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CNCDH Travaux des Commissions Droits de l’Homme

Communiqué du Conseil National des Droits de l’Homme et du Citoyen de rentrée judiciaire 2004

Mise en ligne : 13 janvier 2004

Dernière modification : 15 août 2010

Texte de l'article :

10 janvier 2004
 
Communiqué de rentrée judiciaire 2004

La rentrée judiciaire de l’année 2004, au travers des discours entendus ici et là, qu’ils proviennent de Procureurs généraux, de Présidents de Cours d’Appels ou d’autres Procureurs et Présidents de TGI, que ce soit à Carcassonne, à Metz, à Douai, à Boulogne Sur Mer ou à Aix en Proivence et Paris, n’a pas été significative d’une volonté marquée vers un plus grand respect des droits de l’homme, ni vers un réel progrès social.

Il est vrai que nous sommes à la fois dans un Etat donneur de leçons en la matière, avec un système judiciaire persuadé que ces droits sont respectés et appliqués, mais aussi, entourés d’une population qui continue à croire que ces ’’choses là’’ n’existent ou ne peuvent survenir qu’en des endroits reculés de la démocratie et de l’évolution occidentale ...

Comme ils ont tort !.

Même les deux beaux (très beaux mêmes) discours du Premier Président et de l’Avocat Général près la Cour de Cassation ne permettent pas de constater que la nécessaire évolution dont nous avons le plus grand besoin soit en marche.

Monsieur Guy Canivet, Premier Président de la plus haute juridiction française ayant eu un discours surtout tourné vers ’’l’état de juge’’, nous pouvons légitimement craindre que ce statut soit le point principal d’une démarche d’objectifs surout que nous savons aujourd’hui que les objectifs de rentabilité et de performance guettent tous les rouages de notre Etat.

Encore que le discours de M. Canivet se soit fort heureusement achevé par la conclusion de la mercuriale de l’avocat général d’Aguesseau qui dit : """Aussi simple que la vérité, aussi sage que la loi, aussi désintéressé que la justice, ... le juge sait qu’il n’a pas été revêtu du sacré caractère du magistrat pour plaire aux hommes mais pour les servir’’""

Malgré l’intention noble, nous pourrons peut-être regretter que cette conclusion se rapporte à la vérité simple alors que chacun sait que la vérité est ailleurs, multiple et difficile à cerner ; à la sagesse de la loi alors que chacun sait qu’elle est devenue tellement complexe qu’elle ne peut plus être sage ; enfin à la justice sans majuscule ce qui pour le moins enlève l’attribut de noblesse ...

M. François Burgelin, Avocat Général près ladite Cour a eu quant à lui des envolées quasi lyriques en tout cas mystiques, dans un ’’vraiment très beau discours’’ aux accents quasi maçonniques...

Encore que... Après une allusion à l’oeuvre de justice, toujours sans sa majuscule autant à oeuvre qu’à justice d’ailleurs, qui laisse entendre soit qu’il s’agit d’une formule alchimique réservée à de mystiques initiés, soit que l’Oeuvre est inachevée, ce qui impliquerait plutôt le modeste silence d’apprenti, Monsieur l’Avocat Général a surtout regretté l’absence concrète dans l’oeuvre de justice de la pensée du regretté Jean Carbonnier, ancien Professeur de droit à Poitiers puis doyen de la Faculté de droit de Paris, ’’philosophe, sociologue, théologien, membre éminent de la R.P.R., c’est-à-dire la Religion Prétendue Réformée" - décidément il faut être initié !

Monsieur François Burgelin a néanmoins évoqué deux phrases qui résument bien la pensée de Jean Carbonnier :

1°) - ’’ la loi doit accompagner le changement de la société, sans le précipiter ni tenter de l’arrêter."

2°) - "Il est de l’inflation juridique comme de la monnaie : elle fait perdre toute crédibilité aux valeurs"".

Quant à la première : on ne peut qu’applaudir mais aussi regretter que la loi ait toujours du retard ce qui dessert l’oeuvre de justice et que pour ce qui est de l’inflation juridique, là, franchement, nous battons tous les records mondiaux : Lorsque Jean Carbonnier donnait ses cours à Poitiers, tous les Codes tenaient dans un modeste cartable !

Aujourd’hui il faut une confortable armoire et en changer au moins deux fois par an !

Il y a encore peu, l’adage disait ’’nul n’est censé ignorer la Loi"". Aujourd’hui force est de constater que NUL ne la connaît plus et que NUL ne pourra plus jamais la connaître !

Il faut sans doute regretter que M. Burgelin, en citant une autre phrase célèbre de Carbonnier dans son discours ’’"Le droit est plus petit que l’ensemble des relations entre les hommes."" n’ait pas repris toute la phrase qui se poursuit par ’’’’Plus grands que le droit sont la religion, la morale, la civilité, les sentiments, les manières de vivre’’’’.

Faut-il ajouter que pour Jean Carbonnier, l’essence de la vie sociale, c’est le non-droit ; le droit n’est qu’accident ; le procès, une pathologie. De là venait sans soute l’importante attention qu’il prêtait à des sources moins nobles que le droit écrit : la coutume, la jurisprudence, l’équité ....

