ambitieuse à la personne emprisonnée, c’est lui garantir une resocialisation réussie. Or les services d’insertion se calquent trop souvent sur les statistiques de la récidive, et laissent percevoir une sensation de fatalité, comme si l’espoir n’existait plus. Si les familles, les proches et le monde associatif ressentent aussi fortement ce désespoir, on est en droit de se demander comment les personnes incarcérées vivent le contact avec les personnes chargées de leur réintégration.

Revaloriser le travail : L’état doit garantir l’application du droit du travail au sens commun du terme et se doit d’être exemplaire. Les emplois ne doivent pas être une faveur mais mis en place pour permettre aux plus pauvres d’avoir des moyens décents de subsistance. Mais aussi permettre aux plus fragiles psychologiquement de se sentir accompagnés, car l’enfermement en lui même dans les meilleures conditions qui soient aura toujours un effet déstabilisant et déstructurant pour certain(e)s. On ne peut exiger un comportement correct quand soi même on ne respecte pas la notion de justice et de droit.

Dans cette optique, il serait opportun de créer un pôle d’accueil avec un dossier unique pour la réintégration, demander que des forums d’entreprise s’organisent, partenariat avec les Chambres de Commerces et d’Industries, les grandes écoles, les universités, les centres de formations et rendre l’accès possible au coaching pour sortir la personne de l’infantilisation dans son rapport au monde professionnel. Un individu à qui on apprend à chercher activement du travail, à se valoriser, retrouve l’estime de soi mais aussi sa capacité à reprendre attache avec le monde professionnel. Il faut absolument faciliter les permissions pour la recherche d’emploi, l’accès au téléphone et à internet.

La culture, l’accès aux savoirs et à la connaissance sont des éléments favorisant la réintégration, cela peut paraître anodin mais l’accès aux Arts et la culture peuvent être parmi les moyens pour une personne de se réinvestir dans un projet, une main tendue qui la sortira d’un état d’esprit négatif et le poussera à reprendre pied dans un investissement personnel, et par la même de se réengager dans le monde professionnel.