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Bilan des six premières années d’exercices de la CNDS

Mise en ligne : 29 avril 2007

Texte de l'article :

INTRODUCTION

C’est en janvier 2001 que la Commission nationale de déontologie de la sécurité, au complet, s’est réunie pour la première fois. Certains de ses membres, tirés au sort, ont été remplacés au bout de trois ans. Pour les non-parlementaires, la durée d’un mandat non renouvelable étant de six années, trois autres membres, dont le président, quitteront prochainement leurs fonctions. Le moment est donc venu de faire le point sur l’activité de cette autorité administrative indépendante dont les saisines ne cessent d’augmenter. A l’instar d’organismes internationaux qui ont, en France, des pouvoirs d’investigation en matière de sécurité, elle a porté un regard sur le fonctionnement d’organismes qui, jusqu’alors, n’étaient soumis qu’à un contrôle hiérarchique et judiciaire. Au bout de six années et au vu de l’activité qu’elle a exercée, quelle place lui est aujourd’hui reconnue, et quelle est son efficacité ?

* * *

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) est une Autorité administrative indépendante créée par la loi n°2000-494 du 6 juin 2000. Sa création est la résultante de deux évolutions.

D’une part sur le plan national, la sécurité est une exigence de plus en plus revendiquée par les citoyens. Aux problèmes habituels de maintien de l’ordre et de garantie de la sécurité sur la voie publique se sont jointes des préoccupations croissantes quant à la sécurité dans les transports publics, quant à la maîtrise de certaines situations spécifiques tels que les contrôles des immigrants aux frontières ou celui de la population carcérale et, bien sûr, quant à la lutte contre la menace terroriste. En outre, cette demande accrue de sécurité conduit à ce que les diverses fonctions de sécurité - surveillance, contrôle, prévention, répression - traditionnellement exercées par les forces publiques, soient davantage déléguées à des personnes ou institutions privées. La variété des situations auxquelles s’applique la demande de sécurité ainsi que la variété des professionnels chargés d’y répondre exigeaient qu’un socle commun de règles déontologiques à toutes ces professions soit défini et respecté. La CNDS répond à cette attente.

En outre, une des plus fortes évolutions du droit public contemporain conduit à la création d’autorités administratives indépendantes dans toutes les activités où une instance arbitrale indépendante peut concourir à la qualité des relations entre l’Etat et les citoyens. Ainsi le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ou l’Autorité des Marchés Financiers occupent désormais une place considérable dans leurs secteurs respectifs. Par la loi du 6 juin 2000, les pouvoirs publics ont voulu inscrire le domaine de la sécurité dans cette évolution du droit moderne. Il s’agit par l’indépendance de cette Commission et la transparence de ses procédures de contrôle, de renforcer la confiance des citoyens envers les acteurs professionnels de la sécurité. Partant du principe que le respect s’obtient par des comportements respectables, l’objectif de la Commission est également de renforcer l’autorité des forces de sécurité en veillant à ce qu’elles ne se départissent, en aucune circonstance, d’un comportement fidèle aux règles déontologiques.

D’autre part, sur le plan international, la France s’inscrit dans une dynamique qui a vu se développer plusieurs organismes indépendants de contrôle tels que le Comité européen pour la prévention de la torture, le Commissaire européen aux droits de l’Homme ou le Comité contre la torture des Nations Unies dont le rôle est unanimement salué et qui disposent de pouvoirs de contrôle et de visite dans les lieux où des personnes sont privées de liberté. La Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg par sa jurisprudence, apporte également une contribution remarquée au respect des libertés fondamentales par les services chargés de la sécurité.

SYNTHÈSE Des recommandations

Au 1er septembre 2006, la Commission avait traité près de 280 affaires. Elle a rendu près de 200 avis et fait plus de 145 recommandations.

Toutes les saisines n’aboutissent pas à des recommandations. Il y a d’abord les dossiers que la Commission n’a pas examinés car ils lui sont parvenus plus d’une année après les faits. D’autres, ensuite, concernent certes des personnes appartenant à un service de sécurité mais agissant en dehors d’une mission de sécurité (contestations relatives à l’avancement, litiges entre collègues, décision et mise en place de services d’ordre, mesures administratives prises par l’administration pénitentiaire...).

Enfin, dans un nombre non négligeable de dossiers (une cinquantaine), la Commission, après enquête, a estimé que les personnes mises en cause avaient agi dans un cadre légal et sans qu’un manquement à la déontologie ait été constaté. À ces cas, il faut encore ajouter ceux dans lesquels la Commission n’a pu mener à bien son enquête par suite de la carence, volontaire ou non, du plaignant.

Les services concernés sont essentiellement ceux appelés à intervenir dans des circonstances bien précises. D’une part, au contact du public et des citoyens pour la police, dans le cadre de missions de sécurité publique dans la rue, ou dans le cadre des délicates missions dévolues à la police aux frontières, les services spécialisés tels que brigade des stupéfiants, brigade anti-terrorisme ou brigade financière n’ayant pas été concernés. D’autre part, dans des prisons dont les conditions d’enfermement, difficiles, peuvent causer des tensions.

La diversité des saisines a conduit la CNDS à se positionner sur de nombreux sujets et à formuler des recommandations. Leur synthèse permet de dégager des lignes de force. L’on distinguera, selon le service en cause, les recommandations concernant la police, celles concernant la gendarmerie, celles relatives à l’administration pénitentiaire et les recommandations relatives aux activités privées de sécurité.

La Police

Majoritairement saisie de dossiers concernant la police nationale, la Commission a été confrontée à de nombreuses situations dans lesquelles des manquements à la déontologie ont pu être observés.

Dans de nombreux dossiers, elle a relevé de la part des fonctionnaires des irrégularités dans les pratiques professionnelles : usage indu de la coercition (conduite au commissariat sans procédure ultérieure, placement en garde à vue injustifié, parfois en l’absence évidente d’une infraction, durée de garde à vue excessive) ; utilisation abusive des mesures de coercition (fouille de sécurité systématique et menottage serré contraires aux prescriptions de la circulaire ministérielle du 11 mars 2003 relative au respect de la dignité des personnes gardées à vue) ; emploi exagéré de gestes techniques professionnels d’intervention (GTPI) aboutissant à des blessures (notamment dans le cadre de reconduites à la frontière). Certains dossiers ont fait état de blessures graves et de séquelles irréversibles (traumatisme crânien, fractures de bras, du nez, de dents cassées, tympan perforé, lésions testiculaires), et deux affaires ont concerné le cas d’étrangers décédés dans l’avion à la suite de gestes de contrainte excessivement prolongés.

