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Date : 9-05-2005

B06 La cour d’assises

Publication originale : 1er mai 2002

Dernière modification : 6 avril 2008

Juridiction chargée de juger les infractions les plus graves, les « crimes », la cour d’assises est souvent le lieu de procès spectaculaires et de condamnations lourdes. La présence de jurys populaires est à l’origine d’une grande inégalité des condamnations prononcées. Le phénomène de l’allongement des peines qui caractérise la Justice pénale ces dix dernières années concerne en premier lieu les condamnations prononcées par les cours d’assises.

Texte de l'article :

145 Qu’est-ce que la Cour d’assises ?
La cour d’assises est la juridiction compétente pour juger les « crimes », au sens juridique du terme (par exemple, le viol est un crime), sauf ceux commis par les mineurs âgés de moins de seize ans qui relèvent du tribunal pour enfants. Cette cour présente un certain nombre de particularités. En premier lieu, elle associe, pour juger les infractions les plus graves, de simples citoyens aux magistrats professionnels. En effet, neuf jurés sont tirés au sort sur les listes électorales afin de former un jury, qui statue dans chaque affaire. Le président de la cour d’assises est quant à lui un magistrat de la cour d’appel. A ses côtés, siègent deux assesseurs qui sont des magistrats de la Cour d’appel ou du tribunal de grande instance. L’accusation est représentée par « l’avocat général ». La procédure est orale. Le jury et les assesseurs ne peuvent s’appuyer que sur les propos tenus au cours de l’audience pour se forger une opinion, mais le président a connaissance du dossier. Ce principe de jury populaire fait l’objet de vives critiques. En effet, les jurés n’ont par définition aucune compétence juridique et technique et sont, de ce fait, extrêmement influençables. Il existe par conséquent une grande disparité dans les verdicts que rendent les cours d’assises. Deux crimes identiques jugés le même jour dans deux cours d’assises différentes peuvent conduire à des sentences sans commune mesure.
Articles 232 et suivants du Code de procédure pénale, 9 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante

146 Qu’est-ce que l’interrogatoire préalable de l’accusé ?
Le président de la cour d’assises doit procéder à un interrogatoire de l’accusé au moins cinq jours avant le début du procès. Il s’assure alors de son identité, vérifie qu’il a reçu signification de la mise en accusation et qu’il est assisté d’un avocat. L’interrogatoire ne doit pas porter sur le fond de l’affaire. Il doit permettre au président de s’informer de la personnalité de l’accusé. Il y a lieu hors la présence de son avocat, mais avec l’assistance d’un interprète si nécessaire.
Articles 272, 273 et 275 du Code de procédure pénale

147 L’assistance de l’avocat est-elle obligatoire devant la cour d’assises ?
L’assistance de l’avocat auprès de l’accusé est obligatoire. Toutefois, l’accusé peut, sur autorisation du président uniquement, se faire assister par un parent ou un ami. Celui-ci reçoit alors de la part du président l’avertissement « qu’il ne doit rien dire contre sa conscience ou le respect dû aux lois et qu’il doit s’exprimer avec décence et modération ». Il s’agit là d’une procédure tout à fait exceptionnelle et pratiquement tombée en désuétude. Si l’accusé n’a pas choisi d’avocat, où si celui-ci ne se présente pas à l’audience, le président en désigne un d’office. Néanmoins, cette désignation n’a plus d’effet si, par la suite, l’accusé désigne lui-même un défenseur. Il peut le faire y compris après l’ouverture des débats.
Articles 272, 275 et 317 du Code de procédure pénale

148 Un changement d’avocat commis d’office peut-il intervenir à l’audience ?
L’avocat commis d’office ne peut refuser sa mission sans faire approuver ses raisons par le président. Le président peut néanmoins commettre d’office un avocat récusé par l’accusé. Si cet avocat refuse la commission d’office pour ne pas aller à l’encontre de la volonté de l’accusé, il commet une faute disciplinaire susceptible d’être sanctionnée. Le président peut alors désigner un nouvel avocat mais il peut aussi passer outre, la Cour de cassation ayant jugé que l’absence de défenseur n’était, dans ce cas de figure, imputable ni à la Cour ni au ministère public. Toutefois, le président ne peut commettre d’office un avocat sans lui laisser le temps de préparer sa défense et, en particulier, lui refuser un renvoi sans tenir compte de l’importance et de la complexité du dossier. L’accusé insatisfait du choix de l’avocat commis d’office par le président peut lui interdire d’intervenir mais il ne peut pas se prévaloir de cette circonstance pour obtenir la cassation du procès dès lors qu’il n’a pas lui-même choisi un autre défenseur.
Articles 6§3 de la Convention européenne des droits de l’homme, 317 du Code de procédure pénale, chambre criminelle de la Cour de cassation

