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Contribution de l’ASPMP et des UMD aux débats actuels sur les soins en prison

Mise en ligne : 7 octobre 2003

Texte de l'article :

Après les rapports des commissions parlementaires sur les prisons, après la création, par le Ministère de la Santé, d’enquêtes, de missions et de groupes de travail sur l’organisation et les prestations des structures de soins en milieu carcéral, mais aussi à l’approche des discussions sur la future loi pénitentiaire et avant le réexamen par les législateurs de la loi du 27 juin 1990 sur les droits des malades mentaux et leur hospitalisation sous contrainte, l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP), réunie en assemblée générale, et les équipes soignantes des Unités pour Malades Difficiles (UMD) estiment opportun et nécessaire de rappeler avec force les principes suivants.

1. Les soins psychiatriques aux détenus, tout comme les soins somatiques, doivent être de qualité équivalente à ceux dispensés en milieu ouvert. C’est l’affaire de toute les équipes de santé mentale et non pas seulement de celles qui travaillent dans les établissements pénitentiaires. La manière de traiter les détenus étant un indice de valeur de civilisation et d’humanité, elle doit même préoccuper tout citoyen. L’accès aux soins et les indications thérapeutiques doivent dépendre d’abord et avant tout des troubles constatés et de l’histoire clinique, mais non de la situation judiciaire du sujet, de son dossier pénal ou de son appartenance sociale, religieuse ou ethnique. La prison n’isole pas, quant à la mission de la médecine, une sous-catégorie d’être humains ; elle jalonne parfois le parcours de certains patients, pour un temps nécessairement limité, compris entre un "avant et un "après" dont il convient toujours de tenir compte.

 2. Les dispositifs de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire appartiennent depuis 1986 à la sectorisation psychiatrique, modèle pertinent de référence de la prise en charge des patients souffrant de troubles mentaux. Les membres de l’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) et les personnels des Unités pour Malades Difficiles (UMD) sont profondément attachés aux missions naturelles du secteur psychiatrique, garantes de l’accès aux soins et de la continuité des soins. Celle-ci implique la mise en oeuvre du suivi post-carcéral, quelles qu’en soient les modalités : hospitalisation, consultations, mais aussi soin s’intégrant dans le cadre des aménagements de peine.

 3. La psychiatrie est la seule discipline médicale à même d’élaborer et de garantir, en milieu pénitentiaire comme en milieu libre, des projets thérapeutiques en santé mentale. Son articulation avec les autres systèmes de soins et les autres disciplines médicales ne doit pas donner lieu en milieu carcéral à une organisation dérogatoire, délibérément éloignée plus qu’il est nécessaire de la pratique en milieu ouvert.

 4. Nous réaffirmons la nécessité du libre consentement aux soins en prison. L’hospitalisation sous contrainte, en application des dispositions de l’article 398 du code de procédure pénale, ne se conçoit que dans un véritable service de psychiatrie générale et non dans un quartier spécifique de détention, créé dans l’enceinte d’une prison ou celle d’un hôpital. Au regard de l’éthique médicale et d’une logique de proximité et de continuité des soins, le détenu malade mental hospitalisé doit être inclus dans le dispositif sanitaire commun. Il peut être accueilli en hospitalisation dans l’hôpital de rattachement du dispositif de soins psychiatriques de la prison, mais il devrait l’être plutôt, en priorité, dans le secteur psychiatrique d’origine ou celui qui est appelé à assurer la continuité des soins après la libération. Si la clinique le rend nécessaire, il pourra être admis dans une unité intersectorielle fermée qui accueille en hospitalisation psychiatrique sous contrainte, dans des conditions architecturales et humaines satisfaisantes, les patients, détenus ou non, qui nécessitent une surveillance particulière et des soins attentifs en milieu hospitalier.
Ces unités constituent, si elles sont en lien organique avec les secteurs psychiatriques d’origine ou de destination, une solution cohérente aux difficultés que rencontrent aujourd’hui nombre d’équipes de secteur. Pour certains patients encore plus difficiles, sous écrou ou non, le recours à l’Unité pour Malades Difficiles dans les conditions réglementaires est pertinent.

5. Nous sommes conscients des problèmes que pose l’augmentation des détenus souffrant de troubles mentaux. Cela nous conforte à penser qu’en "amont" s’impose une réflexion approfondie sur l’application des articles 122.1.1. et 122.1.2. du Code Pénal, relatifs à l’expertise psychiatrique et à la responsabilité pénale. Rappelons que le constat de l’altération du discernement et de l’entrave au contrôle des actes aboutit paradoxalement à une aggravation très sensible de la peine infligée.

L’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP) participera activement aux débats actuels sur l’organisation des soins pénitentiaires et donc aux discussions relatives aux projets de loi-santé et de loi pénitentiaire, ainsi qu’aux suites qui seront données dans le secteur sanitaire aux rapports parlementaires sur les prisons.

Le Président, Evry ARCHER 
Service Médico-Psychologique Régional de Loos
Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire et des équipes des Unités pour Malades Difficiles