Des problèmes d’encadrement des fonctionnaires, particulièrement la nuit, et de commandement, notamment dans l’hypothèse de la présence de plusieurs équipages, ont été relevés, ainsi que des insuffisances de liaison entre les équipes sur le terrain et le centre de commandement. Plusieurs dossiers, en la matière, ont concerné des équipages de brigades anticriminalités.

La Commission a parfois été confrontée, après avoir enquêté, à des situations allant au-delà de la question du respect de la déontologie. Elle a saisi les autorités qualifiées chaque fois que les faits apparaissaient relever de sanctions pénales ou disciplinaires.

Depuis 2003, la CNDS a été saisie de quinze dossiers mettant en cause des manquements à la déontologie lors de la mise en œuvre de mesures d’éloignement d’étrangers du territoire français. Les dossiers ont concerné, d’une part, des opérations d’éloignement sous escorte policière, notamment dans le cadre d’un vol groupé, et, d’autre part, des conditions de maintien en zone d’attente ou en centre de rétention administrative. La CNDS a ainsi été amenée à intervenir sur la délicate question du placement de familles et de mineurs « accompagnants » en centre de rétention administrative, et sur le traitement de la minorité en zone d’attente. Ont aussi été constatés des pratiques et des gestes techniques professionnels d’intervention inadaptés ou excessifs, des violences, des manquements dus au non-respect de la dignité des personnes éloignées et aux droits des personnes placées en zone d’attente ou en centre de rétention administrative.

Au vu de ses constatations, la Commission s’est, dès les premières recommandations, intéressée à la question de la formation des personnels exerçant des activités de sécurité.

Constatant lors d’interventions dans des écoles que, si une place importante était accordée à la déontologie dans la formation, il n’en allait pas toujours de même dans la pratique sur le terrain, la CNDS a particulièrement insisté sur la nécessité d’assurer une formation continue de qualité des agents et de favoriser les conférences de retour d’expérience avec le supérieur local.

Elle a recommandé de renforcer la qualité de la formation initiale et continue des agents dans l’application du Code de procédure pénale et des règles en matière de vérification d’identité, de mise en garde à vue, d’utilisation des mesures de coercition, ainsi que sur le rôle des officiers de police judiciaire (OPJ). Elle a préconisé que l’accent soit mis sur l’obligation de conserver, quelles que soient les circonstances, une maîtrise de soi et le respect des règles de déontologie. À plusieurs reprises, la CNDS a également prescrit que soit renforcé en formation initiale et continue l’enseignement des gestes techniques permettant de maîtriser des personnes refusant de se soumettre.

A la formation de qualité doit s’ajouter une exigence de rigueur de la part des fonctionnaires.

Dans de nombreux dossiers, la Commission a rappelé l’importance du respect du Code de procédure pénale et des règles applicables, notamment de la circulaire ministérielle du 11 mars 2003. L’exemple des dossiers concernant des mineurs est significatif de cette exigence, régulièrement rappelée. La CNDS a aussi appelé à une plus grande rigueur dans la rédaction des comptes-rendus d’opérations et des actes de procédure, et ce afin de pouvoir s’assurer ultérieurement de leur légalité.

Au-delà du strict respect des règles de procédure, l’exigence de rigueur implique de la part des agents une gestion psychologique des conflits, une obligation d’impartialité et le respect de la règle de proportionnalité entre l’usage de la contrainte et les circonstances de la situation à gérer, pour que notamment ne dégénèrent pas des situations banales ou des affaires à l’origine sans gravité concernant des mineurs. Les cas d’interventions des forces de l’ordre dans le cadre de litiges privés ou la nuit sont aussi significatifs du risque d’envenimement de la situation et de la nécessité d’une bonne gestion psychologique des conflits.

La Commission a formulé plusieurs recommandations visant à mettre en place un meilleur encadrement. Les améliorations doivent se faire à plusieurs niveaux : d’une part, par la professionnalisation des personnels des centres d’information et de commandement (CIC), par l’existence d’une liaison effective et régulière entre les fonctionnaires sur le terrain et la station directrice - ce qui permettrait une meilleure évaluation de la situation initiale et un suivi efficace du trajet des fonctionnaires et de leur localisation sur le terrain -, et par la possibilité pour les fonctionnaires de consulter à tout moment un OPJ afin de pouvoir être conseillés sur la situation juridique et ses conséquences. D’autre part, la Commission s’est prononcée en faveur de la présence effective sur le terrain d’un gradé, notamment la nuit, où le travail des forces de sécurité est particulièrement délicat. Des recommandations identiques ont été formulées s’agissant d’opérations de reconduite à la frontière d’étrangers en situation illégale. L’encadrement, pour être efficace, doit être expérimenté. La CNDS préconise aussi qu’en cas d’intervention de plusieurs équipages, un responsable de la coordination soit automatiquement désigné. Enfin, la hiérarchie, et notamment les OPJ, doivent s’impliquer personnellement dans l’action de leurs fonctionnaires et assumer entièrement leurs responsabilités.

En 2004, la CNDS a réalisé une étude sur la part des discriminations dans les manquements à la déontologie relevés dans les dossiers qu’elle avait instruits. Cette étude fait suite à l’observation de situations et pratiques récurrentes mettant en scène les forces de l’ordre face à des « minorités dîtes visibles ». A travers ce travail d’analyse, la CNDS a pu démontrer le poids des préjugés et des représentations, ayant conduit à des manquements à la déontologie.

La Gendarmerie

Les saisines concernant ce corps sont rares. La Commission n’a pas compétence pour apprécier les actions de maintien de l’ordre concernant la gendarmerie mobile dont elle a été saisie et qui n’ont pas révélé d’actes individuels contraires à la déontologie. Seul un dossier a été adressé au Ministre de la Défense en vue d’éventuelles poursuites disciplinaires. Ce cas est apparu lors de violences exercées par un membre du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), après une prise d’otages en prison, alors que les auteurs étaient reconduits en cellule après la fin des opérations.