149 Le dossier de la procédure est-il remis à l’accusé ?
Le dossier criminel est mis gratuitement à disposition de l’accusé mais l’obligation de délivrance gratuite ne porte que sur les procès-verbaux constatant l’infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d’expertise. A cet égard, la pratique des greffes de chambres de l’instruction est variable mais la plupart d’entre elles délivrent gratuitement la quasi-totalité du dossier. Cependant, l’avocat doit s’assurer que le dossier est complet et demander une copie, à ses frais, de toutes les pièces manquantes. La remise de dossier à l’accusé étant de droit, elle n’est précédée d’aucune autorisation judiciaire ou administrative.
Articles 279 et 280 du Code de procédure pénale

150 L’accusé peut-il révoquer des jurés ?
En audience publique, et avant l’ouverture des débats, le greffier de la cour d’assises fait l’appel des jurés en présence de l’accusé. Le nom de neuf d’entre eux est tiré au sort, ainsi que celui des supplémentaires, qui assisteront aux débats et pourront remplacer les jurés défaillants. Au fur et à mesure du tirage au sort, des jurés pourront être récusés : cinq maximums par l’accusé, quatre par l’accusation. Chacun dispose de peu d’éléments rationnels pour décider des jurés qu’il rejette. Les seules informations qu’il détient sont le sexe, l’âge et la profession. En général, les avocats de la défense récusent les jurés qui exercent la même profession que la victime, pour éviter toute identification. Pour le reste, ils se fient à l’apparence physique de la personne.
Articles 297 et 298 du Code de procédure pénale

151 Qui dirige les débats devant la cour d’assises ?
Le président exerce la police de l’audience, c’est-à-dire qu’il veille au bon ordre au cours de l’audience et peut faire expulser les « perturbateurs », y compris l’accusé. Il dirige également les débats, grâce à sa connaissance d’un dossier que les jurés découvrent à travers lui. Le président fixe l’ordre des débats. Il peut, par conséquent, interroger l’accusé sur les faits avant de l’interroger sur sa personnalité et inversement. De la même manière il peut procéder à l’audition des témoins, des experts et des victimes avant ou après l’interrogatoire de l’accusé ou même durant des interruptions de cet interrogatoire qu’il décide.
Articles 283 et 309 du Code de procédure pénale

152 Quelle est l’étendue des pouvoirs du président de la Cour d’assises ?
Le président dispose d’un pouvoir discrétionnaire, qui lui permet de prendre « toutes les mesures qu’il croit utiles pour découvrir la vérité ». Ainsi, il peut ordonner la production de pièces étrangères à la procédure, de dossiers déjà jugés ou en cour d’information ; il peut aussi désigner un médecin, un technicien, un enquêteur afin de faire vérifier sur-le-champ un point en discussion. Il peut également entendre, sans leur faire prêtre serment, des personnes non citées comme témoins. Enfin, le président peut, à n’importe quel moment de l’audience, décider qu’un supplément d’information est nécessaire et renvoyer l’affaire à une autre session. Deux principes régissent le déroulement des débats et limitent les pouvoirs du président : celui de l’oralité des débats et celui du contradictoire. Le principe de l’oralité des débats implique que les déclarations des témoins régulièrement cités ne peuvent pas être lues avant l’audition. En vertu du principe du contradictoire, les pièces nouvelles doivent être communiquées à toutes les parties qui en font la demande.
Articles 283, 310 et 335 du Code de procédure pénale

153 La cour et le jury peuvent-ils manifester leur opinion à l’égard de l’accusé ?
Le président, pas plus que les assesseurs et les jurés, ne peuvent manifester leur opinion sur la culpabilité de l’accusé. S’ils le font néanmoins, cette manifestation doit être dénuée d’équivoque pour que soit retenue la violation des doits de la défense. D’autre part, s’agissant du président, l’interdiction est moins stricte que pour les assesseurs et les jurés. Il peut, par exemple, demander à un policier entendu comme témoin s’il est persuadé de la culpabilité de l’accusé, mais il ne peut pas dire à l’accusé qu’il nie l’évidence.
Articles 311 et 328 du Code de procédure pénale, chambre criminelle de la Cour de cassation, 14 juin 1989

