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La Liberté conditionnelle

Publication originale : 1er mai 2002

Dernière modification : 23 septembre 2014

Créée par une loi du 14 août 1885, la libération conditionnelle est une mesure en voie de disparition. En trente ans, les décisions d’octroi de cette mesure ont diminué de moitié. Pourtant, il a été démontré que les personnes libérées dans le cadre d’une libération conditionnelle récidivent moins que celles libérées en fin de peine. La loi sur la protection de la présomption d’innocence prévoit un recours dès le 1er janvier 2001 contre les décisions de refus et supprime la compétence du Garde des sceaux pour les longues peines.

Texte de l'article :

 633-Qu’est-ce que la libération conditionnelle ?

La libération conditionnelle est un dispositif qui permet à un condamné de sortir prison avant la fin de sa peine. La personne en liberté conditionnelle doit respecter un certain nombre d’obligations pendant une période de temps déterminée (délai d’épreuve) et se soumettre à des mesures d’aide et de contrôle. Si le condamné respecte ses obligations, la peine sera considérée comme définitivement terminée à la fin de la période d’épreuve. Si au contraire il ne respecte pas ces obligations, il perd le bénéfice de la libération conditionnelle et doit retourner en prison pour terminer sa peine.
Articles 729 et suivants

 634-Quand peut-on demander une libération conditionnelle ?

La libération conditionnelle peut être accordée aux condamnés qui ne sont pas en état de récidive légale lorsqu’ils ont exécuté au moins la moitié de leur peine : ils ont accompli une durée d’incarcération égale à celle qu’il leur reste à subir. Les récidivistes peuvent quant à eux obtenir une libération conditionnelle après avoir accompli les deux tiers de leur peine. Ces délais se calculent en fonction des réductions de peine et des grâces accordées qui modifient la date de fin de peine.
Les parents d’un mineur de moins de dix ans bénéficient d’un régime plus favorable. Lorsqu’un condamné exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans, et à condition que cet enfant ait eu sa résidence habituelle chez lui, il peut prétendre à une libération conditionnelle sans attendre la moitié ou les deux tiers de la peine. Il faut pour cela que la peine prononcée soit inférieure ou égale à quatre ans ou bien qu’il lui reste moins de quatre ans d’incarcération à subir. Ce régime n’est cependant pas applicable aux personnes condamnées pour un crime ou un délit commis à l’encontre d’un mineur.
Les personnes condamnées à une peine de réclusion à perpétuité doivent quant à elles purger quinze années d’incarcération avant de pouvoir déposer une demande de libération conditionnelle. En cas de réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté de plus de quinze ans, la libération conditionnelle doit être précédée d’une semi-liberté. Enfin, les condamnés qui subissent une période de sûreté ne peuvent pas demander de libération conditionnelle avant le terme de celle-ci.
Articles 132-23 du nouveau Code pénal, 720-5, 729 et 729-3 nouveau du Code de procédure pénale

635-Qu’est-ce que la réduction du temps d’épreuve ?
Le temps d’épreuve est la durée de la peine que le condamné doit accomplir avant de pouvoir prétendre à une libération conditionnelle. La réduction du temps d’épreuve est un aménagement de peine exclusivement réservé aux réclusionnaires à perpétuité, dont le délai d’épreuve est en principe de 15 ans. Le juge de l’application des peines peut octroyer des réductions du temps d’épreuve d’un mois maximum par année d’incarcération, ou 20 jours si le condamné est en état de récidive légale. Pour les condamnations intervenues avant le 11 septembre 1986, la durée maximale de la réduction du temps d’épreuve est de 45 jours par an, y compris si le condamné est en état de récidive légale. Les condamnés qui font l’objet d’une période de sûreté peuvent demander une réduction du temps d’épreuve. Mais les réductions éventuellement accordées ne diminueront pas la période de sûreté.
Articles 729 et 729-1 (nouveau et ancien) du Code de procédure pénale

636-Quels sont les critères d’octroi de la réduction du temps d’épreuve ?
Les critères sont les mêmes que ceux requis pour les réductions de peine. Le détenu doit présenter des preuves suffisantes de « bonne conduite » ou avoir accompli « des efforts sérieux de réadaptation ». Il en est ainsi lorsque sont réunis un ensemble d’éléments qui permettent au juge de l’application des peines de considérer qu’il existe des chances de réinsertion : acquisition de compétences professionnelles, suivi d’une scolarité ou d’une formation, suivi d’un traitement médical, comportement en détention, perspectives de sortie… Cet aménagement devrait en théorie réduire le délai d’épreuve de quinze ans prévu pour les condamnations à perpétuité. En vérité, il n’a que peu d’effets : la plupart des infractions punies de la réclusion criminelle à perpétuité sont assorties d’une période de sûreté de 18 ans.
Articles 729-1 du Code de procédure pénale

