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6 Conclusion

Mise en ligne : 20 juin 2009

Texte de l'article :

CONCLUSION

La proportion de questionnaires exploitables est très satisfaisante (117 établissements totalisant 40656 détenus, soit environ 60% de la population carcérale nationale). Les pratiques sont disparates, mais de grandes lignes se détachent, le pourcentage de détenus traités atteint presque 10% de la population évaluée, et l’ensemble des établissements répondants ont au moins un traitement de substitution à proposer aux arrivants, tandis que 80% sont organisés pour assurer la continuité des soins à la libération.
Les prescriptions émanent des UCSAs dans trois-quarts des établissements et la délivrance des traitements est faite par les IDE des UCSAs dans 80% des structures, un quart ont mis en place un engagement écrit avec le détenu, une unité médicale sur cinq continue à pulvériser les comprimés de buprénorphine, malgré cela un gros tiers des unités jugent le détournement des médicaments de substitution fort ou très fort.
Mais détournement et mésusage sont des thèmes éminemment délicats, sujets à toutes les interprétations de la part de certains soignants, de leur nécessaire acceptation parce que mode de vie à part entière du patient, jusqu’à leur totale réfutation conduisant à priver le détenu de la substitution quitte à lui infliger une perte de chance. A mon sens, l’équipe soignante se doit de moduler sa position au cas par cas, pour n’exclure personne, quitte à effectivement tolérer au début certaines pratiques de toxicomanes le temps qu’ils deviennent véritablement des patients et leur laisser la possibilité d’intégrer le système de soin. Cependant il faut participer à lutter contre le mésusage afin de ne pas dévoyer la philosophie première de la substitution en devenant un simple fournisseur de produits autorisés et en perdant du même coup une partie de notre crédit tant aux yeux des détenus que de l’administration pénitentiaire. Evidemment, la personnalisation et le suivi du parcours de soin et de la prise en charge de chaque toxicomane demande des moyens humains, matériels, du temps ainsi qu’un fort investissement personnel tant du soignant que du soigné, mais cette entreprise de reconstruction de l’individu ne repose pas que sur les intervenants médicaux, et à ce stade c’est à l’administration pénitentiaire de faciliter le travail et la coordination de tous les acteurs pour parvenir à mener à bien ses missions de lutte contre la récidive et de réinsertion sociale.
Dans un avenir proche, une homogénéisation des pratiques devrait contribuer à rassurer le détenu dans sa démarche, et à faciliter la communication entre les unités médicales de façon à mener une véritable action transversale de santé publique. Le fait que le soin aux détenus soit confié à l’hôpital public sur l’ensemble du territoire est la première étape qui devrait permettre de mener une véritable politique concertée sur le plan national. En ce sens, douze ans après l’introduction des médicaments de la substitution en milieu carcéral, nous n’en sommes peut-être finalement qu’au début, mais il est venu le temps de la mise en commun des expériences de chacun, et mon souhait est que la réalisation de cette enquête y contribue.