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Accès à la lecture et à la liberté d’expression en prison

Mise en ligne : 11 avril 2008

Texte de l'article :

 Le 23 avril prochain, sera célébrée la journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Par cette manifestation, l’UNESCO souhaite promouvoir la lecture, l’industrie éditoriale et la protection de la propriété intellectuelle à travers le droit d’auteur. Comme souvent, ce type de manifestation peine à trouver sa place dans les lieux de mise à l’écart comme la prison. L’accès au livre et la possibilité de publier des livres sont très limités en prison.

 La plupart des prisons sont dotées d’une bibliothèque mais celle-ci est en général peu fournie. Il n’y a pas toujours de convention entre les bibliothèques municipales ou départementales et celles des prisons ; de toute façon, ces conventions permettent avant tout le détachement d’un bibliothécaire (le plus souvent à temps partiel), mais elles ne sont pas la garantie d’un enrichissement mutuel des fonds. Pourtant la règle 28-1 des règles pénitentiaires européennes, dans leur version de janvier 2006, stipule (aux alinéas 5 et 6) que "chaque établissement doit disposer d’une bibliothèque destinée à tous les détenus, disposant d’un fonds satisfaisant de ressources variées remettre l’italique sur spip, à la fois récréatives et éducatives, de livres et d’autres supports. Partout où cela est possible, la bibliothèque de la prison devrait être organisée avec le concours des bibliothèques publiques".
Par ailleurs, l’accès à la bibliothèque n’est pas toujours simple. Il y a concurrence entre le travail et les autres activités ; les horaires d’ouverture sont presque toujours les mêmes que ceux des ateliers. Selon les établissements, il peut exister d’autres systèmes, comme par exemple le choix d’un livre sur le catalogue de la bibliothèque ; le livre est ensuite déposé en cellule. Cette modalité de fonctionnement permet certes aux personnes qui travaillent de bénéficier des services de la bibliothèque, mais cela limite les modalités de choix des ouvrages.
Les personnes peuvent également recevoir des livres de l’extérieur, mais selon un règlement très précis, issu de l’article D 423 du code de procédure pénale (CPP) : "l’envoi ou la remise de colis est interdit dans tous les établissements à l’égard de tous les détenus. Les seules exceptions qui peuvent être apportées à ce principe, par décision du chef d’établissement, concernent la remise de linge et de livres brochés n’ayant pas fait l’objet d’une saisie dans les trois derniers mois et ne contenant aucune menace précise contre la sécurité des personnes et celle des établissements".
Enfin, le nombre de livres que les personnes peuvent conserver en cellule varie selon les établissements, les périodes, les personnes.

 Publier un livre en étant en prison est fort difficile. L’article D 444-1 du CPP stipule en effet que "la sortie des écrits faits par un détenu en vue de leur publication ou de leur divulgation, sous quelque forme que ce soit, est autorisée par décision du directeur interrégional des services pénitentiaires territorialement compétent". Il est toujours possible de diffuser un bulletin ou un journal, mais "avec l’accord et sous le contrôle de l’administration".
La liberté d’expression et de publication est donc très étroitement contrôlée.

 Comment ressentir le plaisir de la lecture, lequel permet de s’ouvrir à la culture et de "s’évader", si on ne peut accéder facilement aux livres ? La censure systématique qui s’exerce sur les écrits limite considérablement l’expression, conduisant sans doute également à l’autocensure. Tant que la prison restera une zone où le droit commun ne s’applique pas, elle ne pourra prétendre être autre chose qu’un outil de relégation. On ne favorise pas la réintégration en empêchant les personnes de s’ouvrir au monde qui les entoure.

 

La rédaction
Ban Public
Avril 2008