L’action de la gendarmerie départementale, agissant dans un autre contexte que la police nationale, et sous la responsabilité directe d’un gradé, n’a pas révélé de situations pouvant appeler des recommandations d’ordre général.

L’Administration pénitentiaire

La CNDS, depuis sa création, a reçu plus de soixante dossiers concernant l’administration pénitentiaire, dont quatorze reçus entre le 1er janvier et le 1er septembre 2006. Elle a rendu vingt six avis dans lesquels elle a émis des recommandations.

Les saisines reçues font essentiellement état de dysfonctionnements liés au manque d’informations dont dispose l’administration pénitentiaire concernant les détenus (non connaissance des antécédents judiciaires et psychologiques des détenus pouvant aboutir à une mauvaise affectation des arrivants ou à une mauvaise gestion des situations ; insuffisance des entretiens avec le personnel de la prison), ou de dysfonctionnements dans le dispositif de sécurité mis en place (insuffisance de la surveillance des détenus fragiles, notamment en quartier disciplinaire ; rapidité des contrôles ; surveillants non-gradés ne disposant pas des clefs des cellules la nuit en quartier disciplinaire). A plusieurs reprises, des carences dans les soins médicaux apportés aux détenus - par l’annulation des escortes policières notamment- ont pu être constatées.

Au-delà des manquements imputables à l’institution, des cas de mauvais traitements et de violences physiques commises sur des détenus par des agents ont été portés à la connaissance de la Commission. Dans deux des dossiers, la CNDS a d’ailleurs transmis sa recommandation au Garde des Sceaux en vue de l’exercice de poursuites disciplinaires.

La CNDS, dès ses premières recommandations, a insisté sur la nécessité d’établir un dossier individuel complet des détenus comprenant des informations de nature et d’origine diverses : antécédents judiciaires, informations médicales et psychiatriques, incidents survenus lors de l’arrestation, de la garde à vue ou lors de l’incarcération, informations à jour sur la détention (procédures de discipline, rapports d’incident). Elle a proposé de donner au chef d’établissement la possibilité, lorsqu’il pressent une situation difficile et qu’il ne dispose pas dans le dossier du détenu d’éléments médicaux pouvant guider la conduite à tenir, de commettre un médecin expert. Elle préconise de renforcer les moyens d’assistance psychologique, par exemple par l’augmentation du nombre d’entretiens avec les agents de l’administration pénitentiaire, le personnel médical, ou par la réduction des délais d’attente pour voir le psychiatre ou psychologue de l’établissement. La réunion de l’ensemble de ces informations permettrait à la fois une meilleure prise en charge des détenus lors de leur arrivée, une affectation appropriée, et que soient assurés une surveillance et un suivi efficace des détenus.

La Commission, saisie dans neuf dossiers à la suite du décès d’un ou de plusieurs détenus, dont six cas de suicide, considère que la mise en place d’un dispositif de sécurité efficace permettra d’éviter le passage aux actes de violence des détenus sur eux-mêmes ou entre détenus. Saisie de quatre cas de suicide en cellule disciplinaire, la Commission a attiré l’attention de l’administration pénitentiaire sur la nécessité d’une surveillance renforcée en quartier disciplinaire et sur l’urgence à doter ces quartiers d’un poste de surveillant fixe. Constatant que les fonctionnaires en service de nuit dans les petits établissements ne disposaient pas des clefs des cellules, la Commission a recommandé, estimant qu’une telle situation pouvait avoir des conséquences graves en cas d’incident, que des dispositions soient prises pour que, la nuit, les cellules puissent être ouvertes rapidement, sans que soit compromise la sécurité des surveillants et de l’établissement.

Observant que de meilleures conditions de détention participaient aussi à la prévention des suicides, la CNDS a préconisé une stricte application de la réglementation en matière de mise en prévention et de placement au quartier disciplinaire. Elle a proposé d’étudier d’autres modalités de préparation des dossiers pour les commissions de disciplines : l’instruction devrait être faite par un personnel, gradé et extérieur aux faits, et les observations d’un psychiatre et du médecin de l’UCSA [1] devraient être sollicitées.

Dans certains dossiers faisant état de violences de la part de surveillants ou relatifs aux conditions d’intervention de services d’ordre extérieur (ERIS [2] et GIGN [3]), lors de fouilles générales notamment, la Commission a recommandé d’une part qu’un contrôle plus strict de l’affectation des fonctionnaires soit effectué, et d’autre part que soient évitées les pressions et manœuvres d’intimidation sur les détenus afin d’obtenir des renseignements.

Saisie en 2003 et 2005 des conditions dans lesquelles ont été effectuées des fouilles générales, la Commission a pu, à cette occasion, émettre plusieurs recommandations : les fouilles ne doivent pas être d’une durée trop longue, surtout dans le cas d’un contexte météorologique défavorable, et les fonctionnaires doivent absolument préserver l’intégrité des objets personnels des détenus. Elles ne doivent pas donner lieu à une surenchère d’actions décidées par plusieurs autorités, au risque d’une confusion des compétences nuisible à l’efficacité et à la rapidité des opérations. La Commission, dans le cadre d’un dossier où étaient intervenus plusieurs services - agents pénitentiaires, ERIS et GIGN - a invité l’administration pénitentiaire à mener un travail de clarification des compétences de chacun.

Saisie à plusieurs reprises de dossiers mettant en cause l’annulation d’escortes policières pour des soins ou des examens médicaux, la Commission a préconisé l’accélération du programme d’ouverture des Unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), dont le protocole en matière d’escorte pose le principe d’un effectif de police ou de gendarmerie proportionnel aux besoins. Dans une autre saisine, elle a souhaité attirer l’attention sur le choix du moyen de transport pour les transfèrements de détenus handicapés.

Confronté au cas d’un détenu atteint d’une pathologie grave et qui avait été maintenu plusieurs jours en quartier disciplinaire malgré plusieurs certificats médicaux d’incompatibilité, la Commission avait demandé à ce que soit rappelé que de tels certificats ne laissent aucun pouvoir d’appréciation à l’administration pénitentiaire et doivent être exécutés. De même, dans un dossier où un détenu avait été blessé après l’intervention en force de trois surveillants et laissé sans soin pendant toute une nuit, la Commission avait demandé à ce que soit rappelée l’obligation de présenter au service de l’UCSA tout détenu blessé, ou de le faire examiner par un médecin d’un service d’urgence, et ce dans les plus brefs délais.