637-Quels sont les critères d’octroi de la libération conditionnelle ?
Le détenu doit manifester « des efforts sérieux de réadaptation sociale ». C’est le cas notamment lorsqu’il suit avec assiduité une formation professionnelle, un enseignement, un stage ou un emploi temporaire « en vue de sa réinsertion sociale ». C’est également le cas lorsque le détenu apporte la preuve qu’un emploi lui est destiné à l’extérieur (mais il ne s’agit pas d’une condition obligatoire), que sa participation à la vie de famille est essentielle ou qu’il doit suivre un traitement médical. Le juge doit aussi prendre en compte l’effort accompli pour indemniser les victimes. Il ne s’agit là que d’exemples fournis par la loi. L’autorité compétente peut s’appuyer sur d’autres considérations plus subjectives. Dans tous les cas, le fait de remplir ces critères ne fournit pas au condamné un droit d’obtenir une libération conditionnelle, dont l’octroi est laissé à la libre appréciation de l’autorité compétente.
Articles 729 du Code de procédure pénale (article 126 de la loi sur la présomption d’innocence)

638-Qui accorde la libération conditionnelle ?
La procédure change à partir du 1er janvier 2001. Il faut donc distinguer le régime en vigueur jusqu’à cette date et celui qui lui succédera. Quelle que soit l’autorité compétente pour décider de la libération conditionnelle, elle peut toujours, avant de prendre sa décision, faire effectuer des vérifications et des enquêtes sur le sérieux du projet de sortie du condamné. Enfin, l’autorité ne peut accorder de libération conditionnelle à des condamnés sanctionnés pour des infractions d’ordre sexuel qu’après avoir fait procéder à une expertise psychiatrique. Cette expertise doit être réalisée par trois experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre, l’assassinat ou le viol d’un mineur.
Articles 722, 730 et D.116-1 du Code de procédure pénale

639-Qui accorde la libération conditionnelle jusqu’au 1er janvier 2001 ?
Si le condamné exécute une ou plusieurs peines entraînant une durée de détention égale ou inférieure à cinq ans à compter du jour où il a été incarcéré, l’autorité compétente est le juge de l’application des peines. Il peut accorder la libération conditionnelle après avoir pris l’avis de la commission de l’application des peines.
Si le condamné exécute une ou plusieurs peines entraînant une durée de détention supérieure à cinq ans, c’est le ministre de la Justice qui décide, après avoir pris l’avis du Comité consultatif de libération conditionnelle. Cette procédure ne peut être mise en œuvre que par le juge de l’application des peines, qui propose le dossier de libération conditionnelle du condamné au ministre de la Justice, après avoir pris l’avis de la commission d’application des peines.
Articles 730 actuel et D.520 du Code de procédure pénale

640-Qui décide d’accorder la libération conditionnelle à compter du 1er janvier 2001 ?
Le juge de l’application des peines (JAP) est compétent pour accorder la libération conditionnelle à partir du 1er janvier 2001, lorsque la ou les condamnation(s) prononcée(s) n’excède(nt) pas dix ans d’emprisonnement ou, quelle que soit le peine prononcée, lorsque la durée de détention qui reste à subir ne dépasse pas trois ans.
Une nouvelle juridiction, la « juridiction régionale de libération conditionnelle » est compétente en ce qui concerne les personnes condamnées à plus de dix ans de prison et auxquelles il reste plus de trois ans de détention à subir.
Cette nouvelle juridiction est constituée auprès de la Cour d’appel et est composée d’un magistrat de la Cour d’appel (président de chambre ou conseiller de Cour d’appel) et de deux JAP. La compétence du Garde des sceaux est donc supprimée.
La saisine du JAP ou de la juridiction régionale de la libération conditionnelle a lieu soit à la demande du condamné, soit sur réquisition du procureur. Les décisions en matière de libération conditionnelle doivent désormais être obligatoirement motivées et précédées d’une procédure contradictoire (audience du condamné assisté de son avocat et audience du procureur de la République). Le JAP doit également entendre l’avis d’un représentant de l’administration pénitentiaire (directeur de l’établissement, responsable du service pénitentiaire d’insertion et de probation, ou autre). La juridiction régionale doit quant à elle demander l’avis de la commission d’application des peines.
Article 730 modifié du Code de procédure pénale

