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[CARB] 15 ans avant les "acquittes d’outreau", jean groix

Mise en ligne : 1er février 2006

Aujourd’hui, force est de constater une nouvelle fois que des similitudes
existent dans les dysfonctionnements du système judiciaire entre l’affaire
d’Outreau et une affaire qui a frappé de plein fouet le milieu nationaliste
breton au début des années 1990 : l’affaire Jean Groix

Texte de l'article :

Objet : [CARB] 15 ans avant les "acquittes d’outreau", jean groix
Répondre à : C_A_R_B-owner@yahoogroupes.fr

Quinze ans avant les « acquittés d’Outreau », Jean Groix.

Au fil des auditions des « innocents d’Outreau » devant la commission
d’enquête parlementaire, les dysfonctionnements de l’institution judiciaire
française sont dévoilés publiquement et cela à tous les niveaux où elle
intervient : enquêtes, instruction, incarcération.
Comme à son habitude, dans les affaires criminelles, la presse impose ses
thèses à partir de ses sources habituelles proches de l’enquête, la police.
Cette médiatisation a souvent des conséquences désastreuses pour les acteurs
suspectés, mais aussi pour la recherche de la vérité.

Aujourd’hui, force est de constater une nouvelle fois que des similitudes
existent dans les dysfonctionnements du système judiciaire entre l’affaire
d’Outreau et une affaire qui a frappé de plein fouet le milieu nationaliste
breton au début des années 1990 : l’affaire Jean Groix.
Celle-ci a débuté le 29 novembre 1990 avec l’arrestation à Rezé d’un
militant breton dans le cadre d’une enquête sur le meurtre et le viol d’une
fillette de cette ville, Natacha Danais. Au cours d’une perquisition au
domicile de Jean Groix les enquêteurs découvrent trois militants basques
présentés immédiatement par la police comme des membres d ’E T A.
Voila les commentaires que l’on a pu lire dans les colonnes de Presse-océan
et de Ouest- France dans leur édition des 1er et 2 décembre 1990

"Natacha : un faux suspect et des vrais terroristes - l’insolite découverte
de l’enquête sur la mort de Natacha."
Les commentaires qui suivent ce titre sont pleins d’enseignement sur
l’orientation que donne les média sur cette affaire.

  • « Jeudi, les enquêteurs sur l’assassinat de la petite Natacha Danais, cette
    rezéenne de 13 ans dont on a retrouvé le corps samedi dernier sur une plage
    de Vendée. » « Or, sur leur liste de suspects il y avait le nom de ce
    vétérinaire d’une quarantaine d’années Jean Groix, récemment établi à Rezé.
    Le cabinet est situé juste en face du domicile de Natacha et le médecin
    possède deux fourgonnettes blanches, comme celles que la sœur de Natacha a
    cru apercevoir le jour de la disparition. Bien qu’il aurait été déjà été
    entendu, de nouveaux éléments auraient justifié la perquisition de jeudi. »
    .......... « Les enquêteurs recherchent le manteau violet qui n’a pas été
    retrouvé et tout autre indice" ».......... « Et quel rapport avec l’assassinat
    de Natacha Danais ? Aucun manifestement. On a pu croire, dans un premier
    temps, que la jeune voisine du vétérinaire avait percé à jour son secret.
    Mais les terroristes seraient-ils allés jusqu’à l’éliminer physiquement ?
     »...... « Le vétérinaire qui faisait un suspect en puissance. »
  • Fait sans doute aggravant, il connaissait bien la fillette. « Il l’aidait
    à faire ses devoirs de mathématiques quand elle en avait besoin. »
    Ceci n’est qu’un aperçu de ce qui a fait la une des journaux en ce début du
    mois de décembre 1990.
    Voilà donc une affaire qui démarre sur les chapeaux de roue, la presse est
    prête à juger avant la fin de la garde à vue avec des détails qui ne peuvent
    venir que de ses sources habituelles. A ce stade, il n’y a que la police qui
    puisse les communiquer. Plusieurs de ses services suivent cette affaire : la
    police judiciaire et la sûreté urbaine de Nantes et la 6ème DCPJ, ancêtre de
    la DNAT.
    Après plusieurs jours de vérification, les enquêteurs dissocient les deux
    affaires. La presse se calme, mais le mal est fait : « il n’y a pas de fumée
    sans feu », pour beaucoup le doute sur l’implication du militant dans le
    meurtre subsistera.