La Commission, confrontée dans un dossier aux difficultés rencontrées par les détenus pour accéder à l’outil informatique, relève que si le développement des outils informatiques et notamment d’Internet pose des problèmes de sécurité, ceux-ci ne peuvent conduire à leur interdiction totale. Elle a donc demandé une refonte de la circulaire du 21 avril 1997, relative à la gestion des ordinateurs appartenant à des personnes incarcérées, afin que soient précisées les utilisations possibles d’Internet, ainsi que les modalités de surveillance.

Les activités privées de sécurité et les services de sécurité des transports en commun

. Compte tenu du nombre de personnes travaillant dans des services de sécurité, alors qu’il peut être comparé aux effectifs de la sécurité publique, la CNDS s’est étonnée du très faible nombre de saisines transmises les concernant.

Exceptionnellement saisie en 2003, la CNDS s’est prononcée en faveur de l’augmentation des contrôles des personnes exerçant des missions de sécurité privée dans les lieux ouverts au public et de la qualité de leur formation, et a souhaité qu’une étude soit menée afin d’apprécier dans quelles conditions pourrait être établi un fichier unique permettant une vérification rapide des demandes d’accréditation par les autorisations préfectorales.

· Saisie de plusieurs dossiers mettant en cause soit le service de sécurité de la RATP, soit le service de sécurité de la SNCF (SUGE), la Commission s’est prononcée en faveur d’une amélioration de la qualité de la formation initiale et continue des agents. Elle a recommandé que, lors des formations, l’accent soit mis sur le respect des règles déontologiques et que soient rappelées les conditions de légalité des interpellations en flagrant délit. La CNDS a notamment souhaité que les agents soient formés à une gestion psychologique des conflits et qu’un stage de formation continue aux gestes techniques professionnels d’intervention soit imposé.

Elle a aussi attiré l’attention de la SNCF sur le contenu des instructions et la rédaction du référentiel d’appui utilisés par les agents de la SUGE, constatant que l’usage des menottes n’avait pas de fondement dans les instructions en vigueur et que la formule « mettre hors d’état de nuire toute personne présentant un danger », employée dans le référentiel, risquait d’ouvrir la porte à tous les abus.

Confrontée au cas d’une intervention conjointe des agents de la SUGE et de la police nationale, la Commission a souhaité que soit définie une répartition des compétences. L’arrivée des forces de l’ordre dessaisissant les agents de la SUGE, l’intervention doit alors être placée sous la seule autorité du fonctionnaire de grade le plus élevé.

LE RÔLE ET L’IMAGE de la Commission

Ces six années d’activité ont permis à la Commission de s’imposer progressivement dans son rôle de contrôle vigilant des activités de sécurité. L’augmentation constante du nombre de ses saisines et le soutien dont elle bénéficie, témoignent d’une meilleure notoriété et de l’attente qu’elle suscite pour faire progresser la transparence dans le champ de la sécurité.

Un rôle conforté

En France

Mieux connue du public et des parlementaires, la Commission voit, depuis sa création, le nombre de ses saisines augmenter de façon notable (Cf. Annexe III). Cet accroissement atteste de la nécessité de son existence aux yeux des citoyens et de leurs représentants.

A la suite d’un gel de ses crédits en 2005, la Commission, confrontée à l’impossibilité de traiter de nombreux dossiers, avait alerté par courrier l’ensemble des parlementaires de sa situation. Les réactions furent nombreuses puisque soixante trois questions écrites ont été transmises, principalement au Premier ministre, ainsi que de nombreux articles alertant l’opinion publique à ce sujet. A travers ce soutien, la Commission a pu mesurer la confiance que les parlementaires lui accordaient, ainsi que leur volonté de voir se poursuivre sa mission. De nombreuses associations, parmi lesquelles l’Association des Chrétiens pour l’abolition de la Torture, Amnesty-France, la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Observatoire international des prisons et le Syndicat de la Magistrature, ont fait état publiquement de leur préoccupation de voir une autorité indépendante contrainte dans son activité.

En vertu de l’article 7 de la loi du 6 juin 2000, la Commission adresse, aux autorités publiques et aux dirigeants des personnes privées, tout avis ou recommandation visant à remédier aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement. Elle peut aussi proposer au gouvernement des modifications de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence (article 11).

La Commission estime avoir rempli son rôle lorsque, à l’occasion de cas particuliers, des directives générales sont prises pour améliorer le fonctionnement des services, comme ce fut le cas dans les exemples suivants.

En 2003, la CNDS a salué la diffusion de la circulaire du 11 mars 2003, relative à la dignité des personnes gardées à vue, qui rappelle aux fonctionnaires de police plusieurs règles essentielles, notamment en matière de fouille de sécurité, de menottage, d’alimentation, d’hygiène ou de droits de la défense.

Saisie en 2003, de deux dossiers dans lesquels des personnes étaient décédées lors de leur éloignement du territoire, la CNDS a relevé avec attention les préconisations contenues dans l’instruction du Directeur général de la police nationale, en date du 17 juin 2003, qui précise la spécificité des gestes techniques professionnels d’intervention lors des opérations d’éloignement.

Elle a, d’une part, accueilli favorablement l’adoption d’une instruction en date du 14 juin 2004 du ministère de l’Intérieur relative aux modalités d’utilisation des produits incapacitants notamment en milieu fermé. L’instruction faisait suite à son avis 2002-29, dans lequel avait été mise en cause l’utilisation de gaz lacrymogènes pour faire évacuer une salle où se tenait un banquet de mariage ; la Commission avait demandé qu’en soient précisées les conditions d’utilisation. D’autre part, la CNDS a salué l’adoption par la Direction générale de la police d’une instruction en date du 13 septembre 2004 visant à rappeler aux fonctionnaires de police que la décision de recourir au menottage doit être prise avec discernement, en considération des circonstances de l’affaire et du principe de proportionnalité.