Après une forme de regret au regard de principes évoquant la sécurité du droit en contradiction avec ce qu’il publiait en association avec Maître Paul Lombard dans l’ouvrage ""Procès de la Justice"", M. François Burgelin a également déclaré : ’’’On pourrait évoquer aussi l’article 2 de la déclaration de 1789 qui met, au même titre que la liberté et la propriété, la sûreté au rang des droits naturels et imprescriptibles de l’homme ; comme le souligne François Luchaire, pour les révolutionnaires, la sûreté n’est pas seulement celle des hommes et de leurs biens, c’est aussi celle des droits’’’.

Dans ce contexte, nous sommes éloignés de la réalité, et sans doute de la sincérité, puisqu’en évoquant ces droits imprescriptibles, le même Avocat Général semble volontairement méconnaître les tristes réalités de notre système judiciaire puisque à la veille même de ce flamboyant discours, la France décrochait un nouveau record de condamnations devant la Cour Européenne des droits de l’Homme pour violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, preuve judiciaire celle-là qu’au-delà des discours il y a des réalités et qu’il faut en appeler à une autre justice !

Hélas, en 2003, la France a été condamnée 76 fois pour violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, se plaçant deuxième ex-aequo avec la Turquie !

Nous ne raillerons pas l’Italie qui a détrôné le rôle de plus mauvais élève, mais au vu de la nature des condamnations, c’est surtout son système judiciaire qui est en cause davantage que la forme de ses décisions.

Nous comprendrons que la Turquie soit à égalité avec la France parce que cet Etat n’a pas l’expérience de la démocratie et des droits de l’homme qu’a la France qui est tout de même l’un des inventeurs majeurs !

Imaginons un citoyen condamné chaque année jusqu’à 76 fois ...

Mais, la France !

La France, patrie autoproclamée des Droits de l’Homme, a connu en 2003 une augmentation de 26 % de son propre et triste score de condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.

Si l’on tient compte du bénéfice apporté par la Loi Guigou de juin 2000 et de ses applications tardives, qu’en aurait-il été sans elle ?

Ces condamnations ont été assorties de réparations pécuniaires à hauteur de plus de 4.250.000 € !

Triste record pour le citoyen et le contribuable qui en supportera en réalité davantage puisque de nombreuses condamnations ouvrent également droit à révision de procès, d’où d’autres frais importants ....

Etrangeté, la Loi et le droit que défendent ces magistrats donneurs de leçons dit que celui qui cause dommage à autrui est tenu à réparation ...

Pourtant les magistrats responsables de ces 4 millions d’euros ne sont pas condamnés à payer ... on peut même supposer qu’ils n’en éprouveront pas de remords !

Un autre fondement important du droit repose sur la nécessaire sérénité de la Justice, laquelle n’est bien souvent qu’un voeu pieux avec des instructions à charge ou des procès dans lesquels aucun respect de la personne n’est démontré pas plus qu’on ne respecte ses droits et intérêts, préférant souvent l’application de la Loi et les ’’nécessités de la procédure’’ à la Justice.

Au pays de l’autocongratulation en Parquet majeur, la réalité de la Justice demeure une question d’esprit et de volonté démontrée de passer de la théorie et de la doctrine des grands initiés à la réalité concrète, celle qu’attend le justiciable ordinaire.

Que penser, sur le propos, d’un pays qui entend faire croire qu’il place la présomption d’innocence au plus haut niveau de protection alors que l’on peut constater dans le même temps à la lecture de certains articles - notamment du Code pénal - que des actes peuvent être pris "contre" des personnes qui ne sont que soupçonnées d’avoir participé à une infraction, donc au dessus de toute considération présumées innocentes !

Le terme contre devrait être supprimé puisqu’il donne avant la lettre une " direction " à charge, en tout cas induit cette notion. Par exemple art 70 du CPP le procureur peut décerner mandat d’amener contre toute personne ... En supprimant le mot contre on supprimerait l’aspect radicalement répressif apparent sans pour autant réduire la prérogative du magistrat, cela changerait sans doute aussi l’esprit !.

Sans doute pourrions nous aussi avoir enfin des Tribunaux des délits ou plus simplement un Tribunal Pénal mais plus des tribunaux correctionnels, ce terme est horrible, la ’’correction’’ est passée de mode même dans les plus conservateurs des lycées anglais !

Sans doute pourrions nous aussi remettre le Parquet à son niveau d’égalité avec la défense, c’est à dire au niveau du parquet et plus sur une estrade dominatrice à l’écart même de la justice !

S’il faut croire le Conseil de l’Europe et la Cour Européenne des droits de l’homme, les droits de l’Homme sont l’affaire de tous.

Nous sommes donc légitimement fondés à exiger que notre système judiciaire et nos magistrats appliquent la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme avec force et vigueur, n’en déplaise parfois aux tenants du tout sécuritaire.

Nous souhaitons que 2004 puisse démontrer des signes d’ouverture vers un système judiciaire où Justice et Compassion seraient les maîtres mots :

Justice - lorsqu’elle comprend égal respect de chaque être et égalité de droits, c’est à dire lorsqu’elle est le principe de l’harmonie sociale et qu’elle place l’homme au centre de toutes choses, c’est à dire au coeur de la société.

Compassion - Lorsque celle-ci n’est pas simple pitié mais partage de sentiments éprouvés par les membres d’une même famille humaine,

Justice et Compassion sont les deux seules vertus nécessaires à l’humanité : Elles sont plus utiles à l’homme que toute autre charité !

Ainsi sont les voeux que nous nous souhaitons partager.

Pour Le Comité Consultatif du CNDH

Jean-Georges D’Ancoisne, Consultant en droits de l’homme, Président, 
Nadine Bangoura, Docteur en Droit, Vice Présidente

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