154 Qu’appelle-t-on les « conclusions » ?
Les conclusions sont des actes par lesquels une partie expose une demande motivée. Les débats n’étant ni enregistrés ni transcrits (le greffier tient un procès-verbal qui mentionne les principaux actes de l’audience mais par leur contenu) l’accusé et son défenseur ont le droit de déposer des conclusions sur lesquelles la Cour est tenue de statuer. Ces conclusions peuvent être présentées oralement mais il st préférable de les écrire. Les demandes doivent être précises. Le but des conclusions peut être de demander une mesure (audition d’un témoin, d’un expert, transport sur les lieux, etc.) ou de faire constater une irrégularité ou une atteinte aux droits de la défense.
Article 315 du Code de procédure pénale

155 Qu’appelle-t-on « droits de la défense » ?
D’une manière générale, les droits de la défense en matière criminelle désignent à la fois ceux de l’accusé et de son avocat. Il s’agit de droits fondamentaux dont la violation peut entraîner la cassation de la condamnation. On peut citer, par exemple, le droit de communiquer librement et secrètement avec son avocat, le droit de l’impartialité des juges, le droit de prendre la parole en dernier, le droit de faire entendre des témoins, de bénéficier de l’assistance gratuite d’un interprète. L’avocat de la défense peut intervenir directement aux cours de l’audience pour poser des questions aux témoins, aux experts ou aux parties.
L’accusé doit pour sa part toujours passer par l’intermédiaire du président de la cour pour poser des questions.
Articles 278, 312, 329, 344 et 346 du Code de procédure pénale

156 Qu’est-ce qu’un « donné acte » ?
L’avocat de la défense doit être particulièrement vigilant à l’égard de tous les éléments et les incidents qui pourraient lui permettre d’obtenir l’annulation d’une décision de condamnation. Pour en conserver une trace, l’accusé ou son défenseur peuvent demander au président de lui « donner acte » de n’importe quel fait, déclaration ou omission survenus à l’audience. Le greffier prend acte de l’incident en question. Les demandes se font sous formes de conclusions.
Article 316 du Code de procédure pénale

157 A quel moment intervient la plaidoirie de la défense ?
La dernière partie du procès d’assises se déroule en trois temps. La parole est donnée en premier à l’avocat des parties civiles, qui doit réclamer une récupération pécuniaire du préjudice subi par son client. Il peut également développer les thèses de l’accusation. Vient ensuite le réquisitoire de l’avocat général (accusation). Après avoir généralement débuté par un rappel des faits, il précise la peine qu’il souhaite voir infliger à l’accusé. L’avocat de la défense intervient en dernier pour tenter de convaincre les jurés de décider l’acquittement ou de faire preuve l’indulgence. L’accusé, quant à lui, est invité à prendre la parole après la plaidoirie de son défenseur.
Article 346 du Code de procédure pénale

158 Comment la cour prend-elle sa décision ?
Une fois les débats terminés, la cour (magistrats et jurés) se retire pour délibérer. Elle doit alors se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé, et fixer une peine le cas échéant. La délibération débute par une phase de discussion non encadrée par la loi. Sa durée peut varier entre une demi-heure et six ou sept heures. L’influence du président sur le déroulement de la délibération dépend sa personnalité. Les neufs jurés et les trois magistrats procèdent ensuite à un vote à bulletin secret. Une majorité de huit voix est nécessaire pour qu’une décision concluant à la culpabilité soit rendue, c’est-à-dire qu’elle suppose l’accord d’au moins cinq jurés. Les bulletins blancs ou nuls sont considérés comme favorable à l’accusé. Ainsi, l’acquittement sera prononcé si cinq bulletins sont blancs ou nuls, quand bien même les sept autres membres de la cour d’assises se seraient prononcés en faveur de la culpabilité. En cas d’acquittement, la personne déclarée non coupable est immédiatement libérée. Elle ne pourra plus être poursuivie pour les mêmes faits. Lorsque la cour a déclaré l’accusé coupable, elle doit fixer la peine qui doit lui être infligée. La décision sur la sanction est prise à la majorité absolue des votants (sept sur douze). Cependant, une majorité de huit voix au moins est nécessaire pour prononcer le maximum de la peine encourue. Le verdict de la cour d’assises n’est pas motivé.
Articles 355 et suivants du Code de procédure pénale