Emprisonné exclusivement pour raison politique : avoir hébergé des militants
basques
A la fin de la garde à vue, Jean Groix est transféré à Paris en compagnie
des trois militants basques qu’il avait hébergé pour être présenté à un juge
antiterroriste et incarcéré en région parisienne. Jean Groix, militant
politique, était capable d’assumer ses choix politiques d’aide aux Basques,
mais était t-il capable de supporter les accusations qui avaient été portées
contre lui pour ce qui est du meurtre de sa voisine ? C’est dans cet état
d’esprit qu’il est arrivé à la prison de Fresnes.

Parmi les témoignages des acquittés d’Outreau, celui de Daniel Legrand(
fils) retiendra notre attention. Il raconte avec ses mots son arrivée en
détention avec l’étiquette que le juge lui a épinglé sur le dos : « pointeur »
 ; c’est le terme employé en prison pour désigner un violeur et, dans le cas
présent, le violeur d’enfant. Il n’y a pas pire statut en prison, toutes les
humiliations sont permises de la part de ses codétenus, avec dans la
majorité des cas la complicité des surveillants. A titre d’exemple, il nous
dit comment « l’auxiliaire », c’est le nom donné au détenu qui sert les
repas aux autres détenus, lui crache dans sa nourriture avant de la lui
servir, et cela sous le regard du gardien. Au début, il ne mange rien puis,
affamé, il retire les crachats de son assiette et mange le reste. Il nous
dit qu’après une semaine d’humiliations permanentes, il doit être placé à
l’isolement complet pour être protégé. Son père nous raconte comment après
avoir été tabassé et brûlé avec de l’eau de javel dans les douches, il ne
sortira plus de sa cellule pendant vingt-quatre mois. Insupportable
d’arriver à cette situation pour un crime que l’on n’a pas commis.

Quand le militant Jean Groix est arrivé en détention, il s’est retrouvé dans
cette situation. En prison, milieu très fermé par excellence, les nouvelles,
vraies ou fausses, les rumeurs se propagent très vite et le personnel de
l’administration pénitentiaire n’est pas là pour y remédier, bien au
contraire.

Le 29 janvier 1991, Jean Groix était retrouvé sans vie dans sa cellule de la
prison de Fresnes, laissant derrière lui une femme et deux enfants et un
mouvement breton désemparé d’avoir perdu un des siens dans ces conditions.
Le soutien que nous lui devions n’a sans doute pas été à la hauteur de son
désarroi. Ce n’était pas seulement un militant politique, c’était aussi un
homme avec toutes les faiblesses que cela comporte psychologiquement,
surtout dans le contexte qu’on lui a imposé.

Cette douloureuse affaire aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter
sur le vice de certains policiers antiterroristes.
Au mois de mai 1992, à une semaine d’intervalle, deux séries d’arrestation
de militants ayant hébergé des Basques ont lieu en Bretagne. Pendant les
gardes à vue, des policiers se sont employés à salir la mémoire de Jean
Groix pour faire pression sur les personnes interrogées. Les policiers
affirmaient qu’ils étaient toujours persuadés de la culpabilité de Jean
Groix dans l’assassinat de Natacha. Non seulement ils l’affirmaient, mais
c’était à grand renfort d’exemples aussi sordides les uns et les autres.
« Jean Groix avait lavé sa camionnette à grande eau pour faire disparaître le
sang après le meurtre » ou encore « il avait gardé le cadavre pendant
plusieurs jours après le meurtre dans un congélateur à son cabinet médical.
 »« Les gens qui hébergent des Basques comme vous sont des assassins », « Le
vétérinaire de Rezé prenait des stagiaires très jeunes qu’il harcelait
sexuellement » « c’était un pervers sexuel, c’est pour cela que sa femme
l’avait quitté. Le tout bien sûr en exhibant les photos de la fillette sans
vie. Plusieurs personnes sont sorties de leur garde à vue en se posant de
nombreuses questions sur la part de vérité dans cette histoire, la pression
supportée pendant la garde à vue n’aidant pas à la sérénité de la réflexion.

Aujourd’hui, les déclarations détaillées de la compagne de Michel Fourniret
sur l’enlèvement de Natacha ne laissent plus aucun doute sur l’innocence de
Jean Groix dans cette affaire. Pendant combien d’années le doute a-t-il été
délibérément entretenu par des personnes possédant autorité en la matière ?
Quel média a jugé bon de réhabiliter Jean Groix ? Quel média décidera un
jour de consacrer autant de lignes et de conviction à affirmer l’innocence
d’un individu qu’il en avait pu faire pour alimenter la suspicion lors de
son arrestation ?

Le 31 janvier 2006
M. Herjean

[Les parties de ce message comportant autre chose que du texte seul on été supprimées]

Coordination Anti-Répressive de Bretagne
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22390 Boulvriag

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