641-Le détenu peut-il refuser une libération conditionnelle ?
La libération conditionnelle repose, dans son principe, sur la participation active du condamné. Dans la plupart des cas, la demande de libération conditionnelle est formulée par le condamné lui-même.
A compter du 1er janvier 2001, la libération conditionnelle pourra également être requise par le procureur de la République qui saisira alors l’autorité compétente. Le juge de l’application de peines (JAP) pourra se saisir de lui-même. Il est déjà tenu d’examiner, au moins une fois par an, la situation de tout condamné qui remplit les conditions de délai pour obtenir une libération conditionnelle. Cette règle ne signifie pas que la mesure peut être accordée à un détenu sans son consentement. Son acceptation est indispensable au moment de la décision, en sorte qu’il peut s’y opposer. Seuls les étrangers sous le coup d’une mesure d’interdiction du territoire peuvent faire l’objet d’une « libération conditionnelle expulsion » décidée sans leur accord.
Articles 722, 729-2, 730 et D.531 du Code de procédure pénale

642-A quel contrôle est soumis tout condamné libéré sous conditions ?
A sa sortie, le libéré conditionnel dispose d’un délai de 24 à 48 heures pour se présenter au juge de l’application des peines (JAP) désigné pour suivre la mesure. Il s’agit en général du JAP du lieu de résidence du condamné. Ce délai est indiqué sur la carte de libéré conditionnel remise à la sortie de prison.
Une fois libéré, le condamné est placé sous la surveillance et le contrôle du JAP et du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Le juge le reçoit, lui rappelle ses obligations et lui indique les mesures de surveillance dont il fera l’objet. Un travailleur social du SPIP rencontrera périodiquement le libéré conditionnel et s’assurera du respect de ses obligations. Le condamné doit habiter au lieu fixé par la décision de libération et doit répondre aux convocations du JAP ou du SPIP. Il doit également recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer tous les documents et renseignements qui permettent de vérifier qu’il respecte ses obligations. Il doit prévenir le travailleur social de tout changement d’emploi et obtenir l’autorisation du JAP quand le changement d’emploi envisagé peut empêcher le bon déroulement de ses obligations. Enfin, le libéré doit obtenir l’autorisation du JAP pour tout déplacement supérieur à quinze jours, ainsi que pour tout déplacement à l’étranger. Le SPIP peut aider le condamné à réaliser certaines démarches, ainsi que lui accorder une aide matérielle ou demander à tout organisme d’assistance de le faire.
Articles 731, D532 à D.534 du Code de procédure pénale

643-A quelles obligations particulières le libéré sous conditions peut-il être soumis ?
Aux obligations générales qui imposent au condamné de répondre à un certain nombre de convocations et de ne pas changer de domicile ou de travail sans autorisation, peuvent s’ajouter des obligations particulières fixées par l’autorité qui a accordé la mesure Celle-ci choisit parmi les obligations suivantes celles qui doivent s’imposer au libéré sous conditions : s’abstenir de paraître dans tout lieu précisé par l’autorité ; suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; se soumettre à des mesures d’examen, de contrôle, de traitement ou de soins médicaux, même sous le régime de l’hospitalisation ; justifier qu’il contribue aux charges familiales ou s’acquitte régulièrement des pensions alimentaires dont il est redevable ; payer les sommes dues à la victime de l’infraction ; payer les sommes dues au Trésor public ; ne pas conduire certains véhicules ; ne pas fréquenter les casinos et autres lieux de jeux d’argent ; ne pas détenir ou porter une arme.
Il arrive également que la libération conditionnelle soit accordée à condition que le condamné effectue une période préalable de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, qu’il remette tout ou partie de son pécule en dépôt au service pénitentiaire d’insertion et de probation, qu’il s’engage dans l’armée ou qu’il quitte le territoire français.
Articles 723-1, 731, 732, D.535 et D.536 du Code de procédure pénale

644-Les obligations du condamné peuvent-elles être modifiées ?
Le juge d’application des peines (JAP) qui suit le condamné pendant la durée de son délai d’épreuve peut lui imposer des obligations nouvelles, même si la décision de libération conditionnelle a été prise par un autre JAP.
Lorsque la libération conditionnelle a été accordée par une juridiction régionale de libération conditionnelle, les obligations du condamné sont modifiables par une juridiction identique, sur proposition du JAP.
Articles 732 modifié et D.536 du Code de procédure pénale et chambre criminelle de la Cour de cassation arrêt du 19 décembre 1991

