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Les conditions d’incarcération

Recommandation 1257 (Adoptée le 1er février 1995)

Conditions de détention dans les États membres du Conseil de l’Europe

Publication originale : 1er février 1995

Dernière modification : 2 septembre 2016

Texte de l'article :

RECOMMANDATION 1257 (1995) [1]
relative aux conditions de détention dans les États membres du Conseil de l’Europe

1. La population pénitentiaire en Europe et en Amérique du Nord a fortement augmenté durant ces dernières années.
Ce phénomène, qui a des causes sociologiques, économiques, juridiques et autres, mérite qu’on s’y intéresse car il est très préoccupant.

2. Le net accroissement de la population carcérale résulte non seulement de l’augmentation de la criminalité - surtout de la violence et des infractions liées à la drogue - et donc de l’augmentation du nombre des condamnations, mais aussi de l’extension de l’échelle des peines et de l’allongement des peines de prison infligées par les tribunaux.

3. En conséquence, de nombreuses prisons en Europe sont aujourd’hui largement surpeuplées. Dans certains pays anciennement communistes, la situation est dramatique, mais elle est aussi très préoccupante dans la plupart des prisons d’Europe occidentale.

4. Le surpeuplement est l’une des causes principales de la dégradation actuelle des conditions de détention.

5. En raison de ce surpeuplement, il devient de plus en plus difficile, voire impossible, d’accorder une attention particulière et un traitement spécial à des catégories spécifiques et vulnérables de prisonniers comme les jeunes délinquants, les détenus souffrant de troubles mentaux et les étrangers. Le surpeuplement signifie aussi que l’on s’occupe moins de chaque détenu, ce qui accroît le risque de récidive à la sortie de prison.

6. Il existe de réels arguments en faveur d’un recours plus limité aux peines d’emprisonnement, par exemple en pratiquant délibérément une politique de développement des peines de substitution et de réduction des peines.

7. Le Comité des Ministres et, récemment, l’Assemblée ont traité de la garde à vue ou de la détention provisoire dans leurs Recommandations no R (80) 11 et 1245 (1994), respectivement, mais les deux textes portent sur la question de savoir si et quand la détention provisoire se justifie, plutôt que sur les modalités de son application.

8. L’Assemblée considère que les Règles pénitentiaires européennes établies par le Conseil de l’Europe devraient s’appliquer pleinement aux détenus en attente de jugement.

9. L’Assemblée rend hommage au travail remarquable du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et à l’expérience très utile qu’il a acquise sur les conditions de détention.

10. La bonne application des Règles pénitentiaires européennes devrait être un souci constant de l’Assemblée. Le Conseil de l’Europe devrait renforcer son aide aux pays candidats à l’adhésion et aux nouveaux États membres en ce qui concerne la réforme pénitentiaire ; il devrait aussi stimuler et coordonner les travaux que ses États membres ont déjà entrepris dans ce domaine.

11. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :
i de charger le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) :
a. d’étudier la valeur pénale attachée aux diverses infractions (afin de développer le recours aux peines de substitution et de réduire autant que possible la durée de la détention) ;
b. d’entreprendre de nouvelles études pour déterminer quels types d’infractions se prêteraient le mieux à être remplacées par des sanctions et des mesures administratives et économiques ;
c. d’étudier de nouvelles mesures de substitution à l’emprisonnement, y compris, par exemple, le recours à la surveillance électronique et intensive ;
d. de faire une étude approfondie des conditions dans lesquelles se déroule la détention préventive ;
e.de compléter les Règles pénitentiaires européennes par un catalogue des droits du détenu ;
f. de faire des études complémentaires sur les effets de l’incarcération sur la famille et les enfants du détenu ;

ii. d’inviter les autorités des États membres :
a. à appliquer les Recommandations du Comité des Ministres no R (92) 17 relative à la cohérence dans le prononcé des peines et no R (92) 16 relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté ;
b. à se conformer aux directives en matière de garde à vue, énoncées dans le deuxième rapport général du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (paragraphes 36 à 43) ;
iii. d’inviter les États membres qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives et la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées ;
iv. d’accélérer et d’achever le plus vite possible l’élaboration, actuellement en cours, d’un projet de protocole à la Convention européenne des Droits de l’Homme concernant les droits des détenus ;
v. d’inviter l’Assemblée à donner son avis sur ce projet de protocole, dès qu’il sera achevé ;
vi. de renforcer les structures et d’augmenter les ressources du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Notes:

[1Discussion par l’Assemblée le 1er février 1995 (5e séance) (voir Doc. 7215, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. Franck ; et avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur : Earl of Dundee). Texte adopté par l’Assemblée le 1er février 1995 (5e séance).