La « nouvelle instruction sur les brigades anticriminalités », diffusée le 2 août 2004, a, quant à elle, permis de répondre aux recommandations de la CNDS concernant l’insuffisance de l’encadrement et du suivi de l’action de ces unités.

L’année 2005 a vu l’aboutissement d’une enquête sur les interventions de police la nuit, réclamée à plusieurs reprises par la CNDS. La note de service découlant de cette étude « prévoit la présence d’un officier ou d’un brigadier major spécifiquement chargé de la voie publique, responsable de la direction et du contrôle des effectifs en intervention » ; elle rappelle en outre « les principes qui guident la désignation du responsable de l’intervention ». Dès son rapport 2003, la Commission proposait que les équipages intervenants puissent à tout moment consulter un OPJ, et que soit développée une technique de désignation automatique d’un responsable en cas d’absence de gradé sur le terrain.

Le ministère de la Justice a par ailleurs réactualisé, par une circulaire du 10 janvier 2005, le guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection sociale. Le problème avait été soulevé par la CNDS dans plusieurs dossiers, parus dans le rapport 2004, concernant les difficultés d’accès aux soins rencontrés par les détenus, leurs conditions d’hospitalisation et leurs dossiers médicaux qui ne les suivaient pas lors de leur transfèrement.

Ces exemples, non exhaustifs, permettent d’illustrer le rôle de la CNDS dans l’amélioration des conditions d’exercice des activités de sécurité.

A l’étranger

Saluée par plusieurs instances internationales de défense des droits de l’Homme, la Commission s’affirme aussi au plan international.

Dans une recommandation du 24 novembre 2005 faisant suite à l’examen du troisième rapport périodique remis par la France, le Comité contre la torture des Nations Unies (CAT) a accueilli favorablement la création de la Commission. Préoccupé par le fait que la CNDS ne peut être saisie directement par une personne mais uniquement par le biais d’un parlementaire, du Premier ministre ou du Défenseur des enfants, il a recommandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à toute personne, victime de torture ou d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant de saisir directement la Commission.

Pour la première fois interrogée par le CAT dans le cadre de son rapport sur la France sur « le nombre de plaintes relatives à la torture examinées par la CNDS depuis sa création », la Commission a transmis un relevé des dossiers les plus préoccupants traités depuis 2001.

Sur le plan européen, M. Alvaro GIL-ROBLES, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, a fait référence, dans son rapport du 15 février 2006 sur le respect effectif des droits de l’Homme en France, au rôle central de la Commission, qu’il considère comme une institution qui doit être « à tout prix préservée et renforcée ». Il a salué « le travail honnête, objectif et responsable accompli par la CNDS et reconnu par le public » et s’est étonné des difficultés financières rencontrées par la Commission. A l’instar du CAT, il a préconisé « une réforme du fonctionnement de la CNDS allant dans le sens d’un élargissement de ses compétences, soutenue par une augmentation budgétaire ».

Des contacts ont notamment été pris avec les institutions équivalentes à l’étranger et un colloque intitulé « Approche internationale de la déontologie policière » a été organisé en octobre 2006 avec nos partenaires européens et canadiens.

La persistance des réticences et des préjugés

La Commission ne peut que constater que certaines réticences et préjugés persistent à son encontre. Elle souligne que son rôle n’est pas de discréditer l’action des services de sécurité mais de relever des dysfonctionnements institutionnels, ou éventuellement de dénoncer des dérives individuelles préjudiciables à l’image des services de sécurité et ainsi, par ses recommandations, améliorer les conditions d’exercice de leur activité et les relations entre les acteurs de la sécurité et les citoyens.

La Commission n’estime pas suffisante une réponse des autorités hiérarchiques disant que la loi a été appliquée. La déontologie va au-delà. Elle implique de la part du fonctionnaire le respect des droits reconnus à l’autre, notamment sa dignité et la proportionnalité entre les moyens utilisés et le but à atteindre.

La CNDS déplore les difficultés auxquelles elle est parfois confrontée pour se faire entendre des autorités concernées. A plusieurs reprises, les analyses faites par la Commission ont été contestées et celle-ci a dû compléter ses propositions en rétablissant les faits matériels au vu du dossier (2003-43 ; 2004-3 ; 2004-5 ; 2004-54 ; 2005-24 ; 2004-87).

La CNDS est aussi particulièrement attentive aux réponses qu’elle reçoit des autorités hiérarchiques lorsque, dans ses dossiers les plus sensibles, elle a recommandé que des sanctions disciplinaires soient prises. L’analyse des réponses reçues a mis en évidence que l’autorité, saisie par la CNDS pour engager des poursuites, décide souvent d’attendre que le juge pénal ait statué sur les mêmes faits pour prendre une sanction à l’égard d’un agent public. Bien que cette manière de procéder soit légale, elle n’est pas obligatoire, voire même souhaitable [4]. La CNDS estime que dans certains dossiers où la réalité des faits n’est pas douteuse, une sanction administrative devrait intervenir sans délai, au risque de voir se développer le sentiment d’impunité.

Lors des auditions de fonctionnaires, les membres de la CNDS peuvent souvent mesurer leur appréhension, leur sentiment d’incompréhension quant aux raisons de leur convocation et leur manque d’information sur le rôle exact de cette nouvelle institution. Les membres de la Commission s’attachent donc, à chaque audition, à expliquer son rôle et les modalités de son fonctionnement.

L’article 15 alinéa 6 de la loi du 6 juin 2000 offre la possibilité aux personnes auditionnées de se faire assister du conseil de leur choix. A cet égard, la CNDS constate l’existence d’une instruction conseillant aux fonctionnaires de police d’être systématiquement accompagnés de leur hiérarchie et demandant expressément l’envoi des procès-verbaux à la direction centrale. Ce texte est motivé par la « défense » des policiers alors que la Commission n’a pas pour rôle de les mettre en accusation. Pour préserver le libre choix du conseil des fonctionnaires auditionnés, institué par le législateur, la CNDS a décidé, en septembre 2004, de compléter son règlement intérieur par un article 6 qui précise que « ce conseil ne peut être une personne susceptible d’être entendue sur les faits dont la Commission est saisie ».