645-Qu’est-ce que le « délai d’épreuve » ?
Le délai d’épreuve est le temps pendant lequel le libéré conditionnel est placé sous le contrôle du juge de l’application des peines et soumis à conditions. La durée du délai d’épreuve est au moins égale au temps de détention qu’il restait à subir au condamné au jour de sa libération. Le délai d’épreuve peut se poursuivre au maximum un an au-delà de la fin de peine. En aucun cas, la totalité du délai d’épreuve, ne peut dépasser une durée de 10 ans, même si le temps de peine qui restait à exécuter est supérieur. Pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, le délai d’épreuve est obligatoirement compris entre 5 et 10 ans. A la fin du délai d’épreuve la libération devient définitive. Le condamné est considéré comme ayant accompli la totalité de sa peine.
Article 732 du Code de procédure pénale

646-Que se passe-t-il à la fin du délai d’épreuve ?
Si aucune révocation n’est intervenue, le condamné est définitivement libre au terme du délai d’épreuve. Même si l’on s’aperçoit a posteriori qu’il n’a pas respecté ses obligations pendant le délai d’épreuve, la libération conditionnelle ne peut plus être révoquée. La peine est dès lors réputée s’être terminée au jour de la libération conditionnelle. Cela signifie notamment que les délais pour demander la réhabilitation judiciaire débutent au jour où le condamné est sorti de prison (et non le premier jour après le délai d’épreuve).
Article 733 du Code de procédure pénale

647-Quels motifs peuvent entraîner une révocation de la liberté conditionnelle ?
La libération conditionnelle peut être révoquée si le condamné, pendant la durée du délai d’épreuve, ne respecte pas ses obligations, s’il fait l’objet d’une nouvelle condamnation ou s’il fait preuve « d’inconduite notoire ». La décision de révocation n’est jamais automatique, même en cas de nouvelle condamnation. Il s’agit simplement d’une faculté laissée à l’appréciation de l’autorité compétente.
Article 733 du Code de procédure pénale

648-Qui peut révoquer une liberté conditionnelle ?
Lorsque la libération conditionnelle a été décidée par un juge de l’application des peines (JAP), seul le JAP chargé du suivi du libéré sous conditions peut ordonner sa révocation, après avoir consulté le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Lorsque la décision de libération conditionnelle a été prise par le ministre de la Justice (jusqu’au 1er janvier 2001), celui-ci peut décider d’une révocation, sur proposition du JAP chargé du suivi de la mesure. Il ne peut pas ordonner de révocation en l’absence de proposition du JAP. A compter du 1er janvier 2001, la juridiction régionale de la libération conditionnelle sera compétente pour révoquer une libération conditionnelle relevant de sa compétence.
La décision de révocation peut être partielle. Le condamné est alors réincarcéré pour une période déterminée à la fin de laquelle il sera de nouveau remis en liberté conditionnelle. En cas d’urgence, le JAP chargé du suivi du libéré conditionnel peut ordonner l’arrestation provisoire du condamné jusqu’à ce que l’autorité compétente se prononce sur la mesure à prendre. Il n’y a pas de définition de l’urgence. A partir du 1er janvier 2001, le JAP peut ordonner aux forces de police de faire venir devant lui un condamné (« mandat d’amener ») ou, s’il est en fuite, de le rechercher et de le conduire dans un établissement pénitentiaire (« mandat d’arrêt »).
Articles 722-1, 722-2 Nouveaux et 733 du Code de procédure pénale

649-Quels sont les effets d’une révocation de la liberté conditionnelle ?
Le condamné dont la libération conditionnelle a été révoquée réintègre un établissement pénitentiaire. Il doit alors exécuter la totalité ou une partie de la peine qui lui restait à subir au moment de sa sortie en liberté conditionnelle. Si le condamné a été arrêté provisoirement sur décision du juge de l’application des peines, le temps passé en été d’arrestation provisoire est comptabilisé comme temps de détention effectué. Si une nouvelle condamnation a été prononcée contre le libéré sous conditions, elle s’ajoute à celle qui reste à purger en raison e la révocation. Dans ce cas, aucune confusion de deux peines (procédure permettant de réduire la durée totale de plusieurs condamnations) n’est possible.
Le condamné dispose à partir du 1er janvier 2001 d’un recours contre une décision de révocation de la libération conditionnelle, devant la chambre des appels correctionnels (Cour d’appel) pour une décision prise par le JAP, et devant la « juridiction nationale de libération conditionnelle » pour une décision de la juridiction régionale.
Articles 722-1 nouveau et 733 du Code de procédure pénal