159 Quelles peines peuvent être prononcées par la cour d’assises ?
La peine la plus élevée est la réclusion (ou la détention) criminelle à perpétuité. Ensuite viennent la réclusion criminelle et la détention criminelle à temps, qui comprennent trois échelons : 30 ans, 20 ans et 15 ans. On appelle détention criminelle la peine qui réprime certains crimes contre les intérêts fondamentaux de la nation. La peine la plus basse que la cour d’assises puisse prononcer est deux ans d’emprisonnement si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, et à un an si la peine encourue est la réclusion à temps. Une amende peut s’ajouter à une peine de réclusion ou de détention. La cour qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis d’au moins cinq ans, peut fixer une période de sûreté. La durée de cette période est de la moitié de la peine, et de dix-huit ans pour une réclusion à perpétuité. La cour d’assises peut soit augmenter cette durée (jusqu’au deux tiers de la peine ou jusqu’au 22 ans en cas de réclusion à perpétuité) soit la réduire. Lorsque le crime jugé est un assassinat d’un mineur de moins de quinze ans accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, la cour d’assises a la possibilité de prononcer une période de sûreté de trente ans, voire une « peine incompressible », c’est-à-dire perpétuelle.
Articles131-1, 132-18, 221-3 et 221-4 du Code pénal

160 Qu’est-ce qu’une exemption de peine ?
L’accusé peut être reconnu coupable mais exempté de peine. L’exemption de peine est toujours rattachée à la dénonciation de certains crimes ou délits graves. Il s’agit des personnes qui avaient participé comme auteurs ou complices à l’infraction, mais qui ont renseigné par la suite la Justice sur le crime envisagé et sur l’identité des autres auteurs ou complices. L’infraction en question doit avoir échoué. Il en est ainsi pour le terrorisme, l’évasion, la trahison et l’espionnage, la contrefaçon de monnaie ou de billets de banque, d’association de malfaiteurs, du complot et de la délinquance en bande organisée. La juridiction doit exempter la personne lorsque la preuve est rapportée qu’elle a avertie les autorités. Devant la cour d’assises, quand elle est alléguée par la défense, l’exemption de peine doit faire l’objet d’une question spéciale posée à la Cour et au jury.
Article 363 du Code de procédure pénale, chambre criminelle de la Cour de cassation, 31 janvier 1990

161 Qu’est-ce qu’une « réduction de peine encourue » ?
Dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti les autorités, elle a permis de faire cesser l’infraction, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres auteurs ou complices. La peine sera par exemple réduite de moitié ou ramenée à vingt ans quand la peine encourue était la réclusion criminelle à perpétuité.
Articles 132-78, 224-5-1, 225-4-8-1, 225-4-9, 225-11-1, 311-9-1, 312-6-1 et suivants du Code pénal

162 Qu’est-ce que la récidive légale en matière criminelle ?
La récidive est une circonstance qui aggrave la peine encourue. Toute réitération de l’acte ne constitue pas un cas de récidive légale. Pour qu’elle soit retenue en matière criminelle, il faut que la première effraction ait été un crime, ou un délit passible de dix ans d’emprisonnement. Si un crime passible de vingt ou trente an s de réclusion est commis par la suite, la peine encourue sera la réclusion à perpétuité. Si le crime commis est passible de quinze ans de réclusion, la peine encourue sera de trente ans de réclusion.
Articles 132-8 à 132-11 du nouveau Code pénal

163 Qu’est-ce qu’une confusion de peines en matière criminelle ?
La confusion empêche les peines de se cumuler les unes après les autres. Lorsqu’une peine de réclusion criminelle à perpétuité est prononcée, toute autre peine privative de liberté se confond automatiquement avec elle. Il s’agit du seul cas de confusion automatique. Les peines criminelles et les peines correctionnelles se cumulent entre elles, à condition de ne pas dépasser le maximum légal encouru. Lorsque la réclusion à perpétuité, encourue pour l’une des infractions, n’est pas prononcée, le maximum légal est fixé à trente ans pour le cumul des peines. Par exemple, si une personne est condamnée à vingt cinq ans de réclusion pour assassinat et à sept ans d’emprisonnement pour transport illicite de stupéfiants, les peines cumulées porteront le total à trente ans - et non à trente-deux ans. Cependant, la cour d’assises a la faculté de prononcer la confusion totale ou partielle des différentes peines si celles-ci sont de même nature. Toutes les peines privatives de liberté sont de même nature. Si la cour d’assises ne s’est pas prononcée sur la confusion, le détenu peut adresser une requête au procureur général de la cour d’appel. Celui-ci la transmettra à la chambre d’instruction. La chambre de l’instruction du lieu de détention peut-être compétente. Il convient de prendre garde au fait qu’en cas de confusion, l’exclusion du bénéfice des grâces qui affecterait l’une des peines s’étend à toutes les autres. (cf. le chapitre « Grâces et amnisties  »).
Articles 132-4 et 132-5 du Code pénal et 710 du Code de procédure pénale

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