Elle tient à préciser que les auditions menées offrent la possibilité à chacun de s’exprimer en toute liberté sur les faits dont elle est saisie, permettant ainsi de procéder à une enquête contradictoire et objective. Sollicitée à plusieurs reprises par certains avocats qui demandaient à pouvoir obtenir les pièces du dossier, la CNDS a dû rappeler qu’elle n’était ni une juridiction, ni une instance disciplinaire, et que seul un juge d’instruction saisi pouvait lui demander la transmission des procès-verbaux d’audition.

Des propos virulents, parfois même outrageants, ont été tenus par certains syndicats de police, notamment à l’égard de deux de ses membres appartenant à la société civile. Certaines mises en cause publiques, au cours du traitement de dossiers délicats, se sont apparentées à des mesures d’intimidation visant à entraver le fonctionnement de la CNDS. Il n’est pas acceptable qu’un syndicat professionnel remette en cause la légitimité d’une Autorité administrative indépendante créée par la loi, ainsi que la légitimité de ses membres. Sa composition, issue aussi bien de la représentation nationale, des grands corps de l’Etat, que de la société civile, est une garantie essentielle de son indépendance et de la qualité de son travail.

La France, à l’instar d’autres pays, a créé une instance indépendante de contrôle des activités de sécurité. Cette institution ne se substitue pas aux corps d’inspections internes des administrations, ni à l’action de la justice. La CNDS répond d’abord aux exigences d’un plus grand contrôle démocratique des institutions de sécurité et à la demande des citoyens d’une prise en compte indépendante de leurs réclamations en cas de litige. Elle satisfait par ailleurs aux critères internationaux en matière de respect des droits de l’Homme et de transparence de l’action des pouvoirs publics.

La Commission est consciente des réalités du terrain et des difficultés auxquelles peuvent être confrontés les agents publics ou privés. Cette conscience lui permet de porter une appréciation circonstanciée sur les irrégularités de procédure, les manquements au respect dû à la dignité de la personne humaine ou à la déontologie.

CONCLUSION

L’inobservation volontaire d’une règle de procédure trouve normalement sa sanction en justice et sur le plan disciplinaire. Mais sous l’influence de la Convention européenne des droits de l’Homme (et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg), l’action des services de sécurité prend une autre dimension. Dans toute action, le principe de proportionnalité s’impose ; il a même été inséré par la loi du 15 juin 2000 dans l’article préliminaire du Code de procédure pénale. Autrement dit, l’on peut se trouver dans les conditions de forme et de délai prévues par la loi sans que cela dispense d’un autre regard pour guider l’action.

La circulaire du 11 mars 2003 ne dit pas autre chose : le fonctionnaire de police doit respecter la dignité de celui qu’il interpelle, interroge, met en garde à vue, et auquel il peut faire subir des contraintes. On sait que dans la Convention européenne, le droit à la dignité ne souffre aucune exception. C’est ici que doit intervenir la déontologie qui fait la force d’une profession souvent confrontée à des situations difficiles.

Les formalités légales, l’autorisation accordée (par la hiérarchie ou un tiers, médecin ou enseignant par exemple) laissent une marge d’appréciation. On ne doit plus parler de garde à vue « de confort », pour que le service puisse avoir des facilités pour enquêter. La Commission estime avoir rempli son rôle lorsque des circulaires encadrent l’action dans cette direction. D’autres pays sont engagés dans cette direction. C’est dans cette perspective que travaille la Commission, consciente qu’ainsi, elle œuvre pour que soient respectées des institutions au service du public.

L’avenir de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, jeune institution, doit cependant être consolidé en moyens humains afin de traiter, dans un délai utile toutes les saisines qui lui parviennent, ce qui constitue le cœur de la mission fixée par la loi du 6 juin 2000.

ANNEXES

I- Composition

La loi n°2003-239 du 18 mars 2003 a modifié la composition initiale de huit membres en portant le nombre à quatorze afin de permettre à la Commission de faire face à l’augmentation croissante de ses saisines.

Nommés pour une durée de six ans non renouvelable, les membres de la Commission sont issus à la fois de la représentation nationale, des grands corps de l’Etat et de la société civile. La CNDS est composée d’un président, nommé par décret du Président de la République ; de deux sénateurs, désignés par le président du Sénat ; de deux députés, désignés par le président de l’Assemblée Nationale ; d’un conseiller d’Etat, désigné par le vice-président du Conseil d’Etat ; d’un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général de la dite cour ; d’un conseiller maître, désigné par le premier président de la Cour des comptes ; et de six personnalités qualifiées, qui sont cooptés par les autres membres de la Commission.

Afin d’éviter qu’un membre ne soit suspecté de partialité en raison de ses activités ou de ses fonctions, « la qualité de membre de la Commission est incompatible avec l’exercice, à titre principal, d’activités dans le domaine de la sécurité » [5].

II- Compétences et fonctionnement

Chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a un champ de compétence étendu, fondé à la fois sur un critère organique - l’appartenance à un corps ou un service de sécurité - et sur un critère matériel - l’exécution ou la participation à une mission de sécurité -. Seuls ceux qui exercent une mission de sécurité ont vocation à entrer dans le champ de compétence de la Commission.

Sont concernés aussi bien les agents des services publics que les personnes privées exerçant des missions de sécurité : agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de l’administration pénitentiaire, des douanes ou des agents des collectivités territoriales et des établissements publics (police municipale, garde champêtre...). S’agissant des services privés de sécurité, le champ retenu recouvre l’ensemble des prestataires de sécurité relevant des activités de surveillance, de gardiennage et de protection des personnes (notamment les services de sécurité des transports en commun).

Les modalités de saisine de la Commission sont doubles : elle peut être soit saisie directement par un parlementaire, le Premier ministre ou, depuis la loi n°2003-239 du 18 mars 2003, le Défenseur des enfants, qui agissent de leur propre chef ; soit, et c’est le cas le plus fréquent, elle est saisie par un parlementaire à la suite d’une réclamation qui lui a été adressée. Ce droit de réclamation appartient à toute personne, française ou étrangère, victime ou témoin de faits qu’elle estime contraire aux règles de déontologie, ainsi qu’aux ayants droit des victimes. Le parlementaire agit alors comme un filtre et dispose d’un pouvoir d’appréciation. Les plaignants sont libres de choisir le parlementaire de leur choix sans être contraints par une zone géographique précise (lieu des faits, domicile du plaignant...). Il ne peut toutefois s’agir des parlementaires, membres de la Commission.

