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Suisse : "Prescription médicamenteuse non psychotrope à la prison préventive de Champ-Dollon" par Marc BINDSCHEDLER

Administration des médicaments à Champ-Dollon

Mise en ligne : 28 mai 2005

Dernière modification : 31 mai 2005

Texte de l'article :

8. Administration des médicaments à Champ-Dollon

 Les seuls prescripteurs à Champ-Dollon sont les médecins généralistes et les médecins psychiatres. Les traitements proposés par un confrère spécialisé sont administrés par le généraliste, afin d’éviter un dédoublement des prescriptions qui pourrait déboucher sur des trafics de médicaments entre les détenus.

 Les traitements complets sont transmis par écrit à l’équipe infirmière qui prépare des pochettes nominatives avec le nom des médicaments à l’intention de chaque détenu concerné. La distribution est effectuée par l’équipe infirmière, dans les cellules, deux à trois fois par jour. Elle est très rapide et ne peut pas, selon l’équipe infirmière, être l’occasion d’un moment d’échange entre patient et soignant.

 Les gardiens ne sont pas habilités à délivrer des médicaments, à l’exception de ceux que les membres de l’équipe infirmière les autorisent à donner pour quelques demandes sporadiques (par exemple pour des céphalées).

 Une liste de médicaments que l’équipe infirmière est autorisée à distribuer sans ordre médical (au maximum pendant trois jours consécutifs a été établie (Tableau 1). Sauf la méthadone, les médicaments sont délivrés depuis 1998 dans leur forme d’origine, solides et non dissous.

 Pour des raisons de sécurité, en particulier pour éviter de confondre les patients entre eux, les doses unitaires maximales de méthadone que l’équipe infirmière est autorisée à emporter dans sa tournée de médicaments est de 40 mg. Pour des doses supérieures à 80 mg par jour (2x40 mg), les détenus montent quotidiennement au service médical, où ils prennent ces doses sous contrôle infirmier.

 Les tournées, au nombre de trois par jour, ont lieu le matin de 7h à 7h45, l’après-midi à 17h30 et le soir de 20h30 à 22h30. La tournée de l’après-midi concerne les médicaments qui doivent être pris sous contrôle pour éviter les risques de stockage ; le trafic existe cependant et nombreux sont les cas de découverte d’importantes caches de médicaments. Certains antirétroviraux sont vendus comme des benzodiazépines en raison de la ressemblance entre les comprimés, on découvre de l’Augmentin chez un détenu à qui il n’a jamais été prescrit, le prix au marché noir de 2,5 mg de Temesta peut aller jusqu’à 5 FS (prix normal : 40 ct), et l’on pourrait multiplier les exemples sans naturellement pouvoir les chiffrer.

 La possibilité de stockage donne lieu à toutes sortes de trafics et est susceptible d’augmenter légèrement les risques de suicide par intoxication médicamenteuse. Toutefois, une étude portant sur les décès à Champ-Dollon de 1977 à 1992 (14) a montré que 60% des suicides ont été commis par pendaison, 12% par intoxication médicamenteuse, 12% par veinosection, et 8% par asphyxie au moyen d’un sac en plastique. En postulant que le risque suicidaire nul n’existe pas et que le meilleur moyen de prévenir les tentatives n’est pas de tenter de supprimer tous les moyens disponibles à cet effet, on peut se rallier à l’argument selon lequel une distribution de médicaments solides et donc stockables permet au patient-détenu de se responsabiliser face à sa maladie et à son traitement.

 Une particularité de la prescription médicamenteuse à Champ-Dollon est l’existence de traitements "non-stop", c’est-à-dire pour lesquels une prolongation par un médecin après l’instauration initiale n’est pas nécessaire. Nous verrons lors de notre analyse si les traitements concernés par ce régime spécial peuvent effectivement être administrés de cette façon.

 L’approvisionnement en médicaments se fait une fois par semaine (ou plus si urgence) dans une pharmacie privée située non loin de la prison.

 Les médicaments répertoriés ci-dessous (Tableau 1) peuvent être donnés aux patients sans ordre médical. Les doses indiquées sont les doses maximales par 24h, sont gérées par le patient et ne peuvent en aucun cas être dépassées. Par ailleurs, ces médicaments ne doivent pas être administrés pendant plus de trois jours de suite. Toute remise de médicament est consignée dans le dossier et signalée au médecin. A noter que dans cette liste ne figure pas l’acide acétylsalicylique, et qu’en lui remettant le médicament, l’infirmière-er donne au patient une information appropriée.

Tabl. 1 : Médicaments, administrables sans prescription médicale, à disposition de l’équipe infirmière à Champ-Dollon
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Le nombre de tournées pour la distribution de médicaments ainsi que d’autres modalités sont en constante réévaluation. Une simplification est intervenue en 2002.