Suite aux demandes du Médiateur de la République et du Président de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité, des propositions ont été faites afin d’élargir les modalités de saisine et leur permettre de transmettre à la Commission les réclamations qu’ils reçoivent et qui relèvent de la compétence de la CNDS. Seule la loi peut y donner suite.

Pour être recevable, la réclamation doit être adressée à la Commission dans l’année qui suit les faits.

Deux membres, chargés de mener l’ensemble de l’instruction et de rédiger l’avis et les recommandations éventuelles, sont en général nommés sur chaque dossier.

Confrontée à l’augmentation régulière de son volume d’activité (le nombre de saisines a été multiplié par cinq depuis 2001), la Commission a émis le souhait de modifier son fonctionnement. Elle a souhaité la création de deux postes de rapporteurs à plein temps afin que désormais les binômes se composent d’un membre et d’un rapporteur, ce qui permettrait de démultiplier la capacité de traitement des dossiers. Un seul a pu être recruté à temps partiel en 2006.

Pour traiter efficacement les réclamations qu’elle reçoit, la Commission dispose d’un certain nombre de prérogatives. En premier lieu, elle a un droit de communication qui lui permet d’obtenir des autorités publiques ou des personnes privées les informations et pièces qu’elle juge utile à l’exercice de sa mission. En contrepartie, les membres de la Commission sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance.

Elle dispose aussi d’un droit d’audition qui lui permet d’entendre toutes les personnes susceptibles d’apporter des éléments nécessaires à l’exercice de sa mission. Pour ce faire, une convocation mentionnant l’objet de l’audition est préalablement envoyée, les personnes auditionnées peuvent être assistées du conseil de leur choix, un procès-verbal d’audition est dressé et un exemplaire est remis à l’intéressé. Plus de 600 auditions ont été menées par les membres de la Commission depuis 2003 (hors auditions menées en 2006).

Toute absence à une audition est selon l’article 15 de la loi du 6 juin 2000 susceptible de sanctions pénales. A ce jour, une seule personne a fait l’objet de transmission au parquet pour non présentation aux convocations de la CNDS. Dans l’hypothèse où la Commission est confrontée au refus du plaignant d’être auditionné ou de poursuivre plus avant l’enquête menée, elle décidera le plus souvent de classer l’affaire.

En revanche, lorsqu’elle n’a pu entendre le plaignant en raison de circonstances extérieures à sa volonté (éloignement du territoire pour les étrangers sans papiers par exemple) ou de sa crainte d’éventuelles mesures de rétorsion (cas des détenus avant leur libération ou des étrangers en situation irrégulière, susceptibles d’obtenir des papiers), elle poursuit l’instruction.

La Commission a notamment la possibilité de demander aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle placés sous leur autorité afin de faire procéder à des études, des vérifications ou des enquêtes.

Les membres de la Commission peuvent aussi procéder à des vérifications sur place et avoir accès aux lieux où se sont déroulés les faits. Ces vérifications ne peuvent s’effectuer que dans les lieux publics et les locaux professionnels, en aucun cas à un domicile. Les visites permettent aussi d’entendre les personnes qui ne peuvent se déplacer au siège de la Commission (détenus, étrangers retenus). Plus d’une vingtaine de déplacements pour audition ou visites des lieux ont été réalisés depuis 2001 dans des commissariats ou des locaux de police, dans des centres ou locaux de rétention et dans de nombreux établissements pénitentiaires. De plus, la CNDS dispose d’un droit de consultation de toute personne dont le concours lui paraît utile.

La Commission, autorité consultative, est dépourvue de pouvoir de sanction. Son rôle est d’émettre un avis et des recommandations destinés aux autorités publiques et aux dirigeants des personnes privées compétents et habilités à leur donner suite. Il appartient à ces derniers de tirer les conséquences de l’appréciation portée par la Commission sur la réclamation dont elle a été saisie. La Commission peut toutefois indiquer au Gouvernement les modifications de législation ou de réglementation souhaitables dans la limite de son domaine de compétence. Quelle que soit la suite donnée, la Commission devra en être informée. Elle fixe un délai de réponse et peut, si elle estime que son avis ou sa recommandation n’a pas été suivi d’effet, établir un rapport spécial publié au Journal officiel de la République française. Cette procédure a été mise en œuvre une seule fois en 2004 [6].

La Commission est un instrument supplémentaire offert aux citoyens qui vient s’ajouter au pouvoir judiciaire et disciplinaire existant. La loi a donc organisé les relations avec ces autorités. Le principe est qu’en aucun cas, la Commission ne peut se substituer à ces deux autorités et son intervention ne saurait les dessaisir de leurs compétences et prérogatives. Elle ne pourra intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle puisqu’elle ne constitue pas une instance d’appel. A l’inverse, l’existence d’une procédure judiciaire ne doit pas entraîner la paralysie ou le dessaisissement de la Commission. Elle pourra donc obtenir communication des pièces avec l’accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, bien qu’une enquête ou une information judiciaire ait été ouverte ou que des poursuites judiciaires soient en cours. La Commission observe que les délais parfois de plus de six mois pour obtenir communication des pièces ou connaître les suites données retardent le traitement des dossiers. Ces retards aggravent l’engorgement de la CNDS, ils ont aussi pour conséquence qu’une procédure judiciaire parallèle puisse aboutir à un jugement qui s’imposera à la CNDS, alors qu’elle n’aura pas eu les pièces nécessaires pour mener à bien son instruction.

Si les faits dont elle est saisie lui semble constituer une infraction pénale, la Commission a le devoir de les porter à la connaissance du procureur de la République. Celui-ci la tiendra alors informée des suites données à ce signalement. Le même principe vaut dans l’hypothèse de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Les rapports 2004 et 2005 de la CNDS font état de onze affaires transmises au procureur de la République et de quatorze demandes de poursuites disciplinaires dont quatre au Garde des Sceaux, cinq au ministre de l’Intérieur, une au ministre de la Défense et quatre au procureur général, compétent en matière de discipline des officiers de police judiciaire (OPJ) [7].

Lors de l’adoption des avis, la Commission recherche et obtient l’unanimité en séance plénière, après discussion de l’ensemble des membres présents.

Afin de faire connaître son activité, la Commission remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport, rendu public, sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité.

Depuis 2004, la CNDS publie, dans son rapport annuel, des études spécifiques sur les problématiques récurrentes qu’elle a pu observer. En 2004, elle a publié une étude sur la part des discriminations dans les manquements à la déontologie, et en 2005 a été publiée une étude sur les mesures d’éloignement d’étrangers traitées par la CNDS.

III- Statistiques

Depuis le début de son activité, la Commission a enregistré 419 saisines [8]. Au 1er septembre 2006, 129 dossiers restent à instruire. Son activité est marquée par une augmentation continue, passant de 19 saisines enregistrées en 2001 à 40 en 2002, à 70 en 2003 puis à 97 en 2004, et 108 en 2005. En cinq ans, le volume d’activité de la Commission a donc été multiplié par cinq. La progression semble se confirmer puisque entre le 1er janvier et le 1er septembre 2006, elle avait déjà reçu plus de 85 saisines.

Parallèlement, la Commission a été saisie en 2005 de plus de soixante réclamations parvenues directement à ses services et qu’elle ne peut traiter n’étant pas saisie par un parlementaire. Au 1er septembre 2006, le nombre de saisines directes dépassait les soixante.

Les saisines ont, dans les premières années d’exercice, essentiellement concerné la police nationale et dans une moindre mesure l’administration pénitentiaire et la gendarmerie. Dès 2003, cette typologie s’est peu à peu diversifiée et la Commission a notamment été saisie de faits se rapportant à la police municipale, aux services des douanes et aux services de sécurité des transports en commun. La police nationale reste proportionnellement le service le plus mis en cause avec souvent plus de 50% des saisines enregistrées qui concernent les fonctionnaires de police. Ainsi en 2003, le nombre de saisines reçues concernant la police nationale était de 50 sur 70. En 2004 ce chiffre était de 60 saisines sur 97, hors décisions de classement et en 2005 de 72 sur 108 saisines (hors décisions de classement également).

Actuellement, la Commission est saisie par des parlementaires de tous les groupes. Le nombre de saisines émanant de la Défenseure des enfants est resté relativement peu élevé (deux en 2003, trois en 2004 et six en 2005).

IV- Budget

Dotée d’un budget de 452.827 € en 2002, le budget de la CNDS est de 613.629 € en 2006.

Chaque année, à l’instar de nombreuses administrations, la CNDS a vu une partie de ses crédits annulés en raison de régulation budgétaire. Ces restrictions des crédits de fonctionnement eurent, en 2005, des conséquences sur le fonctionnement de la Commission.

Composée de quatorze membres qui ont soit une activité professionnelle à temps plein soit des responsabilités dans des organismes nationaux ou internationaux, la Commission n’a disposée que d’un emploi de secrétaire général et de deux emplois de secrétariat jusqu’en 2006. Cette formation, suffisante à sa création, ne répond plus aux nécessités actuelles.

Afin d’accélérer le traitement des dossiers, la Commission a été autorisée en 2006 à recruter des vacataires, qui, à temps partiel, participeront à la préparation des dossiers.

En 2007, la CNDS pourra recruter deux emplois à plein temps supplémentaires.

La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances place le budget de la CNDS dans le programme « Direction de l’action du gouvernement » et dans l’action « Défense et protections des libertés ».

Composition de la CNDS

De 2000 à 2003 :

Président :
- M. Pierre TRUCHE, Premier président honoraire de la Cour de cassation

Membres
- M. Jean-Pierre SCHOSTECK, sénateur des Hauts-de-Seine
- M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis
- M. Guy FOUGIER, conseiller d’Etat honoraire
- M. Daniel FARGE, conseiller à la Cour de cassation
- M. Georges CAPDEBOSCQ, conseiller à la Cour des comptes
- Mme Liliane DALIGAND, professeur des universités en médecine légale et droit de la santé, chef du service des urgences psychiatriques à l’Hôpital Lyon-Sud
- Mme Tassadit IMACHE, assistante sociale, écrivain

Depuis 2003 :

Président
- M. Pierre TRUCHE, Premier président honoraire de la Cour de cassation

Membres
- M. Jean-Patrick COURTOIS, sénateur de la Saône-et-Loire
- M. Jean-Claude PEYRONNET, sénateur de la Haute-Vienne
- M. Gérard LÉONARD, député de Meurthe-et-Moselle, remplacé en juin 2006 par M. Alain MARSAUD, député de la Haute-Vienne
- M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis
- M. Pierre RIVIÈRE, conseiller d’Etat honoraire
- M. Jean-Claude POMETAN, conseiller à la Cour de cassation
- M. Louis GAUTIER, conseiller à la Cour des comptes
- Mme Liliane DALIGAND, professeur des universités en médecine légale et droit de la santé, chef du service des urgences psychiatriques à l’Hôpital Lyon-Sud
- Mme Tassadit IMACHE, assistante sociale, écrivain
- Mme Catherine WIHTOL de WENDEN, directrice de recherches au CERI (CNRS/FNSP)
- M. Jean BONNARD, avocat, ancien bâtonnier du barreau de Lyon
- M. Akli MELLOULI, responsable de programme contre les discriminations
- M. Jacques NICOLAÏ, commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale

Notes:

[1UCSA Unité de consultation et des soins ambulatoires

[2ERIS Equipe régionale d’intervention et de surveillance

[3Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale

[4CE 13 décembre 1968, ministre des Finances c/ Gomard, Rec. p. 652, et 27 janvier 1993, Ivars, Rec. p. 852

[5Article 2 de la loi n°2000-494 du 6 juin 2000

[6V. J.O. no 84 du 8 avril 2004, p. 6703 et Rapport CNDS 2003, saisine 2003-23, p. 290 s.

[7Dans un des dossiers, la Commission a transmis son avis en vue de l’exercice des poursuites disciplinaires à la fois au Garde des Sceaux et au ministre de la Défense. Cf. saisine 2004-31, Rapport CNDS 2004, p. 386

[8Saisines enregistrées et comptabilisées jusqu’au 1er septembre 2006